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« Un posthume sur mesure »

Hommage à André François

Mis en ligne le 30 octobre 2008
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Le vendredi 15 avril 2005, dans un petit cimetière ensoleillé du Vexin, une pluie de fleurs de cerisier recouvrait le cercueil d’André François .

Né André Farkas en 1915, au Banat, dans une province de l’empire austro-hongrois qui deviendra la Roumanie, cet artiste naturalisé français, mondialement connu, fut l’un des grands noms des arts graphiques du XXème siècle.

Illustrateur de livres pour enfants parus surtout aux Etats-Unis et en France,, il a créé, il y a près d’un demi-siècle, quelques titres inoubliables, dont Little Boy Brown, puis Les larmes de crocodile et Tom et Tabby édités par son complice Robert Delpire et, sur un texte de Jacques Prévert, à la NRF, la Lettre des îles Baladar, balayant d’un coup de crayon et de plume malicieux, audacieux et libérateur les mièvreries, les conventions ou les contraintes pédagogiques alors souvent attachées à ce genre.

Parallèlement, dès le début des années 50, il dessine, pour la presse adulte américaine, des croquis farfelus, d’un humour tendre, candide et joyeux, qui seront réunis en de savoureux recueils dont l’irrésistible drôlerie n’a pas pris une ride, ainsi Double Bedside Book ,The Tattooed Sailor ou The Half Naked Knight.

La célébrité, il l’acquiert avec ses affiches, publicitaires (Citroën, Kodak, Gillette, Dop…) ou cinématographiques (Le soupirant, YoYo, films de son ami Pierre Etaix) et par ses nombreuses couvertures de magazines (The New Yorker, Graphis, Punch...) dont certaines ont fait date dans l’histoire du graphisme. Sa renommée s’est étendue jusqu’au Japon où il fut exposé en 1995.

Il collabora avec de nombreux journaux, Le Matin de Paris, The Observer, Le Monde (Animots), Le Nouvel Observateur (Les moutons et escargots à lunettes) ou Télérama : « Ne ciné-ronflez plus, lisez Télérama… »

La grande rétrospective de 2003 à la Bibliothèque Forney a permis de prendre la mesure de l’importance considérable de son œuvre sur papier.

Son trait garde au fil des années son aisance souveraine, mais un arrière-plan philosophique se précise, les sources d’inspiration évoluent, s’approfondissent, s’érotisent, s’assombrissent, démultiplient leurs significations, et il crée désormais des personnages monstrueux, des sirènes voluptueuses, des clowns mélancoliques, et des situations vigoureuses et grinçantes, presque violentes, qui cousinent souvent avec un surréalisme très personnel. Sa connivence avec l’écrivain-éditeur François David et surtout avec Vincent Pachès, qui l’a introduit à la revue de santé mentale VST dont il est le directeur artistique, est à l'origine de livres forts et parfois dérangeants.

D’une créativité, d’une inventivité, d’une lucidité et d’une jeunesse impressionnantes, il fut également peintre, sculpteur et décorateur de théâtre, virtuose dans toutes les techniques : gravures diverses (lithographie, aquaforte, sérigraphie…), dessins à l’encre ou au crayon, au pastel ou au fusain, peintures à l’eau, à l’huile ou acrylique, collages incongrus de toutes sortes de matériaux, vaisselle cassée, bois flottés ou brûlés, ferraille, plomb fondu, objets détournés et mariés, dans des compositions dissonantes ou harmonieuses, avec un humour qui n’exclut ni le sens, ni l’exigence esthétique.

Son atelier et toutes les archives et œuvres qu’il contenait ont été détruits dans un incendie en décembre 2002. Epaulé par sa femme, Marguerite, et ses enfants, Pierre et Catherine, après quelques mois d’état de choc, il surmonte cette tragédie et crée de nouveau, à 87 ans, avec une fébrilité juvénile retrouvée, en une forme d’oblation conjuratoire, des œuvres où il a intégré les débris calcinés ou fondus ramassés dans les décombres. Ces chefs d’œuvre crépusculaires et particulièrement chargés d’émotion ont été montrés à Beaubourg, au printemps 2004, dans une exposition rédemptrice, L’épreuve du feu, où fut projeté le très beau film qu’il inspira à Sarah Moon.

Un courage, un talent, une énergie, une intelligence, une imagination, bref une personnalité hors du commun qui ont fait de lui  la «  référence » de la plupart de ses confrères.

J’ai eu le privilège d’être accueillie dans la maison de Grisy lès Plâtres qu’il « habitait », depuis plus de soixante ans, avec sa remarquable épouse anglaise au si pittoresque accent insulaire. Je lui avais proposé, lors d’une de mes visites, d’organiser, de son vivant, un hommage de ses pairs. Il en avait ri, m’annonçant que je serais rattrapée par la camarde et que je lui taillerais « un posthume sur mesure », me dictant ainsi le titre de cette exposition.

Je connaissais la vénération de la plupart des artistes du siècle envers André François qui leur a tant appris. Lorsque j’ai sollicité leur concours, j’ai été néanmoins surprise par leur extraordinaire mobilisation, unanimes dans leur reconnaissance enthousiaste vis à vis de cet aîné génial dont la modestie, l’indulgence et la générosité n’ont jamais été prises en défaut : c’est la marque des grands, et grand, il le fut, par la taille, certes, par ses fabuleux dons artistiques, bien sûr, mais aussi par son humilité et son exceptionnelle qualité humaine.

