Voyage avec Apollodore

Le pingouin Apollodore quitte la fête foraine de Bucarest où il officie comme ténor dans un chœur pour retrouver sa famille au Labrador. Le voyage ne sera ni direct, ni de tout repos.
Dans ce long poème en prose, le narrateur dit utiliser comme sources un vieux manuscrit du héros lui-même, des extraits de journaux et de livres. Il prend ces écrits au premier degré malgré ses propres interrogations (« Mais puisque tout ça fut écrit, c’est comme ça que ça s’est passé. », p. 39) et son regret de l’absence de photographies (70-71). Car, dans le désordre, Apollodore rencontre des cow-boys d’Amérique, tombe amoureux d’une guenon africaine, devient fakir en Inde, est pris pour un martien et renvoyé dans les airs… En avion, en camion, à dos de dauphin ou en fusée, son tour du monde accéléré témoigne d’une fantaisie débridée comme on en rencontre peu ; Gellu Naum était un membre fondateur du groupe des surréalistes roumains. Ecrit en 1959, Voyage avec Apollodore est également un appel en forme d’échappée d’un auteur tracassé par un régime communiste dur : la subversion est subtile dans ce livre pour enfants, explicite peut-être seulement à la toute fin. Les illustrations datent ici de 1975, dans le ton de leur époque et en accord avec l’univers farfelu du pingouin : colorées, rondes, psychédéliques, très « pop ». Cet inventaire faussement de bric et de broc, gouverné par l’imaginaire, constitue une curiosité qui tend au classique, fameuse dans son pays d’origine.