Alter Jérémy

L’informaticien Hughes Kessler a inventé un programme capable de reconstituer virtuellement, à partir de souvenirs, de photographies, la personnalité de quelqu’un de décédé. Il a ainsi secrètement recréé sa défunte femme. Sa fille Lise utilise à son insu le programme et « ressuscite » son petit frère Jérémy, de la mort accidentelle duquel elle se sent responsable. Mais l’entreprise qui emploie Hughes Kessler, Technibio, met la main sur ce Jérémy de pixels pour effectuer des expériences. Il s’avère être plus qu’un logiciel : avec l’aide de Lise qui lui ouvre le réseau Internet, « Jérémy » prend l’initiative de rejoindre sa mère et de se perdre avec elle dans la toile… Lise et son père commencent leur deuil.

Alter Jérémy met en œuvre les peurs liées à la mort, au deuil qui semble parfois impossible. Le « clonage » suggéré est un peu particulier, moins réel mais tout aussi effrayant que si les personnes recrées étaient de chair. Ici, la machine menace de prendre le pas sur l’homme, qui n’est plus qu’un spectateur passif dépassé par les événements. La solution la plus sage est alors d’oublier le rêve humain de toute-puissance sur le destin, d’accepter la mortalité d’autrui et de vivre le présent, ce que font Lise et son père en détruisant le programme. L’histoire bien menée, riche en rebondissements, laisse une place à l’émotion et l’évolution des sentiments de Lise (long chapitre où elle revit la mort de son frère…).
L’auteur a choisi un narrateur au point de vue omniscient, pour donner à son lecteur toutes les clés de compréhension des enjeux de son récit : sans doute une bonne idée car celui-ci pose sans en avoir l’air des questionnements profonds. Johan Heliot, jeune auteur reconnu dans le monde de la science-fiction, signe ici son premier roman pour la jeunesse, qui ne dépare pas la qualité de la collection Autres Mondes de Mango.