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Date

Rébecca Dautremer

Pascale Pineau
9 décembre 2014

Alors que les fêtes de Noël annoncent leurs promesses, Rébecca Dautremer signe, en cette fin d'année 2014, les illustrations d’Une bible (Gautier-Languereau), aux côtés de l’auteur Philippe Lechermeier. A l'occasion de cette parution, l'illustratrice évoque son travail et ses projets.




UNE BIBLE "COMME UN ROMAN"

Par Pascale Pineau


 




Pascale Pineau : Une bible, c'est un long travail. Combien de temps y avez-vous passé ?
Rébecca Dautremer : Trois ans : on peut donc parler d’un projet de longue durée ! C'est un livre de 400 pages qui comprend beaucoup d'illustrations - 120 planches au total, avec parfois des doubles-pages. Un gros tiers du livre est illustré. J'avoue qu'à la fin j'ai un peu manqué de souffle. Heureusement, mon entourage m’a soutenue et encouragée. Ce que j'ai fait là correspond à l’investissement que nécessitent d’ordinaire neuf ou dix albums.

Auriez-vous pu en faire moins, y avait-il des consignes ?

J'avais entière liberté comme pour mes autres albums. Il n'y avait pas d’obligations, pas d'indications dictées ni par l'auteur ni par la maison d'édition. J'ai illustré les passages qui me parlaient. Je considère d’ailleurs toujours que je n'en fais pas assez...





Jésus et Marie-Madeleine dans Une bible, p. 330-331





Qu'avez-vous pensé au départ, lorsque Philippe Lechermeier vous a proposé de travailler sur ce projet ?

J'ai tout de suite été très emballée, parce que la Bible rassemble plein d'histoires. Ce n'est pas la dimension religieuse qui était retenue dans ce projet. Pour moi, le travail consistait avant tout à réaliser des portraits de personnages. Là, il y avait des histoires formidables à raconter. Une belle expérience !


[Lire à ce propos la préface de Philippe Lechermeier]

Est-ce que la Bible vous parlait, quelles connaissances en aviez-vous ?

J'ai grandi dans une famille où m’a été dispensé une certaine éducation religieuse. C’est pourquoi, j’avançais en terrain connu. Ceci dit, en travaillant sur ce sujet, et en particulier sur le texte de Philippe Lechermeier, je me suis sentie touchée, émue – plus que je ne l'avais été auparavant – par des personnages, des aventures humaines, surtout celles du Nouveau Testament.



 
Marie dans Une bible, p. 244 et 249



 
Comment êtes-vous rentrée dans ce projet ?

J'ai l'habitude de prendre du temps avant de me mettre à dessiner, je réfléchis beaucoup. J'attends d'avoir une idée assez précise, il faut qu'il y ait une conception mentale en amont du dessin. Et c'est ainsi que j'ai fonctionné ici. J'avais surtout décidé d’avancer en toute liberté, de ne pas me laisser contraindre par tout ce qui avait pu être fait auparavant. Je tenais à m'emparer de cette histoire comme je l'aurais fait de n'importe quelle autre, classique ou non. Facile à dire ! Il s’agissait tout de même de la Bible, si évocatrice...


 

Scènes de la Nativité dans Une bible, p. 252-253



 
Par quel bout avez-vous entamé ce vaste chantier ?

J'ai trouvé plus facile de commencer par l'Ancien Testament, qui nous plonge dans un univers proche de la mythologie et du conte, avec des personnages extraordinaires, des monstres, des têtes coupées... Le Nouveau Testament impressionne davantage : Jésus n'est pas un personnage que l'on aborde comme ça...

Quelles sont les premières illustrations à avoir vu le jour ?

Je ne sais plus trop... Mes premières illustrations remontent à 2011 ! Je dirais qu'il s'agissait d'Esaü. J'en ai fait un personnage très poilu. Cette image d’une « boule de poils » s'est comme imposée à moi.



 

Esaü dans Une bible, p. 66 et 71

 


La diversité des styles d'écriture de Philippe Lechermeier vous a-t-elle aidée ?

Oui, dans la mesure où ces nuances relancent à chaque fois l'intérêt. Tout en gardant un souci d'unité générale, j'avais une possibilité de variation. L'histoire de Jean le Baptiste et de Salomé est traitée comme un théâtre de marionnettes, m’offrant l’occasion rêvée de dessiner « autrement ». Les propositions de l'auteur m'ont invitée à imaginer des graphismes et des éléments de décor différents. L’idée du spectacle me permettait de concevoir une affiche, une scène, etc.



 

Le Pharaon et "Les songes de Joseph" dans Une bible, p. 93 et 75



Est-ce que la qualité d'un texte rend le travail plus facile ?

Non, absolument pas. Si le texte est de qualité, tant mieux. Mais sa valeur littéraire ne facilitera en rien son illustration. Le récit n'est qu'un « prétexte » ; je dois m'emparer des personnages sans penser à autre chose.

Avez-vous avancé au même rythme que l'auteur sur cet ouvrage ?

Non, le travail de rédaction était déjà pratiquement fini, quand je suis intervenue. J'avais tout sous les yeux. Il ne me restait plus qu'à m'emparer du texte morceau par morceau.



 

Scène de noce dans Une bible, p. 288-289


Avez-vous varié vos techniques habituelles d’illustration ?

