Livravore

Qu’est-ce qui se cache dans ce cartable en carton qui sert de fourreau au livre ? Pas vraiment une histoire d’école, plutôt une histoire de retour d’école. Le plus bavard des deux gamins commente le trajet et les éléments du mobilier urbain à son copain qui l’écoute attentivement, se gardant bien d’interrompre l’exposé. Ainsi, une bouche d’égout devient le Monstrounoir, qui aspire et dévore les imprudents, un banc public se transforme en bancruvore qui mord les gens qui s’assoient…
Tout le cheminement du livre tourne donc autour de cette transformation du quotidien en extraordinaire, du banal en merveilleux, du prévisible en effrayant, par l’alchimie du regard des enfants. Le dessin, assez minimaliste, s’adapte très bien à l’histoire : les objets sont aisément identifiables et les plages de couleur rouge et orange les nimbent d’une ambiance irréelle ; on les voit presque se transformer sous nos yeux. Les monstres qui prennent naissance sur le chemin ne sont pas toujours agressifs, leur comportement peut être incompréhensible ; mais ils ont toujours un lien avec l’objet original.
Finalement, on y voit le jugement porté par un enfant sur les gadgets du monde des adultes. En revanche, contrairement à ce que l’on pourrait penser, il ne s’agit pas d’une mise en garde contre les dangers de la rue… ce qui n’est pas plus mal, la liberté de ton et l’absence de morale finale permettant à l’auteur de clore ce chemin des écoliers par une pirouette surprenante, un peu cruelle et franchement drôle.