Coup de bleu

Cette pièce est née de l’envie de Bruno de Castan de monter un spectacle pour enfants sur les violences ordinaires. Il s’est donc replongé dans les contes et Barbe-Bleue s’est imposé. La structure répétitive l’autorisait à une recherche stylistique. Ainsi, on assiste à cinq exécutions contre lesquelles ni le frère ni la sœur Anne de l’épousée ne peuvent rien faire. Les dialogues entre Barbe-Bleue et sa femme sont construits sur des jeux d’échos et d’opposition, où transparaît sous la tendresse la violence à venir. Les phrases défient la syntaxe habituelle pour devenir une litanie, chant d’amour et chant de mort.

Par l’intermédiaire de K, grand ordonnateur de la pièce, mi metteur en scène, mi figure du destin, on découvre aussi Barbe-Bleue durant ses voyages. Ces voyages deviennent l’occasion de rencontrer des personnages nouveaux, Coralie et Cendrine, ainsi que la vieille dame et l’amour de sa vie, Maurice. Tous sont des victimes qui n’entrevoient comme solution à leur désespoir que la mer devant eux, étendue des larmes de Barbe-Bleue, lui-même noyé de chagrin d’avoir quitté sa femme. Chant d’amour et chant de mort.

Une fois que Barbe-Bleue a croisé ces personnages, il peut redevenir le Barbe-Bleue du conte, le soleil peut à nouveau poudroyer et l’herbe verdoyer, le frère sauver sa sœur. Avant que le grand K ne s’interroge sur les raisons d’une telle violence, le chant d’amour et chant de mort peut s’élever une dernière fois.

La violence n’est pas seulement dans les situations présentées. Le langage est pour notre plus grand plaisir malmené, la syntaxe actualisée, déformée, le conte distordu. C’est une grand réussite de réécriture, de jeu avec notre culture. Mais y a-t-il rien de plus vrai et de plus sérieux que le jeu ?