Vers le large

C’est la fin de la guerre. Steffi et Nelli, jeunes juives passées en Suède dans des foyers d’accueil depuis plusieurs années, n’ont plus de nouvelles de leur père resté en Autriche. Elles se font peu à peu à l’idée de rester suédoises, même si la cadette Nelli a peur d’être rejetée par sa famille adoptive. L’aînée Steffi travaille dans un laboratoire pour payer la suite de ses études et noue une relation avec Sven, dont elle était amoureuse déjà bien plus jeune. Parallèlement, elle recherche son père parmi tous les réfugiés. Une lettre inattendue de celui-ci décide les deux sœurs à le rejoindre en Amérique, enfin.

Ce quatrième et dernier tome garde le même rythme serein et fluide de narration, s’attardant alternativement sur la vie quotidienne de Steffi et Nelli qui grandissent. Les petits drames et les joies se suivent sans rupture majeure. La guerre et ses dommages viennent alors faire des incursions brutales dans des équilibres péniblement atteints : retour des camps ou disparition d’un proche, questionnements sur la judaïté, exploitation commerciale de la douleur, futur à reconstruire… Steffi fait face, vit son adolescence malgré tout - avec les expériences violentes que cela comporte : chagrin d’amour, émancipation…-, tandis que Nelli ne supporte plus le déracinement et cherche passionnément des repères familiaux. Peu de personnages secondaires, mais ils sont marquants, tel Judith, qui devient folle quand sa sœur meurt sur un lit d’hôpital après avoir survécu au système concentrationnaire. L’écriture à la troisième personne conserve une distance qui donne valeur d’exemple à l’histoire des deux sœurs, cependant le ton tendre et précis dans les sentiments nous les rend en même temps très proche : on a envie de les suivre en Amérique… Du grand art.