Lucia D'Apote

Ricochet : Lucia D'APOTE, vous êtes toute nouvelle dans le monde de l'édition jeunesse. Pouvez-vous vous présenter…


Je suis une mère de 2 enfants (4 ans 1/2 et 1 an) qui a l'ambition de concilier une qualité de vie familiale et professionnelle. Je suis donc toute seule et je travaille sur mon ordinnateur à partir de mon salon, voire de ma cuisine !

Je suis à la base conseiller en communication et en devenant maman, une alchimie s'est créée et m'a fait naître une nouvelle vocation : éditrice de livres pour enfants.

Je pense avoir une manière particulière de par cette origine, de faire passer certains messages aux enfants et aux "grandes personnes". L'Education de nos enfants présente parfois des difficultés. Pour faire passer certains enseignements et certaines valeurs, le livre est un support idéal pour les illustrer.
J'espère donner à d'autres parents et professionnels de la Petite Enfance le fruit de ma propre expérience auprès de mes enfants.






Ricochet :Votre premier livre s'intitule Il était une fois un clown. Comment se présente cet ouvrage


Il était une fois un clown, mon premier livre traite du sens du partage, celui-ci n'étant pas toujours à mon sens, de "couper la poire en deux", mais de recevoir en échange du don, le plaisir de rendre l'autre, content. La philosophie de vie qui y est véhiculée peut être une réponse à la frustration de ne pas avoir les choses désirées, à la frustration engendrée par un "non".

Les illustrations sont sobres, épurées, contemporaines. Elles sont construites sur la base de codes visuels logiques permettant même à des bébés d'en saisir le fil. Le livre, de part ces différents niveaux de lecture s'adressent aux enfants de 0 à 7 ans.
Je n'oublierai pas le CD reprenant l'histoire en chanson et qui séduit beaucoup les enfants et les instituteurs(trices) dans les maternelles.
"Il était une fois un clown" est très bien reçu là où il a déjà pu s'introduire. J'ai fait un emprunt pour éditer ce livre-CD et attends le fruit des ventes de ces 2000 premiers exemplaires pour lancer le second (déjà bien avançé) qui traite de la richesse d'être tous différents.






Ricochet :Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrez dans la création de votre petite maison d'édition ?


La difficulté majeure a été, comme souvent dans toute création d'entreprise ,l'emprunt auprès des banques. J'ai pu me rendre compte (ce marché est tout nouveau pour moi), que l'Edition ne bénéficie guère d'une bonne aura auprès des investisseurs, et encore moins le marché plus précisément du livre pour enfants.

Même si le marché du livre a connu un essor l'année dernière, on ne peut pas dire que les maisons d'éditions soient dans leur majorité fructueuses, surtout quand elles démarrent : les marges sont effectivement très étroites. J'ai eu néanmoins pour moi, un "produit" qui a beaucoup plu à ma banquière et des parents qui se sont portés caution solidaire.






Ricochet :Une petite maison d'édition spécialisée dans la jeunesse, est-ce pour vous un pari, une aventure ou une vraie gageure ?


Je dirais plutôt une vocation. Je ne sais pas d'où elle me vient exactement mais un jour, elle a été évidente .
Comme je le dis parfois, c'est peut-être une alchimie qui s'est opéré entre ma profession de base qui est conceptrice en communication et "celle" de maman.






Ricochet :Pensez-vous que votre environnement, Strasbourg et l'Alsace (où déjà un grand nombre d'auteurs et d'illustrateurs sont déjà installé), dans une capitale européenne, peut faciliter votre projet ?


Je ne sais pas. Je n'ai pas d'éléments de comparaison.Je suis vraiment toute nouvelle dans ce métier. Je découvre et j'essaie de trouver quelle est ma place et comment la prendre dans ce milieu. Je peux ajouter néanmoins que je pense en avoir une.






Ricochet :Un livre est toujours une aventure ? Un jeune éditeur (une jeune éditrice) comme vous, est-elle d'abord une fédératrice de talents à venir ?


Je ne sais pas si chaque création de livre est une aventure mais cette première l'a été.

Et comme toutes les aventures je crois, avec ses hauts et ses bas. Vous avez raison, une des composantes de l'éditeur, est de savoir reconnaitre des talents. J'entends personnellement par talentueuses, des personnes qui croient en leur travail.

