Les nouveaux malheurs de Sophie

Qui a dit que l’enfance était le temps de l’innocence ? Certainement pas Valérie Dayre, qui, dans son dernier roman, tord le cou à cette idée reçue.

« Une chose qui fait grandir, tu pourrais m’en raconter une, toi ? » Pour répondre à son fils, Sophie, devenue adulte, accepte de se souvenir. Oui, certaines choses font grandir parce qu’elles vous font perdre vos illusions d’enfant... Agée d’une dizaine d’années, Sophie avait accompagné sa mère chez sa tante Cora, qu’elle n’avait jamais vue. Malgré son appréhension, elle est immédiatement subjuguée par cette femme, par cette demeure luxueuse et par ses deux cousins, Grégoire et Violaine, qui lui font l’honneur de l’accepter dans leurs jeux. De leurs attitudes cruelles et malsaines, Sophie ne voit rien, de la détresse du petit Félix, souffre douleur de la famille, Sophie ne voit rien, et peu importent les reproches muets de sa mère, elle n’a qu’un désir : être des leurs. Lorsque, quelques mois plus tard, elle reviendra seule chez sa tante, les vacances de rêve tourneront au cauchemar : rejetée, humiliée, brimée par sa tante et ses cousins, elle se souviendra alors du sort réservé au petit Félix...

Avec un talent remarquable, Valérie Dayre restitue cet univers oppressant, effrayant même, décortiquant tous les mécanismes de la manipilation mentale. Quant à l’évolution psychologique du personnage de Sophie, elle est parfaitement rendue : lentement, la fascination se mêle au malaise, à un vague sentiment de culpabilité, de honte, mais Sophie devra attendre d’être elle-même victime de la cruauté de cette famille pour enfin ouvrir les yeux... et grandir.

Un roman fort et dérangeant, remarquable.