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Hélène Bonis

1 octobre 2007

Hélène Bonis dirige depuis 10 ans le Sablier Editions, petit éditeur indépendant spécialisé dans les livres sonores. Leur production, des livres et des livres-cd, se compose d’albums, de documentaires, de livres cartonnés en passant par des romans brochés et des albums aux grands formats pour un public de tout-petit jusqu’aux adolescents. Menant une politique d’auteurs, attachant du soin à la finition de leurs albums et leurs disques, le catalogue du Sablier arbore 113 titres dont certains ont dépassé les 20 000 exemplaires. Ce 27 octobre, cette maison d’édition installée dans le Lubéron fêtait ses 10 ans. Nous avons, pour l’occasion, interrogé l’éditrice et la fondatrice du Sablier Editions.


- Voici 10 ans que votre aventure a commencé. Quel est votre bilan ?

Un premier maître mot : la liberté.

Un deuxième maître mot : l’endurance.

Une trajectoire : le désir de proposer aux regards et aux oreilles des propositions éditoriales inattendues et parfois fort particulières. (Fables choisies de Léonard de Vinci ; Eléphant et Compagnie ; Le secret de Fifaro l’Organiste ; L’Ile de Taro).


La conscience aiguë que l’édition française a profondément été transformée par les alliances, les virages et les dérapages économiques des éditeurs passant en toute naïveté au plus offrant, perdant souvent leur âme et leur maison en bout de course, à bout de souffle.

J’ai choisi de fonder une maison et non pas un immeuble. J’ai choisi de tenter le parcours de la création en résonance avec le défi économique. De trouver des talents, des visages et de nouvelles personnes désireuses de partager avec le jeune public le « mystère » et les joies de la création (graphique, littéraire ou musicale).


Nous évoluons sur le marché français qui est saturé par des codes « tendance ». La vie d’un livre en librairie est écourtée par la masse de livres qui déferle. Nous avons pris à contre-pied ces normes françaises. Nous donnons un vrai temps à nos créateurs pour que se pose d’abord le temps de la création à plusieurs voix puis le temps de la rencontre et enfin celui de la diffusion. Et le temps nous apporte de vraies satisfactions. Plus de 10 livres ont dépassé les 10 000 exemplaires et certains les 20 000 exemplaires. Nous aimons réimprimer tout autant que créer. Mais comme vous le savez, le temps file à toute vitesse alors parfois, je cours...




- Cet anniversaire s’accompagne de changements et de nouveautés : vous vous installez à Forcalquier dans le cadre du premier pôle d'excellence du livre et vous avez lancé en juillet une collection pour les adultes, la Promesse de l’amandier où seront publiés des beaux-livres de photographies et de littérature. Pourriez-vous nous dire plus sur ces deux nouveaux axes et ce que cela va changer pour votre petite maison d'édition ?


Heureusement, je suis avant tout éditeur et ce que j’aime c’est la diversité. Pendant des années, avant de fonder ma maison j’ai été éditeur dans des domaines fort variés : la sociologie, le théâtre, le féminisme, les beaux livres, les livres de star, les livres de photographes d’art, les livres d’histoire et d’urbanisme… bref, un éditeur qui s’intéresse à tous les sujets et mène les missions qui lui sont assignées : trouver le public qui correspond aux auteurs. C’est vrai que le positionnement d’une petite maison se doit d’être spécialisé. Et aujourd’hui notre image auprès du public qui nous fait confiance est en jeunesse et en musique. Raison de plus pour se donner de nouveaux territoires et les affronter avec espoir ! Et puis, je dois l’avouer, je me suis attachée à cette région la Provence et je pense pouvoir lui offrir de superbes regards photographiques et de belles sensibilités d’écriture.




- Dès le départ souhaitiez-vous vous tourner vers la jeunesse et le livre sonore ? Votre politique éditoriale a -t-elle évoluée au cours de vos 10 ans ?


Lorsque nous avons posé les premières pierres du Sablier, nous avons été précurseur du renouveau du livre-musical en France et je me souviens avec amusement de l’étonnement de certains libraires qui n’y voyaient « qu’un outil de plus pour ne plus raconter d’histoire aux enfants !... ».

Il me semble juste et riche de pouvoir offrir aux jeunes sensibilités de multiples croisements artistiques. La musique, en France, est injustement négligée, en termes de proposition et de formation et les faux sourds sont nombreux chez les vrais lecteurs...

- Pourriez-vous nous parler de vos premiers livres ? Quel souvenir en gardez-vous ?

Par définition, un éditeur a des convictions mais pas de certitudes... sauf devant son banquier !

Coucou !caché dans le jardin, le premier est celui qui a dépassé les 20 000 exemplaires. Alors, c’est vrai, j’ai imaginé et proposé l’idée d’un imagier précis pour les tout-petits. J’y croyais mais j’aurais pu aussi me tromper !