Ceci dit, je pense peut-être présomptueusement, que l'éditeur doit surtout savoir gérer certaines immaturités des "créatifs", leur peur de l'aboutissement donc de la publication de leur travail, mais aussi leur susceptibilité dans la remise en question de leur travail. Cela est nécessaire parfois au regard de l'éditeur, regard qui peut, je vous l'accorde, être tout à fait subjectif.
Mais c'est l'éditeur qui décide en finalité et ça "ils" leur est parfois difficile de l'accepter.

Le "créatif" a néanmoins la possibilité de se retirer s'il ne se reconnait plus dans le travail, et dans ce cas de figure, ce n'est pas facile pour l'éditeur , surtout quand s'il s'agit de la dernière phase avant édition. Il faut avoir la force de part et d'autre, de s'arrêter si le dialogue n'est vraiment plus possible. Un "petit" éditeur de la région m'a confié s'être perdu dans la relation avec un auteur et avoir subi ainsi une perte financière pour ne pas avoir osé remettre en question le travail de cet auteur sur des points qu'il ne "sentait" pas. De la même manière, je connais des "créatifs" qui ne se sont pas respecté en faisant des concessions dans leur travail, qu'ils n'avaient pas envie de faire.

C'est une aventure humaine très intéressante.






Ricochet :Comment s'est déroulé la réalisation de cette première publication ? Quelles ont été vos joies les plus grandes, au cours de cette réalisation ?


Comme je l'ai dit, avec des hauts et des bas... des moments de confiance et des moments de doute...comme pour tout travail.
Ceci dit, les moments de joie ont été dans la créativité : quand j'ai créé cette histoire en la racontant de manière improvisée à mes enfants, quand j'ai senti vraiment la complicité dans le travail avec l'illustratrice, le compositeur-interprète, l'arrangeur de la musique et le mixeur et quand j'ai rencontré les enfants dans la maternelle où je l'ai testé.






Ricochet :Pourquoi avoir choisi d'emblée de réaliser un livre et un CD ? Un livre-CD n'est-il cumuler les problèmes ?


Une évidence... j'ai néanmoins fait une concession par rapport au projet initial qui comprenait également des cartes.
En effet, si on aligne par rangées de 5, les visuels qui composent le livre, on remarque qu'il existe également une lecture visuelle verticale.

Les illustrations comportent des codes visuels logiques permettant même aux bébés d'en saisir le fil. C'est pourquoi ce livre-CD s'adressent par ces différents niveaux de lecture, à des enfants de 0 à 7/8 ans.

Le problème majeur du CD était la TVA. En effet, le livre bénéficie d'une TVA de 5,5%, le CD de 19,6%.
La ventilation aurait été compliquée pour les libraires et m'obligeait à éditer l'ensemble à plus de 100 francs.
Je me suis "accrochée", peut-être entêtée et eu la chance de bénéficier de la part d'inspecteurs compétents, l'autorisation d'appliquer une TVA globale de 5,5% sans ventilation.
Le livre est vendu 98 francs TTC.






Ricochet :Avez-vous des références d'édition, des éditeurs que vous admirez ? Y-a-t-il des auteurs ou des illustrateurs que vous souhaiteriez éditer ?


Au risque de vous décevoir, j'ai une très petite culture en la matière.
Je ne juge pas les éditeurs, les auteurs ou les illustrateurs mais leur travail ...et j'appellerais cela plutôt critique que jugement.
Dans ce sens, je ne recherche pas à éditer tel auteur ou tel illustrateur mais je suis ouverte à recevoir toute proposition et à m'investir, dans la mesure de mes moyens, dans toutes celles qui me "parleront" et que je sentirai aller dans le sens de ma maison d'édition : donner à réfléchir.






Ricochet :Quelles sont vos prochains projets, vos prochaines publications ?


Un autre livre pour enfants qui est bien avancé: le premier traitait du sens du partage, celui-ci de la richesse d'être tous différents.

Un autre projet aussi qui n'est pas un livre pour enfants, mais un livre de photos avec un concept très particulier.
Les concepts me tiennent à coeur : je suis conceptrice à la base.

Entretien réalisé le 19 février 2001