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Miss Charity

Sélection des rédacteurs
Roman
à partir de 12 ans
: 9782211089258
24.80
euros

L'avis de Ricochet

Ce gros roman de 562 pages constitue un double événement. Evénement tout d’abord parce que c’est le premier roman que L’Ecole des loisirs publie en grand format. Evénement surtout parce que c’est un excellent texte de Marie-Aude Murail, dans lequel on se plonge avec un plaisir qui ne faiblit jamais, rehaussé des aquarelles délicates et vivantes de Philippe Dumas.
Il est dédié à quelques personnages fameux, qui appartiennent au patrimoine britannique : le lapin de Beatrix Potter, le corbeau de Charles Dickens, Oscar Wilde et Bernard Shaw.
Où l’on fait, dans le premier chapitre, la connaissance de notre héroïne par un triste dimanche de l’hiver 1875, dans la maison familiale toute neuve construite dans un nouveau quartier de Londres. Charity Tiddler a alors 5 ans et elle doit accomplir son devoir dominical : subir l’interrogatoire de sa mère, quant à ses connaissances religieuses, qu’elle doit puiser dans le très comme il faut Guide spirituel du jeune enfant. La petite fille répond docilement aux questions maternelles car elle a tout appris par cœur, mais cela ne l’empêche nullement de trouver ces questions –et les réponses qu’attend sa mère, parfaitement stupides. Car Charity n’est pas une petite fille comme les autres. Elle acquiert très vite une grande indépendance d’esprit et une rapide précocité. Elle n’a pas le choix. Enfant unique, elle souffre d’une immense solitude. Elle vit au 3ème étage, dans la nursery, délaissée par ses parents qui trouveraient choquant de s’occuper d’un enfant alors que la bonne peut se charger de cette tâche socialement indigne ! Tabitha, la bonne écossaise, est donc sa seule compagnie et la nourrit de ses histoires délicieusement effrayantes, celles « où les Dames blanches pleurent sur les ‘’moors’’ tandis que les fantômes de ceux qui les ont assassinées se traînent misérablement sur les chemins de ronde. »
« Je n’étais que rarement appelée au salon. Maman était de ces personnes, nombreuses à l’époque (je suis née en 1870) pour qui un enfant pouvait à la rigueur être vu, mais jamais entendu ». Elle ne dîne avec ses parents que le soir de son anniversaire.
La petite Charity était donc condamnée à périr d’ennui et de solitude dans sa nursery froide. Mais trois rencontres vont en décider autrement.
La première a lieu alors qu’elle a cinq ans, sous la table de la salle à manger : « une petite boule soyeuse et chaude » qu’elle installe dans un carton à chapeau. C’est une ravissante souris que Charity baptise Madame Petitpas et qu’elle observe passionnément. C’est Madame Petitpas, bientôt suivie par toutes sortes de bestioles, souris, hérissons, escargots, têtards, crapauds, rats, loirs, rossignols et autres lapins, qui fait naître la passion de Charity pour la biologie, la botanique et la zoologie. Elle deviendra une naturaliste chevronnée.
La deuxième, c’est la découverte des livres de son père dans la bibliothèque. Elle dévore tout, et notamment les pièces de Shakespeare, qu’elle lit à son rat Julius. A dix ans elle sait par cœur Hamlet et se sent proche de ce personnage : « Je sentais chez Hamlet des dispositions scientifiques voisines des miennes. » Le théâtre sera aussi une part importante de sa vie.
La troisième enfin, c’est l’arrivée dans la maison de sa gouvernante française, Blanche Legros, avec laquelle elle s’entend à merveille. Elles deviendront des amies. Entre autres choses, Mademoiselle lui apprend l’aquarelle, un art qu’elle va maîtriser parfaitement et grâce auquel elle peindra tous les animaux qu’elle héberge dans sa nursery.
Ainsi se déroule l’enfance de Charity, consacrée presque exclusivement à l’étude et aux expériences scientifiques. Quelques voyages rompent la monotonie de ses jours, un Noël à la campagne, chez sa marraine, Lady Bertam, où elle fait la connaissance de ses cousines et où elle rencontre d’autres enfants. « Quant à Noël, il ne m’était pas encore venu à l’idée qu’il pût s’agir d’une fête. Papa et maman arboraient le jour de Noël un air grave et résolu comme s’ils étaient bien décidés à en venir à bout comme des autres jours de l’année. » Et puis les étés à la campagne où son père loue une maison. Elle peut alors vagabonder dans les champs et se livrer à ses chères études. Elle rencontre aussi Kenneth Asley, un ami de ses cousines, issu d’un milieu plus pauvre que le leur : « Un tel feu follet qu’il en devenait indescriptible. » Elle ignore encore que Kenneth deviendra un grand acteur, grâce à elle, qui n’hésitera pas à bouleverser les conventions sociales pour l’aider, et qu’il sera l’homme de sa vie.
Durant son adolescence, Charity fréquente plus les musées que les bals, avance dans ses connaissances scientifiques plutôt que dans la chasse au mari, activité qui, pourtant, occupe principalement les jeunes filles de la bonne société victorienne. Elle se singularise davantage, et décide d’acquérir son indépendance financière afin de s’affranchir de la tutelle de ses parents. C’est pourquoi elle conçoit un premier livre pour enfants, qu’elle écrit et qu’elle dessine elle-même, inspiré de Peter, son lapin.
D’autres suivent, ainsi que des produits dérivés qui font sa fortune et celle de son éditeur, et qui la rendent célèbre auprès de tous les enfants d’Angleterre.
Charity devient ainsi une femme moderne, « une femme qui ne se marie pas pour rester indépendante et qui gagne sa vie », ce que les mauvaises langues appellent « une vieille fille ». Il n’est pas simple dans ce monde figé de gagner sa place ! Mais Charity s’y emploie, avec une énergie et une détermination farouches, aidée aussi par l’homme qu’elle aime depuis son enfance, Kenneth Asley, le feu follet, l’acteur des pièces d’Oscar Wilde et de Bernard Shaw …

