Le jour de toutes les dernières fois

Boniface est le plus jeune de la famille. Le plus sensible aussi. Il suit son instinct et part souvent tout seul à vélo pour vérifier que les chevaux voient ou non leur reflet, que les branches d’arbres franchissent bien le barrage… Sa mère s’inquiète, son père s’énerve, et son grand frère Petrus va le chercher. Un jour, Boniface vadrouille plus longtemps que d’habitude, déclenchant une crise dans la famille.
Ce qui frappe en premier dans ce roman intimiste, c’est sa construction au fil de la pensée. Nous sommes en plein milieu de la fameuse « crise », Boniface retrouvé s’est enfermé dans sa chambre, et le père s’attelle difficilement au rangement du grenier avec Petrus, dernière cheville qui lie la famille. Il n’ose pas jeter d’affaires, et nous comprenons peu à peu, sans que cela ne soit jamais dit, que la mère est décédée. Au cours de la journée, le narrateur Petrus va se remémorer l’enfance sauvage de Boniface et les quelques heures avant sa grande fugue. Il nous confie ses sentiments ambivalents d’amour et de rejet pour son frère ; seule la mère comprenait, protégeait Boniface. Il n’est d’ailleurs pas anodin que, si le père va prononcer quelques paroles dévoilant ses affects, Boniface reste tout le temps en retrait des scènes racontées ainsi que du présent. Avec la mère, la famille n’était pas forcément harmonieuse mais censément plus équilibrée. Cependant, par un miracle de la délicatesse humaine, ou peut-être parce qu’elle a atteint son pic, la situation se dénoue finalement et le deuil commence. Le Jour de toutes les dernières fois est un beau roman lent, grave, un morceau de vie hyper-réaliste et rempli d’émotions. A lire attentivement pour apprécier toute la sensibilité de l’auteur.