Lorsque Pinocchio est revisité par Lane Smith, cela donne un album impertinent, fantaisiste, surprenant et non-conformiste. Il fallait oser s'attaquer à ce monstre sacré de la littérature italienne… La grande réussite de Lane Smith a été de démystifier ce petit pantin de bois : Pinocchio ressemble plus que jamais à un petit garçon. Avec ce Pinocchio de Lane Smith, les enfants vont redécouvrir l'histoire de cette petite marionnette.

On retrouve bien sûr Geppetto, l'ébéniste qui taille un jour un pantin dans un morceau de bois, Pinocchio, son ami le grillon, la Fée Bleue … Pour Pinocchio qui ignore tout de son statut de garçonnet, la plongée au cœur de la ville avec ses règles absurdes, ses préjugés et ses gens bien pensants est synonyme de mésaventures. Petit garçon pas comme les autres perdu dans cette marée humaine, il intrigue, il déplait et il dénote avec son nez qui s'allonge quand il ment.

Dépayser sans bouleverser. Ainsi va Pinocchio le garçon ou incognito à Collodi. La nouveauté ne survient pas dans l'histoire en elle-même, mais dans la manière de conter le récit, d'imaginer un nouvel univers autour de ce petit personnage… Dans ce Pinocchio des temps modernes, le texte résonne de nouveaux accents et expressions « dans l'air du temps », revêt une dimension humoristique quand il n'est pas parsemé d'allusions à la société contemporaine ( chaîne de télévision Live 3…). Lane Smith prend certaines libertés avec le texte de Carlo Collodi sans jamais le trahir.

Mais la grande innovation surgit dans les illustrations décalées, futuristes et loufoques qui plongent définitivement cet album dans une quatrième dimension. La première impression de surprise passée, on apprécie ce style à la frontière du réel et de l'imaginaire. Tour à tour inspirées des mangas, de la science-fiction ou de la fantasy, les images – très baroques – rendent cet album totalement atypique en lui impliquant un rythme d'enfer. Mais, Lane Smith ne tombe jamais dans la démesure. D'où un album atypique, mais harmonieux à sa manière…

Anne Godin