Hervé Moisan
Avec Gorges rouges et Samira, édités chez Grasset Jeunesse, H.M, ou Hervé Moisan de son vrai nom, retrace des problématiques dans la vie des adolescents contemporains. Leurs lieux communs fréquentés: lycée, ruelle, appartement ... sont tous susceptibles de devenir une scène de crimes.
En visite au salon de Montreuil pour une séance de dédicace, H.M m’a fait part de ses points de vue sur le polar et également sur l’univers des adolescents qui lui est familier, puisqu’il est professeur de Lettres-Histoire et journaliste au magazine Rock n’Folk.
“Les jeunes de nos jours sont trop dépendants !”
H.M
Pourquoi avez-vous choisi de vous exprimer à travers des polars ?
Je lis beaucoup de polars et de romans policiers et j’ai eu envie d’en écrire… mais je ne me limite pas à ce genre. Quand j’étais jeune, ce sont les polars qui m’ont fait éprouver le goût de la lecture : évidement, je n’avais pas le droit d’en lire, ce qui aiguisait mon envie. Je n’ai abordé les autres styles littéraires que plus tard, à la fin de mes années lycée…
Qu’est ce qui distingue les polars des romans policiers ?
Je dirais qu’un roman policier est plus “sage”. Les polars se doivent d’être plus violents voire insolents: une série de rebondissements, des actions, de l’humour, du suspense et également des emprunts au langage familier. Un polar jeunesse devrait répondre aussi à ces critères et représenter une problématique concernant des adolescents ou des jeunes. La violence est à doser puisqu’il s’agit de jeunes lecteurs, sans édulcorer pour autant le propos car on s’illusionne souvent sur l’univers des ados qui sont confrontés à beaucoup de violence à travers la télé et les jeux vidéo.
Quel est le titre du premier polar que vous avez lu ?
Pas D'Orchidées Pour Miss Blandish de James Hadley Chase, dans la collection Série Noire. J’ai adoré ce roman âpre et dérangeant qui me changeait radicalement de tous les policiers très sages que je lisais à l’époque, du style Arsène Lupin ou Hercule Poirot.
Vous êtes toujours fidèle à La Série Noire ?
Le changement de forme m’agace un peu : en devenant luxueuse, elle a perdu son âme. Je regrette le format de poche et l’optique populaire des débuts.
Y-a-t-il, pour vous, une différence entre un polar français et un polar étranger ?
Non. C’est comme pour les personnes : un bon polar n’a rien à voir avec sa nationalité ! Les Américains ont été les premiers à explorer cette voie, comme pour le rock, mais ils en ont perdu le monopole depuis longtemps.
Avez-vous une fin préférée ?
J’aime les fins ouvertes pour faire travailler l’imagination des lecteurs, mais ce n’est pas une obligation.
Qu’est ce qui influence particulièrement votre travail d’écrivain ?
Mes élèves qui m’obligent à me remettre en question et à suivre l’évolution de la société et des ados. Et le rock, bien sûr ! À part des groupes des années 60, 70 et 80, plus proches de ma génération, j’écoute aussi des groupes récents comme les BB Brunes, que j’ai interviewé pour le magazine Rock n’Folk, dont je suis un collaborateur depuis vingt ans. Je travaille toujours mes projets en parallèle.
Quelle est la réalité que vous souhaitez aborder dans vos oeuvres ?
Je veux mettre l’accent sur les problèmes liés à l’acceptation des différences : le racisme, l’homosexualité, la condition de la femme, la volonté de sortir des sentiers battus et de ne pas sacrifier au conformisme ambiant...
Entre votre génération et celle des jeunes d’aujourd’hui, remarquez-vous des différences ?
À notre époque, nous étions plus proches de l’actualité politique. Nous avons osé dire non et les révoltes étaient une preuve de détermination dans notre choix. Les jeunes de nos jours sont trop dépendants ! Ils sont programmés par le système de la société de consommation et sont ainsi facilement influençables. Pourtant, je mets toujours un espoir dans la jeunesse qui peut retrouver facilement les voies de la rébellion : je crois qu’elle surprendra encore la société.
Un message que vous souhaitez adresser à la jeunesse ?
Soyez tolérants mais déterminés dans votre choix ! L’important est de réaliser ce qu’on a envie de faire.
Entretien réalisé par Cat Phuong LE, étudiante en licence professionnelle métiers de l’édition et du commerce du livre IUT Paris Descartes