Jamais le temps

« Jamais le temps ! » : c’est le reproche que Virginie, une petite fille de dix ans, adresse à ses parents. Pour elle, entre son père qui travaille pour une entreprise de shampooings dont la patronne ne cesse de lui donner du travail supplémentaire et sa mère dont le métier d’ébéniste occupe tout son temps ; c’en est trop ! Aucunes de ses amies n’a des parents dont le temps manque pour s’occuper d’elles. Alors c’est décidé : elle a un plan. En dépit des mises en garde de sa meilleure amie Lysa, elle décide d’envoyer une fausse lettre de démission à la patronne de son papa afin qu’il ait plus de temps à lui consacrer. Les vacances arrivent et Virginie se réjouit, elle pense qu’à leur retour, son père sera toujours présent à la maison ; malheureusement, son plan échoue, le pot aux roses est découvert ! Ses parents sont furieux et elle se sent de plus en plus éloignée d’eux. Au retour des vacances, la situation s’aggrave : son père devient de plus en plus nerveux ; il est même parfois violent. Virginie fait de nouvelles tentatives pour que sa mère arrête de travailler, en vain. Elle se sent de plus en plus transparente ; heureusement, c’est la rentrée ! Virginie est dans la même classe que Lysa ce qui la rend heureuse, d’autant plus que le nouveau maître d’école leur propose de participer à un concours de BD, or le dessin, c’est sa passion. A la maison, ça va mieux : Virginie s’est rapprochée de sa maman, pourtant, une mauvaise nouvelle arrive : son papa est licencié. Désormais, il a du temps pour sa fille et pour sa famille, peut-être trop…Maintenant, c’est Virginie qui n’a jamais le temps de voir ses amis et de se consacrer à sa BD. Finalement, son père recherche du travail, mais il reste attentif à Virginie qui a enfin trouvé sa place.

Dans ce roman, l’héroïne est une petite fille qui a du mal à trouver sa place dans la famille : ses parents sont sans cesse occupés à travailler et sa grande sœur qui est plus âgée semble relativement absente. Elle se sent inutile et isolée, aucune de ses amies ne vit la même situation ; la seule façon pour elle de s’exprimer et de s’évader, c’est le dessin.
L’intrigue repose sur des thèmes universels que sont le conflit parents/enfant et la quête d’une place au sein d’un groupe mais elle les aborde de façon originale en se focalisant sur le poids que revêt le travail dans notre société, au détriment d’autres valeurs. Aussi la petite fille qui est aussi la narratrice esquisse une critique de la société de consommation et pose la question des limites de celle ci.
Le point de vue adopté permet au jeune lecteur de s’identifier facilement et de s’approprier la réflexion qui est menée, d’autant plus qu’il y est invité par plusieurs interpellations.
D’autre part, les illustrations qui accompagnent la narration sont celles de Virginie, elles permettent d’éclairer sa sensibilité mais aussi d’amorcer une réflexion sur ce qu’est la création littéraire et artistique, à l’image de ses créations onomastiques étonnantes tel que : « Madame De-chez-C’est-Toujours-Pressé ».
On passe donc un bon moment à lire ce roman qui aborde avec sérieux et d’un œil critique les problèmes liés à la société devenue de plus en plus exigeante qui s’ajoutent aux soucis quotidiens et éternels des enfants, également abordés ici, mais de façon plus légère de manière à équilibrer la tonalité du roman.