Une Vie en suspens, les chantiers de la jeunesse, 1940-44

Le jeune Chiffe vit à Roanne, en juin 1940. Il est amoureux d’Annie, doit passer son bac. La guerre perturbe tout. Croyant qu’Annie en aime un autre, Fradet s’engage dans les chantiers de la jeunesse, mis en place par le régime de Vichy. En pleine forêt, son temps est partagé entre levers du drapeau, leçons de morale et de patriotisme et travaux physiques d’abattage du bois. Il est ainsi épargné des privations, du STO, mais se coupe aussi de la vie civile… Il revient en 1943 à Lyon, retrouve Annie et entre dans la Résistance.

Les « chantiers de la jeunesse » sont assez peu connus, et leur rôle exact dans la guerre toujours polémique : foyers de résistance ou prolongement lointain de l’occupation allemande ? C’est un grand mérite de l’ouvrage de les faire revivre, et de garder à leur encontre une objectivité, ou du moins de laisser place à l’ambiguïté (« - Savoir comment la situation va évoluer… se contenta de répondre le chef. », p. 77). L’organisation du camp, la vie quotidienne, dans leurs aspects positifs autant que négatifs, sont retranscrits précisément, avec sobriété. La vie hors du camp apparaît via les lettres, les rares permissions : une façon de bien montrer l’isolement de Fradet. Mais l’histoire aurait pu aussi être étoffée avec le contre-point d’un protagoniste civil (Annie ?). Une simple remarque, dans l’optique d’un roman plus touffu, et qui n’enlève rien à la qualité de ce court récit. Le choix du narrateur externe donne une distance par rapport aux événements, les rend plus forts, et émouvants. Une Vie en suspens, véritable outil pédagogique, sera pour beaucoup l’occasion de découvrir une réalité historique un peu tombée dans l’oubli, et aussi de mieux prendre la mesure de l’ambivalence de l’époque. A noter, comme toujours dans la collection, le petit dossier pédagogique final.