Le deuxième, Le Grand Bal des fleurs de Dany Stein Aubert et Virginie Peyre. Un livre dont les droits ont été vendus aux Etats-Unis et en Corée et qui frôlent les 11 000 exemplaires. Alors là, tout un monde de douceur et de légèreté. Un jardin, tôt le matin. Des aquarelles pour éveiller le tout petit à la vie collective et au plaisir d’être avec l’autre, dans le jeu. Calme et serein. Et en face, les réactions brutales d’un groupement de libraires qui souhaitaient que les nouvelles maisons d’édition « empoignent le monde ». Cette édition-là, n’est pas la mienne ! J’ai pratiqué les arts martiaux et le yoga. Je sais rester zen face aux turbulences. J’ai poursuivi mon chemin mais ce livre m’a valu quelques inimitiés chez les intellos de la jeunesse !




- Pourriez-vous pointer au cœur de votre catalogue quelques livres qui ont pour vous été marquants et qui sont attachés à l'histoire du Sablier ?


Nous prenons un temps important pour créer un ouvrage et choisir ses créateurs. Mais je crois que le plus important pour moi, toujours en quête de sens, c’est l’Ile de Taro. Un enfant qui s’insurge vainement contre l’ignorance et qui devient, à son insu, l’instrument destructeur de son environnement. Un livre sur la manipulation mais on ne sait pas à la fin, qui tire les ficelles…

Certains sont très liés à des partages de vie, comme avec Nathalie Pautrat ou à des connivences comme avec François Peltier. Tous nos livres sont frères et différents.

- Deux dimensions importantes et assez originales pour être soulignées sont, d’une part, vos coéditions équitables avec la Guinée et l’Afrique de l’ouest ( L’Orange, folle de foot et l’Ananas grand jusqu’au ciel) et, d’autre part, votre soutien aux auteurs de la francophonie. Pourriez-vous nous commenter cette démarche et ce parti-pris ?


Je parle quatre langues mais n’en aime qu’une : la langue française. J’ai eu la chance de vivre dans d’autres pays ; je me suis initiée à l’arabe notamment mais la langue qui me parle, celle d’Eric Orsena et de JMG Le Clezio, c’est celle qui me nourrit l’âme et j’ai à cœur de rencontrer et de partager cet amour avec ceux qui le cultivent mieux que moi : les écrivains, les poètes et les paroliers des pays francophones et de France.

Dans ma relation avec mes confrères étrangers, c’est vrai, je suis connue pour croire en la création et la culture française. Par ailleurs, je m’intéresse aux cultures du monde, celles dont les racines musicales traversent avec aisance les frontières politiques !




- Le livre-sonore connaît aujourd’hui un grand développement et, de plus en plus, des éditeurs développent et exploitent cette veine. Quel est votre regard sur la production  actuelle du livre sonore? Est-ce que cela changé la manière de créer vos livres ? Quelle est votre originalité et de quelle manière vous distinguez-vous ?


Je suis heureuse de ce changement de situation car nous étions économiquement trop faible pour faire évoluer la situation. Six à 10 créations par an, c’est moins d’un pour cent de la production annuelle française...

Par contre, être producteur de musiques dites « pour enfant » est souvent perçu comme un label de sous-culture. Et peu importe que vous produisiez la musique vocale du XVIème siècle ou les Chants de femmes berbères.

Ce qui pourrait transformer cette perception ce sont des rencontres ou des formations des prescripteurs « écoutés » mais ils se comptent sur les doigts de la main ceux qui s’intéressent à la musique...

Chaque lundi, sur rendez-vous, nous formons des libraires ou des bibliothécaires à notre catalogue musical.

Concrètement, nous avons ajouté des partitions complètes dans beaucoup de nos livres-musicaux et baissé le prix public, en raison de la concurrence des grands groupes.

La situation des producteurs en France est très préoccupante et le livre-musical leur offre de nouvelles pistes. Tant mieux car la diversité me tient à cœur.

- Vous publiez des livres, des livres-cd et des cd audio. Est-ce que vous concevez ces produits de la même manière ? Lorsque vous créez un livre-cd, qu’est-ce qui prime ?

Chaque catégorie est conçue en toute liberté par ses acteurs mais comme nous travaillons en duo, trio ou quatuor d’auteurs, les croisements sont nombreux.

Le livre a toujours anticipé la naissance du disque mais tout peut changer.

Nous espérons pouvoir bientôt envisager un livre sur l’opéra. Vous pensez bien que la musique sera la première en scène !



Editions Le Sablier

4, Avenue de l’Observatoire

04300 Forcalquier

Tel. 04 92 79 40 00

Fax 04 92 79 40 01
http://www.lesablier-editions.com/
[email protected]