Juliette de la Flibuste

La Rochelle, XVIIIème siècle. Juliette s’apprête à épouser Jean-Louis de Sérac, flibustier pour le compte du roi de France. Le jeune homme doit ensuite se rendre dans les Caraïbes pour intercepter des bateaux chargés de trésors pour l’Espagne. Mais un espion espagnol enlève Juliette avant le mariage. Elle s’échappe, est malencontreusement envoyée sur l’Ile de la Tortue avec d’autres femmes. Elle finit par retrouver Jean-Louis qui s’est entre-temps… marié avec une autre. Juliette veut prendre sa revanche : déguisée en garçon, elle s’engage sur un bateau qui accompagne Sérac dans une chasse au navire espagnol.

Dans cet excellent roman d’aventures, la superbe Juliette gagne le droit de rejoindre la lignée des héroïnes-pirates de la littérature de jeunesse. Volontaire, courageuse, stratège, elle dépasse largement en caractère l’influençable Sérac. Comme ses compagnes de papier (ou historiques, voir le dossier final sur la piraterie), elle doit faire face aux limites d’un monde exclusivement masculin. Guidé par un narrateur omniscient, le lecteur voit la jeune fille de bonne famille se durcir, se découvrir un goût pour la bataille voire la tuerie, se jurer de ne jamais obéir à un homme. Abandonne-t-elle pour autant sa part féminine ? Le choix final – très moderne - de ne pas rejoindre Jean-Louis ferait pencher vers une réponse positive. Mais la présence aux côtés de l’héroïne de la chaleureuse et drôle Margot, épouse d’un brave marin qu’elle domine tout en l’aimant, contrebalance cette impression. Le prolifique Bertrand Solet réalise donc ici un fin portrait de femme, dans l’écrin d’un roman historique au rythme trépidant, documenté solidement et sans excès (on n’est pas noyé dans le vocabulaire maritime). Une réussite classique et efficace qui se dévore.