Marielle Gens
Entretien avec Marielle Gens
Dernièrement, plusieurs titres de la collection " Lampe de poche ado " aux éditions Grasset Jeunesse ont retenu notre attention, en particulier Djamila , un roman fort de Jean Molla. Marielle Gens, responsable du secteur jeunesse chez Grasset, nous explique sa politique éditoriale.
Ricochet - La collection " Lampe de poche " se décline en plusieurs sous-collections, suivant l'âge des lecteurs. Pourquoi avoir fait ce choix d'une grande collection unique ?
Marielle Gens - Actuellement, Grasset-Jeunesse publie des romans " Lampe de Poche 7/9 ans " (faisceau bleu), des " Lampe de Poche Pré-Ados ", qui regroupent deux tranches d'âge, 9/11 ans et 11/13 ans (faisceaux rouge et vert), et des " Lampe de poche Ados " (faisceau jaune).
Ce choix de collection unique comportant des " sous-collections " est essentiellement dû au fait de notre petite production annuelle (douze titres Lampe de Poche maximum par an), et de sa diffusion Hachette, car nous avons les mêmes représentants que les romans jeunesse Hachette. Il s'agit, par le biais d'une même appellation, de donner plus de " poids " à notre secteur romans.
Ricochet - La sous-collection " Lampe de poche jaune ", à destination des adolescents, est née en dernier. D'après vous, qu'est-ce qui fait son identité ? Quelle image souhaitez-vous lui donner ?
Marielle Gens - La collection Lampe de Poche Ados a été créée il y a quatre ans. Nous publions désormais 5 à 6 titres par an. Ce qui fait son identité est que ces romans sont plus facilement des récits intimistes, les thèmes abordés étant liés aux angoisses des adolescents. L'image qui s'est forgée d'elle-même est celle d'une collection de livres " miroirs ".
Ricochet - Quelles sont les principales qualités des textes que vous publiez ?
Marielle Gens - Les qualités des textes publiés par Grasset-Jeunesse peuvent se définir par un choix d'écrivains ayant une écriture d'une grande rigueur et abordant des thèmes forts, contemporains, tout au moins pour la tranche d'âge Ados. Pour les plus jeunes, ce sont des récits ou des contes pleins d'humour, de légèreté ou de tendresse.
Ricochet - Vous publiez très peu d'auteurs étrangers, est-ce un choix ?
Marielle Gens - En effet, actuellement, il y a peu d'auteurs étrangers publiés dans la collection Lampe de Poche. Il y a Béatrice Masini, avec l'émouvant Mon petit frère de l'ombre, un livre remarquable de justesse sur la mort d'un petit frère, et, pour les plus grands, l'auteur irlandais Martina Murphy, avec Guitare Solo et Avril, tout simplement, qui est vraiment un très bon écrivain de l'adolescence, avec une grande sensibilité d'écriture. J'aimerais développer cette littérature étrangère, car il y a de grands auteurs à découvrir, non publiés en France, mais la petite structure éditoriale de notre secteur jeunesse ne nous le permet pas.
Ricochet - Y a-t-il des auteurs jeunesse que vous avez découverts ?
Marielle Gens - Jean Molla, Maïa Brami, Olivier Daniel, Christine K. Boutin, Olivier Ka ou
Catherine Ternaux ont tous publié leur premier roman chez Grasset-Jeunesse. Shaïne Cassim y a publié son troisième roman, ainsi que tous les suivants.
Ricochet - Quels sont les auteurs phares de la collection ?
Marielle Gens - Gudule,
Anne-Marie Pol, Shaïne Cassim et Jean Molla sont des auteurs bien connus des libraires et des bibliothécaires.
Ricochet - Pour les collections "verte" (pré-ados) et "jaune" (ados), combien de titres publiez-vous par an ?
Marielle Gens - Cela dépend des manuscrits que nous retenons, mais nous publions en moyenne 6 à 8 titres Pré-Ados et Ados par an.
Ricochet - Parmi les plus récents, quels sont vos derniers coups de cœur ?
Marielle Gens - Mon coup de cœur le plus fort de l'année est un livre terriblement noir et magnifiquement bien écrit : Djamila, de Jean Molla.
Dans un autre registre, j'ai une grande tendresse pour le beau roman (autobiographique) de Gudule, La Vie en Rose, ainsi que pour celui d' Anne-Marie Pol, sur les rapports mère-fille, Chacun son tour
Ricochet - Comment expliquez-vous la floraison actuelle de collections pour adolescents alors que tout le monde prétend qu'ils ne lisent plus ?
Marielle Gens - Je n'ai jamais été d'accord avec le fait que les adolescents ne lisent plus, sinon la collection " Lampe de Poche Ados ", commencée il y a quatre ans, n'aurait jamais vu le jour. Les adolescents sont attirés soit par des livres qui parlent d'eux, de leurs problèmes, soit par l'évasion totale hors de leur quotidien. Peu importe, il faut que le livre les entraîne loin le plus vite possible, avec un langage qui leur est proche.
Le lectorat des adolescents est difficile à capter, par conséquent les éditeurs -à l'exception, entre autres, de l'École des Loisirs et de Gallimard-, hésitaient à s'engager dans une direction " peu commerciale ". Est-ce l'effet d'Harry Potter ou plutôt la ténacité des libraires et des enseignants qui a modifié cela ?
Ricochet - Les romans pour adolescents traitent souvent de sujets douloureux, dans certains, le scénario ressemble à une accumulation de catastrophes. Cela signifie-t-il que des textes plus légers, plus drôles, ne les attirent pas ?
Marielle Gens - Le scénario catastrophe que l'on peut lire dans certains romans ados m'angoisse, personnellement, beaucoup. Le seul critère pour aborder un sujet de roman douloureux ou brutal est d'avoir une qualité et une construction de l'écrit rare. Je ne conçois pas un roman pour cette tranche d'âge qui se termine par le suicide ou la négation totale de la société actuelle. Un peu d'espoir, par pitié, pour ces jeunes si fragiles ! Les textes drôles et de qualité qui nous sont proposés sont rares pour cette tranche d'âge. Nous recevons plutôt de la Science-Fiction ou de l'Heroic Fantasy.
Ricochet - Pouvez-vous nous parler des prochains titres à paraître ?
Marielle Gens - Les prochains titres arriveront dès janvier 2004, avec des auteurs " habitués " à Grasset-Jeunesse, mais aussi avec de nouveaux auteurs étrangers, écrivant en Français ou en Anglais. Nous publierons, entre autres, Frank Andriat, Marc Séassau et Martina Murphy ; il y aura aussi le deuxième volet de La Vie en Rose, de Gudule.