Pour écrire cette histoire de vie, Marie-Aude Murail s’est inspirée de celle de Beatrix Potter, née à Londres en 1866 dans une famille de la grande bourgeoisie, qui fut tout d’abord naturaliste, avant de devenir, à partir de 1890, une auteure de livres pour enfants mondialement connue, avec ses personnages d’animaux : Peter le lapin surtout, et les souris, les hérissons et autres animaux des champs et des bois.

Marie-Aude Murail montre ici l’étendue de son talent d’écrivain. Son écriture est vivante, élégante, fluide, drôle, inventive ; les dialogues savoureux, présentés comme dans un texte de théâtre, rythment le récit et font entendre les personnages.
Elle nous raconte avec infiniment de tendresse et de délicatesse le parcours d’une enfant singulière, qui n’est pas à sa place dans le monde rigide où elle est née. Elle nous dit la force de cette petite fille pour résister et pour s’inventer des raisons de vivre, puis de cette jeune fille qui va à l’encontre des règles de son milieu, parce qu’elle sait qu’elle n’aura pas d’autre voie / voix pour exister. Un personnage magnifique que l’on garde longtemps en soi une fois le livre refermé. Avec une excellente évocation de l’Angleterre de la fin du XIXème siècle, des notations très fines, piquetées d’humour, sur les codes sociaux, le rôle des maris, la place des femmes, celle des artistes, des éditeurs, tout cela est passionnant.
Marie-Aude Murail prouve –mais est-il encore besoin de le prouver ? que la littérature pour la jeunesse est une littérature à part entière, créative et forte.

L'avis des internautes

Les avis exprimés ci-dessous n'engagent que leurs auteurs
le 01/30/2009 14:09

un vrai bonheur, lu en binôme (avec bataille sur le nombre de chapitres chacune...) avec ma fille de onze ans. Les illustrations sont délicieuses.

le 01/06/2009 19:16

Ce livre est vraiment génial !!!
Il y a de l'humour et on peut le lire à tout âge !!!!
Merci Marie-Aude Murail !!!=)

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