Qu'est-ce que la "littérature en couleurs" ?
qu'elle n'est pas, ce qu'elle est... (J. Despinette)
La littérature en
couleurs et les nouveaux supports
"Braille de l'âme",
selon François Ruy-Vidal
Ce qu'elle n'est pas,
ce qu'elle est... (J. Despinette)
Expressément employés par Janine Despinette (1967), lors d'une réunion du comité de rédaction de Loisirs
Jeunes Informations Hebdomadaires, les mots littérature en couleurs
sont repris à l'occasion d'une exposition sur les productions éditoriales
(200 albums en 20 ans) du concepteur François Ruy-Vidal, éditeur
(au Musée des enfants - Musée d'art moderne de la ville de Paris). Un ''catalogue
manifeste'' permit un dialogue entre Janine Despinette et celui-ci. (La
Littérature en couleurs)
Enfin dans le numéro 1 des feuillets de L'OCTOGONAL,
le professeur Olivier Maradan convie à l'étude approfondie de cette nouvelle
réalité éditoriale désormais massive...
Ce qu'elle n'est pas...
Les mots littérature en couleurs sont opposés par
J. Despinette à:
s'appliquent aux créations littéraires, illustrées. Ces ''beaux livres''
qui donnent - au mieux aux enfants, l'occasion de quelques rencontres avec
de grands artistes - tels Gustave Doré, Grandville,
Bertall, Froelich, Yann
Dargent...
qui conduisit l'illustration des livres d'enfants et d'adolescents vers
une certaine autonomie ; livres signés Christophe,
Benjamin Rabier, JP Pinchon, Boutet
de Monvel, Jean de Brunhoff, Samivel...
Hergé.
Etant rappelé le nom du Père
Castor, François Faucher qui, lui, avait mis au point, dès 1930,
l'album pédagogique: petits livres où des imagiers assuraient aux enfants
dès leur plus jeune âge d'heureux premiers contacts avec le livre, avec
l'écrit...
Ce qu'elle est :
En 1946 Gallimard avait fait événement en rapatriant
le Petit prince - un iconotexte - de Saint
Exupéry, auteur illustrateur en la circonstance, d'abord publié en
1943 à New York.
Mais ce n'est qu'en 1958 que par ses mises en page
on vit Laurent Tisné essayer de transformer dans
ses créations éditoriales notre attitude visuelle de lecteur.
"Mais il est venu trop tôt pour que sa démarche
fut comprise et que ses livres d'authentique littérature en couleurs connaissent
alors une réussite commerciale".
Editeur d'art, Robert Delpire
dès 1955 - mais surtout avec sa collection Dix sur Dix - un peu plus tard
-, affirme qu'il y a de grands artistes prêts à créer le meilleur pour
les enfants dans des albums de littérature en couleurs.
Traitées d'avant gardiste ses créations n'obtinrent
alors - elles aussi - qu'un succès d'estime artistique. Toutefois reprises
par Jean Fabre à l'Ecole des Loisirs
et par Pierre Marchand à Gallimard Jeunesse,
par la suite, elles sont maintenant admises dans notre tradition.
En vingt ans, de 1964 à 1984 ce qui n'était au départ
que phénomène isolé devint un fait de civilisation: la littérature en couleurs
était là, s'imposant peu à peu puis massivement, mobilisant de très nombreux
artistes et les éditions jeunesse, provoquant de la part de la critique
et des revues spécialisées les propos les plus divers... de la réserve
absolue à l'adhésion enthousiaste, en passant par l'incompréhension de
la démarche elle-même ; ce qui est encore aujourd'hui assez fréquent.
LA LITTERATURE EN COULEURS
et les nouveaux supports
Et voici que les livres de la littérature en couleurs
sont devenus l'espoir des nouveaux industriels de la communication et de
l'expression sur CD-ROMs et cyberspace...
Le 1er Milia (voir l'Octogonal
n° 4) n'a t il pas convoqué et réuni à Cannes en début de l'année
1994 les éditeurs jeunesse riches de millions d'images narratives sur support
papier...
Les éditeurs électroniques ont le plus urgent besoin
de cette littérature là pour leurs propres supports encore pour l'heure
sans contenus probants...
LA LITTERATURE EN COULEURS selon
François Ruy-Vidal
"La littérature en couleurs qui fait appel à
la réflexion et au sens critique de son lecteur suscite en lui le braille
de l'âme. Cette conception nouvelle de l'écriture pour l'enfant ou l'adolescent
requérant ses facultés intellectuelles et affectives dans un perpétuel
aller et retour, va et vient des lectures du texte et de l'image (affrontés/conjoints
par ses créateurs), est ce qui permet à l'enfant de lire entre les lignes
et derrière les images le message de l'humain".
"1964-1984 période historique précise fut celle
au cours de laquelle se sont libéralisées et banalisées tant de réformes
concernant nos coutumes traditions et moeurs... succédant à une période
plus triste celle de l'après guerre qui n'était que la lente remise en
état de fonctionnement d'un pays blessé et appauvri avec pour distraction
bientôt envahissante : l'apparition de la souveraine télévision - inscrite
dans presque tous les foyers - et une société où l'information par l'image
allait prendre le pas sur celles écrite et radiophonique qu'avaient connues
nos parents".
"Ce n'est qu'à partir des années 60 que les pouvoirs
de l'image ceux du conditionnement et de ses contraires : humour, dérision,
prise de conscience, réflexion... allaient devenir évidents pour s'établir,
s'incruster dans une véritable civilisation nouvelle ; bénéficiant industriellement
de découvertes techniques surprenantes : cinéma télévision vidéo et de
moyens de divulgations par de nouveaux procédés de duplication - impression
offset, photocopie... puis aujourd'hui l'informatique technologique qui
ne manqueront pas de bouleverser la plupart de nos habitudes et conformismes
et qui nous permettent de constater sans risque d'être démenti que le langage
des images est le média informatif et distractif préférentiel de la majorité
des humains".