L'invention du jeu

Un ballon dans un pré. Un escargot l'escalade, un chat s'approche. Puis une mouche se mêle de la discussion. Que croyez-vous qu'il arrive ensuite ?
C'est le premier roman pour la jeunesse de François Bégaudeau, grand amoureux de football. Sans densité narrative particulière – mais ce n'est pas son intérêt -, l'histoire dure un après-midi, construite par l'arrivée successive de protagonistes. Des animaux anthropomorphisés à souhait retracent une invention du fameux jeu de ballon, où l'expérience génère les codes avant les objectifs… C'est crédible, Gilles l'escargot jouant le rôle de tête pensante des opérations, et l'action se situant à la fin du XIXème siècle (réalité historique). L'écriture en mots simples fait constamment preuve d'un humour fin, souvent absurde : "Il fit diversion en disant n'importe quoi : - haute est la blanquette de veau, combative est l'échalote." (p. 35). Au milieu de cette fantaisie débridée, les haïkus de fins de chapitres apportent une petite touche de profondeur tranquille, et une invitation à relire le texte... Les illustrations singulières, faussement maladroites, de Pascal Lemaître renforcent cette impression globale de double niveau de lecture : une réflexion de type adulte se cache derrière la petite fiction rigolote. Par le biais de personnages excessivement différents qui mettent en commun leurs capacités (la mouche joue avec le pingouin), par l'introduction d'une amourette entre le chat et la gazelle, François Bégaudeau nous rappelle que le football est un formidable instrument de mixité sociale, où le particulier doit s'effacer devant le collectif. Et il offre finalement un roman sur l'amitié, la solidarité, qui s'appréciera à tout âge. On ne saurait d'ailleurs trop conseiller une distribution gratuite et massive à tous les clubs de supporters d'équipes de football…