Le petit chevalier qui n'aimait pas la pluie
L'avis de Ricochet
Assurément l’un des grands noms de la littérature jeunesse au Canada français, Gilles Tibo a une longue carrière marquée par les honneurs littéraires et par les succès de ventes. Cet auteur connu pour sa prolificité (plus d’une centaine de livres à son actif), démontre ici qu’il sait se renouveler. Gilles Tibo a tiré de son imaginaire fourmillant un charmant chevalier, un peu gourmand (il s’empiffre joyeusement de gâteaux au chocolat) mais un peu peureux (il craint la pluie). Lorsqu’un orage interminable menace les habitants de son royaume (qui n’ont plus rien à manger) ce vaillant petit chevalier montrera qu’il a de l’astuce et du courage à revendre. L’auteur exploite le thème du dépassement de soi, mais assez subtilement pour que ça ne sente pas la leçon.
L’album présente un délicieux mélange de fantaisie et de réalisme, tant du côté du texte que des illustrations. Dans la veine réaliste, il y les mains moites d’un petit garçon effrayé, le livre de recettes taché de chocolat, la souris gloutonne qui gobe la cerise sur le gâteau. Dans la veine fantaisiste, il y ce royaume fabuleusement perché au sommet des arbres, ce parapluie en forme de gâteau au chocolat ou encore cette échelle terrifiée qui se sauve en courant.
L’originalité du texte tient dans une narration qui s’articule sur deux niveaux. À la voix du narrateur qui raconte l’histoire de façon traditionnelle, s’ajoute une deuxième voix, celle de l’auteur, qui décrit l’univers du petit chevalier. Et quel humour dans cette évocation! L’humour de situation côtoie l’humour teinté d’absurde, tel ce constat rigolo : « Les souris qui ne comprennent rien n’ont peur de rien. » Très typés, les personnages apportent, chacun à leur façon, leur dose de rigolade, que ce soit les jumeaux, les triplés, le chat Groseille, etc. Gilles Tibo utilise judicieusement la répétition (comme cette millionnième goutte de pluie ou les ronchonnements perpétuels de Thibodeau le grognon) pour créer un effet comique. Et comment ne pas s’esclaffer devant le punch final, où le petit chevalier danse sous la pluie, indifférent aux grincements de sa cuirasse qui commence à rouiller…
Avec ses illustrations à la gouache sur papier aquarelle, Geneviève Despré a créé un royaume luxuriant, aussi invitant que fascinant. Elle joue sur les contrastes – les teintes de brun et de noir succédant au rouge tomate et au vert lime, pour créer des atmosphères tantôt très sombres, tantôt remplies d’allégresse. Geneviève Despré a le trait vif et d’un simple coup de crayon excelle à traduire l’émotion et le mouvement.
Ses illustrations se déploient comme de foisonnants tableaux, bourrés d’action, de petites scènes, de détails rigolos, des tableaux parfaits pour stimuler la capacité d’observation des enfants et développer ce que les pédagogues appellent la littératie visuelle.
La maquette a été conçue avec minutie et inventivité, variant les angles, les plans rapprochés et les vues d’ensemble. Malgré les scènes touffues, les deux niveaux de narration et tous les commentaires en italiques placés dans les illustrations, la mise en page reste aérée. On retrouve la même créativité et cette attention aux petits détails jusque dans les désopilantes pages de garde, illustrant la routine du lever et du coucher du petit chevalier.
Voici donc un album qui combine superbement l’humour, la tendresse, le suspense et la fantaisie. Et qui offre, en sus, une narration élégante et beaucoup de finesse dans la palette. Devant un tel opus, ne reste qu’une seule chose à faire : lire lentement pour faire durer le plaisir. Puis relire pour faire resurgir l’enchantement.
Présentation par l'éditeur
Dans un curieux royaume construit au sommet d’une forêt vivait un petit chevalier. Il aimait les chats et les gâteaux au chocolat. Il ne craignait ni la nuit, ni les souris… mais il avait terriblement peur de la pluie ! Un jour, un orage énorme s’abattit sur le village. Le petit chevalier courut se réfugier dans sa forteresse. Il y resta enfermé longtemps, très longtemps, jusqu'au jour où il dut quitter son refuge pour affronter ses peurs...