Il y a toujours le travail au crayon, la gouache, quelques dessins à l'encre... mais je relèverais une petite évolution quand même dans la présentation, avec différentes mises en page, l'introduction de dessins qui apparaissent comme de petites photographies. Ce que j'ai fait en particulier pour la descendance de Noé. J'ai beaucoup plus utilisé le crayon ainsi que les motifs en série pour une mise en scène différente, comme je l’avais déjà ébauché dans l'album Soie. Avant Une bible, je fonctionnais rarement avec des séries d'images.



 

Extrait de la descendance de Noé dans Une bible, p. 50-51



 
Pourquoi avoir choisi ce bleu-vert comme couleur dominante pour la couverture, la tranche du livre...

Nous ne voulions pas d'une couleur qui donne une orientation trop classique à cet ouvrage, comme le rouge par exemple, mais souhaitions une teinte plus inhabituelle. Le choix s’est alors porté sur cette couleur que l'on appelle dans ma famille « le bleu polonais » – une idée de mon père pour désigner cette nuance particulière utilisée pour certaines statues religieuses par exemple. Le bleu retenu ici tire légèrement sur le vert. On le repère d'assez loin : il convient bien au ton singulier du livre.

Verra-t-on les planches originales lors d'une prochaine exposition ?

Oui, dès le début 2015. Toutes les illustrations du livre seront exposées, à partir du 8 janvier, au Bastille design center, à Paris dans le 11e arrondissement. C'est un événement organisé par les deux galeries qui travaillent avec moi : la Galerie Jeanne Robillard et la Galerie du 9e Art. S’en suivra une exposition itinérante.

Est-ce que le fait d'avoir participé à la réalisation du film d'animation Kérity la maison des contes a eu des conséquences sur votre œuvre, d'une façon générale ?

Je ne crois pas, rien d'essentiel en tout cas. C'était surtout passionnant pour le travail en équipe que cela impliquait. Le seul apport qui me vient à l'esprit concerne ma conception des personnages, qui sont désormais plus en mouvement. Kérithy m'a amenée à considérer davantage les arrières-plans, ainsi que certains éléments techniques...

Aujourd'hui, un nouveau projet de film ?

Oui, on travaille sur le long métrage d'animation Miles, où j'interviendrai à la réalisation et à la création graphique. Il s'agit de l’histoire d’un musicien qui a un pouvoir, un peu comme celui que possède le Joueur de flûte de Hamelin. Au départ, le projet était un peu lié à un album, aujourd'hui il ne l'est plus. On boucle actuellement le financement, la production pourrait démarrer au printemps ou à l'automne 2015. Mais pour l'instant, rien n'est encore arrêté.


 

Miles, film d'animation



Quels sont vos envies aujourd'hui, à l'heure où les sollicitations doivent être nombreuses ?

En effet, j'ai de la chance, beaucoup de propositions me sont faites, des textes m'arrivent tous les deux jours avec régulièrement des choses qui ne me correspondent pas vraiment, parfois même pas du tout, ce qui m'étonne toujours !

Qu'écartez-vous d'emblée ?

Tout ce qui ne me fait pas rêver. Je n'ai pas envie de textes qui portent un message, qui sont documentaires, je préfère ce qui est littéraire, imaginaire. Et j'essaie aussi de varier les plaisirs.

Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?

Sur plusieurs choses. J'ai commencé à travailler de grands formats qui ne sont pas destinés à l'édition. Il s'agit de scènes étranges, avec des personnages costumés. J'aimerais que le public qui les découvrira plus tard se pose des questions, fasse travailler son imagination, rêve... J'en suis au tout début. C'est quelque chose de nouveau pour moi.

D'autres projets ?

Oui, du côté de la bande dessinée. Je pense à un roman graphique. J'aimerais aller davantage vers des réalisations dont je signerai également le texte. J'ai envie de créer mes propres histoires, où pourront évoluer mes personnages. J'ai par ailleurs déjà écrit des textes que d'autres ont illustrés, en particulier Une saison de super-héros, illustré par Arthur Leboeuf (Gautier-Languereau). Là, il s'agissait plutôt d'une chronique rédigée dans un style journalistique. Cette prochaine BD s'appellera Bise-Ruby, nom du personnage principal. Je me concentre en ce moment sur la trame de cette histoire. Un éditeur est déjà partant pour le projet, qui devrait se développer en deux tomes. Le scénario devrait être fini avant l'été. C'est la date butoir que l'on s'est fixée. J'ai aussi un second Artbook en prévision. Toujours aux Editions du Chêne.



 
 Artbook, Chêne, 2009, p. 128-129

 


Dans le même style que le premier, paru en 2009 ?

Ce sera une compilation de mon travail effectué depuis cette date-là. Il s'agira uniquement pour moi de réunir des dessins, affiches, croquis, photos... déjà réalisés, comme pour le précédent opus. Pour la partie texte, ce sera à nouveau Taï-Marc Le Tahnh qui viendra commenter mes dessins. Le texte, à lui seul, s’annonce intéressant. L’édition de 2009 était empreinte de fantaisie et d'humour, reposant sur un véritable travail d'auteur – qui représente 50 % de l'Artbook.



 

Pour aller plus loin:
Nouvelle page Facebook de Rébecca Dautremer
Site officiel de Rébecca Dautremer 
Vidéo de présentation d'Une Bible

Auteurs et illustrateurs en lien avec l'interview

Illustration d'auteur

Rébecca Dautremer

française