La Traversée de l'espoir

Esther Marchadi, jeune Juive d’Espagne, a vu sa famille massacrée par l’Inquisition. Elle fuit, et s’embarque, déguisée en garçon, comme mousse à bord de la Santa Maria. Nous sommes en 1492, et… elle se retrouve plus ou moins secrétaire de Christophe Colomb. Celui-ci – qui a percé son secret sans le lui dire - cherche à la protéger. Une étrange relation s’instaure entre les deux, faite d’admiration, d’attention, de secrets. Mais Esther a du mal à jongler avec l’hostilité des marins jaloux et sa peur d’être découverte. Colomb finit par la faire débarquer sur les Iles Canaries.
L’histoire démarre abruptement, par le départ d’Esther à bord d’un navire chargé de baliser une nouvelle route vers les Indes – pour Esther, cela n’a de toute façon aucune importance. Incidemment, nous rencontrons Christophe Colomb. Ce n’est que peu à peu, à travers des rêves qu’elle voudrait réprimer, des souvenirs qui affleurent irrésistiblement, que le lecteur découvrira le passé personnel violent de la jeune narratrice, passé qui s’inscrit de manière large dans l’histoire religieuse de l’Espagne. Le personnage d’Esther n’est d’ailleurs pas un prétexte pour introduire Christophe Colomb et faire un roman sur lui : Waldtraut Lewin a choisi de développer le thème de l’Inquisition autant que celui de la conquête de l’Amérique. Le livre gagne alors une densité très intéressante, la fabuleuse Amérique est replacée dans le contexte européen parfois noir de l’époque. A travers Esther, la personnalité forte de Colomb impressionne par sa foi inébranlable, sa conviction d’accomplir un destin. Mais il est aussi humain dans ses petits secrets (« - Tout grand capitaine a ses cartes connues de lui seul, ses tours et ses habitudes. », p. 191), qui ne seront pas tous dévoilés : l’Amiral garde l’aura de mystère nécessaire au mythe... L’héroïne est assez attachante, jeune fille qui tombe sous le charme de « l’homme aux yeux d’océan ». Nous la suivons dans les durs travaux à bord (très bonne documentation de l’auteur), mais on sera à ce propos sceptique quant à ses progrès rapides en connaissances navales… (« Les hommes d’équipage passent les haussières autour des cabestans et commencent à remonter les ancres », p. 36 !). Un roman complet pour de jeunes, mais déjà bons lecteurs.