Entre deux feux, Sarajevo 1995

France, 1995. Jeune étudiant, Grégoire s’engage avec enthousiasme comme soldat de l’ONU bleu et part en Bosnie. Là, il découvre des soldats pressés d’être relevés, des missions humanitaires étroitement surveillées par les Serbes, et surtout une profonde impuissance : tenus à la neutralité, les Casques bleus risquent leur vie à tout instant et ne peuvent agir contre aucune injustice. Grégoire apprend à connaître les habitants, et découvre une situation toute en nuances dans une région au lourd passé. Les tchetniks (nationalistes) serbes dépassent la mesure en prenant des otages au pont de Vrbanja, et les Casques bleus réagissent enfin. Grégoire est blessé, mais fier d’avoir joué un rôle dans l’histoire des « soldats pacifiques ».

Premier point positif pour une fiction se déroulant dans la « poudrière » toujours explosive des Balkans : Flore Talamon évite l’écueil du manichéisme en introduisant dans le récit un rappel historique de la situation yougoslave – les Serbes ont aussi été des victimes - et en mettant en scène une femme serbe perdue dans une guerre qu’elle n’a jamais voulu (« […] elle honnit les tchetniks, qui, par leurs exactions, ont souillé le nom de son peuple aux yeux du monde. », p.54). Ensuite, elle reconstitue avec crédibilité une situation confuse ; elle a été aidée en cela par le témoignage d’un Casque bleu qui a vécu la guerre de Bosnie. Cette intention de véracité est toute à son honneur, mais l’abondance de détails techniques (type de fusils, noms de codes militaires…) rend la lecture un peu lourde. Le dossier final est succinct, et aurait gagné à intégrer les notes de bas de page et quelques explications dans le récit. Le lecteur perd parfois le fil de l’histoire de Grégoire ou à tout le moins la rend artificielle, et on ne s’attache pas vraiment au héros sans psychologie profonde. On aurait encore apprécié quelques pages explicatives sur les Casques bleus, puisqu’ils sont autant au cœur du sujet que les Yougoslaves. Néanmoins, l’ouvrage a le mérite de remplir son rôle de mémoire (voir le titre de la collection) et de se colleter avec un sujet extrêmement proche dans le temps.