La nuit des mis bémols

Bobby Potemkine, le personnage central de cette histoire déconcertante et poétique, est apparu pour la première fois dans notre paysage littéraire en 2002, dans le premier roman de Manuella publié à L’école des loisirs, « Au nord des gloutons ». Il évolue dans un monde décalé, où tous les personnages, qu’ils soient humains, animaux ou végétaux, mènent leur vie propre selon une logique qui pourrait nous échapper.
Huit autres romans suivent. Ils portent tous des titres magnifiques et racontent les tribulations de Bobby, aux prises avec une réalité qui se dérobe. Ces récits prennent la forme d’enquêtes d’une apparente légèreté.
Pour sa dixième apparition, nous retrouvons Bobby assis au bord du quai, observant les icebergs qui dérivent. Il entame une conversation avec un oiseau transparent, Jean Gouanodon, qui l’alerte sur une étrange affaire de clafoutis rebelle. Le gâteau mordille –affectueusement certes, toute personne souhaitant le déguster. Et puis il y a la chavirante Lili Nebraska, qui peine à jouer sa Cantate golde depuis que tous les mis bémols ont disparu. Comment Billy va résoudre ces énigmes alors qu’il a, pour l’heure, un autre problème : le temps lui échappe, le jour et la nuit se succèdent à un rythme qu’il ne peut pas suivre. Rêve-t-il ?
Lorsque l’on s’embarque dans l’univers onirique de Manuela Draegar, il ne faut surtout pas chercher à tout comprendre. Il faut se laisser porter par les mots, par leur poésie, par les images insolites dont elle parsème ses récits, par les personnages dont la liberté d’être et de penser est puissante. Il faut accepter d’être désarçonné pour parcourir ce monde en déliquescence, perturbé par les pluies de météorites et les icebergs défilant en bon ordre. On peut alors vivre un voyage singulier sur des territoires inconnus. Et l’on en sort délicieusement sonné.
A proposer à de bons lecteurs.