L’exposition fut présentée en décembre 2005 à la Médiathèque Jean Moulin de Margny-lès-Compiègne. Elle y a réuni les contributions de quarante-sept artistes, illustrateurs, photographes, affichistes et dessinateurs de presse. Elle illustre la dette sincère de deux, voire trois générations, envers un précurseur souvent imité, un maître admiré, respecté et aimé, et elle a le mérite d’être une sorte de panorama des courants de l’illustration contemporaine.

Il allait de soi qu’elle devrait être ensuite présentée à Timisoara, ville natale d’André Farkas, au Centre Culturel Français. L’événement a eu lieu le 3 février 2006  en présence de sa fille Katherine Farkas-Kemmet et de Vincent Pachès.

A cette occasion, la médiathèque du CCF a pris symboliquement le nom de Médiathèque André François.

En même temps que le tribut fraternel des artistes, y furent exposés la donation que Marguerite François fait généreusement à cette bibliothèque roumaine désormais dédiée à la mémoire de son mari, ainsi que des livres, affiches, documents ou gravures, hommages d’amis et d’éditeurs qui ont eu à cœur de doter cet établissement des prémices d’un Fonds André François.

Et, pour couronner le tout, le Conseil municipal de Timisoara a voté la décision de donner le nom d’André François à une rue de la ville.

L’exposition a été présentée ensuite dans le superbe palais baroque de Cluj-Napoca, au Centre Culturel Français de Iasi après son escale à l’Institut Français de Bucarest.

Une belle façon d’honorer la Francophonie: après Brancusi, Cioran, Eliade, Enesco, Fondane, Ionesco, Istrati, Nouveau, Steinberg. Tzara..., André François trouve légitimement sa place parmi ces créateurs qui honorent la diaspora de son pays...

De retour en France, elle a été accrochée sous les voûtes romanes de l’église Saint Etienne de Beaugency puis à l’ombre des tours gothiques de Notre Dame de Reims, dans la belle Médiathèque Jean Falala.

Elle s’est naturellement posée quelque temps à l’Institut Culturel Roumain de Paris et s’installe maintenant dans les marges du festival Roumanie insolite.<

Durant l’été 1993, le Centre Culturel et la Bibliothèque Jacques Prévert de Cherbourg avaient eu la joie d’accueillir le Maître au cours des expositions qui lui furent consacrées. Un catalogue fut alors édité, avec la collaboration inspirée de Danièle Sallenave et de son éditeur et ami Robert Delpire.

André et Marguerite François, qui possèdent une maison à Anderville, y sont venus en voisins avec leur famille. Grand amoureux de la mer, l’artiste arpentait alors plages et grèves pour y dénicher galets, bouts de ferraille et bois flottés, « ces morceaux de réalité incontestables » qu’il magnifiait de son génie.

Quinze ans après, l’ombre du grand homme revient hanter ces lieux.

30.10.2008

Commissaire de l’exposition




© Quentin Blake



© Philippe Dumas



© Pierre Etaix



© Henri Galeron



© Sarah Moon



© Ronald Searle



© Tomi Ungerer



© Daniel Maja


Œuvres sur papier (affiches, estampes, livres, dessins de presse) de André François



Hommage de

Béatrice Alemagna, May Angeli, Christophe Besse, Quentin Blake, Michel Boucher, Alice Charbin-Dumas, Nicole Claveloux, Jean Claverie, Pierre Cornuel , Katy Couprie, Michelle
Daufresne, Thierry Dedieu , Etienne Delessert, Claudine Desmarteau, Malika Doray, Jacqueline Duhême, Philippe Dumas, Pierre Etaix, Claire Forgeot, Henri Galeron, Letizia Galli, Alain Gauthier, Martin Jarrie, Kitamura Satoshi , Lionel Koechlin, Léo Kouper, Georges Lemoine, David McKee, Daniel Maja, Alan Mets, Consuelo de Mont Marin, Sarah Moon, Pef, François Place, Yvan Pommaux, Claude Ponti, Denis Pouppeville, Tony Ross, Sara, Ronald Searle, Grégoire Solotareff , Frédéric Stehr, Tomi Ungerer , Anne Wilsdorf, Zaü

Décembre 2005 :

Médiathèque de Margny lès Compiègne

Février 2006 :

Centre culturel français de Timisoara

Mars 2006 :

Musée d’art de Cluj-Napoca

Mai 2006 :

Institut français de Bucarest

Juin 2006 :

Centre culturel français de Iasi

Mars-avril 3007 :

Eglise Saint Etienne de Beaugency

Novembre-décembre 2007 :

Médiathèque Jean Falala de Reims

15 janvier-13 février 2008 :

Institut Culturel Roumain de Paris

Octobre- novembre 2008 :

Médiathèque Jacques Prévert de Cherbourg

Chapelle Saint Martin du Méjan - Exposition Delpire & Cie - Juillet-août 2009

Illus 1 : André François.