Où sont les enfants ?
Ricochet : Les éditions "Où sont les enfants ?" font leurs premiers pas dans le paysage éditorial pour la jeunesse, comment est né le projet ?
Antonin QUETAL : Aujourd'hui, Où sont les enfants ? est une utopie en cours de concrétisation. Et pour qu'une utopie devienne concrète tout en restant foudroyante, qu'elle prenne aussi la forme d'une petite structure éditoriale, il faut beaucoup de temps. Cinq années exactement, si l'on remonte aux origines. Le temps d'incubation puis de contamination. Au tout début, il s'agit donc d'un rêve d'enfant. Les quatre protagonistes d'Où sont les enfants ? habitent le Causse, un coin désert au milieu du Lot. À l'intérieur de nos villages plus ou moins désertés, pas l'ombre d'une bibliothèque et encore moins d'une librairie. Ici, en dehors de l'école, une fabuleuse petite école de village, les livres sont à peu près hors d'accès des gamins. Il faut plus de 80 km aller-retour pour aller dénicher un bon livre à Cahors ou Figeac. Tieri BRIET et moi, on collectionne depuis toujours des livres avec à l'intérieur des images : livres d'artistes, albums jeunesse, monographies et catalogues de photographes, en tout quelques milliers d'ouvrages qu'on entrepose à côté de chez nous, à l'intérieur d'une vieille grange qu'on a garnie d'étagères : " la Grange aux livres ".
Peu à peu, les enfants du village, mes petits-enfants entre autres et les enfants de Tieri, qui en a quand même quatre, viennent y passer du temps. Il y a là des vieux fauteuils, des tapis pour s'allonger et un poëlle à bois pour empêcher que les gamins y grelottent en lisant.
Les jours de pluie c'est le seul lieu pour les enfants des parages. Les copains des enfants viennent y passer du temps le mercredi et le dimanche et puis un jour a lieu comme un petit miracle. L'été 99, une dizaine d'enfants décident d'y écrire puis d'y tourner un film. Ils nous demandent de l'aide (une caméra, des conseils, du temps aussi). Par chance, il y a un scénariste dans le village. Il fait venir des amis techniciens et tout l'été, les gamins écrivent les scènes, font tourner leurs parents, copains, voisins, animaux et montent le film jusqu'à le projeter, à la fin des vacances, évènement trans-villageois, dans la salle des fêtes de Labastide-Murat.
L'aventure était trop belle pour s'arrêter là et on a eu envie, Tieri et moi, de la prolonger. On a créé les associations " Où sont les enfants ? " et " Tête de Môme " qui depuis, ont produit deux autres films d'enfants mais aussi, au sein d'un atelier d'écriture et de lecture qui a lieu chaque semaine avec des enfants de 7 à 11 ans, beaucoup d'histoires et de recueils de poèmes. Tous ces écrits sont devenus le vrai trésor de la Grange aux livres. Tieri et moi étions de plus en plus immergés dans ces histoires d'enfants, gardiens du trésor, confrontés aussi à la question des images qui allaient les accompagner. On avait le souvenir de Crin-Blanc, le livre photo, tous les albums de Dominique Darbois sur les enfants du monde. On a montré ces livres aux enfants dans la grange. Et à l'époque de Disney Channel et des consoles de jeux, on a bien vu leurs regards fascinés. Crin-Blanc et le ballon rouge sont devenus les best-sellers de la Grange aux livres. On n'y peut rien... On a seulement décidé d'en faire d'autres, de continuer cette drôle d'idée qui aujourd'hui, n'a pas beaucoup d'adeptes en France.
Ricochet : Vous proposez aux enfants, à travers plusieurs collections, " des livres photo qui ne baissent pas les yeux ". Votre projet vous paraît-il novateur dans le paysage éditorial actuel ?
"Où sont les enfants ?" : Autant le dire d'emblée : nous sommes une espèce d'iconoclastes égarés, souffrant depuis belle lurette du syndrome de Peter Pan. Excepté Michèle LEYDET, notre graphiste qui travaillait dans la presse et le monde de la photo publicitaire, nous ne venons pas du microcosme de l'édition. Antonin QUETAL a été longtemps travailleur social, militant de l'enfance pur et dur qui s'occupait, à l'intérieur d'ONG comme " Save The Children Fund ", d'enfants réfugiés au Mozambique ou en Tanzanie. Pour sortir ces enfants De L'hébétude où ils étaient embourbés, Antonin est devenu conteur peu à peu. Il a créé, dans plusieurs centres de réfugiés en Afrique, des bibliothèques pour enfants. Tieri BRIET, quant à lui, vient de la peinture et de la vidéo, du monde de l'art contemporain où il exposait des objets difficiles à décrire. Quant à David PARIS, notre dernier allié, il arrive tout juste de Nantes où il travaillait auprès d'enfants en difficulté scolaire. Notre projet a donc ceci d'original qu'il veut amener aux livres des enfants qui d'habitude évitent lecture et écriture. Nous avons réfléchi au moyen le plus direct de faire entrer ces gamins en collision avec le livre. C'est une question d'intensité. Et la photographie nous a semblé une technique à peu près adaptée pour réussir à capter l'intensité du monde où ces enfants vivent.
Ricochet : De quelle manière utilisez-vous le média photographique ? Est-ce pareil pour les différentes collections ?
"Où sont les enfants ?" : Les enfants sont les prisonniers politiques d'un monde dont ils ne sont pas coupables. Ceci étant dit, la photographie est une technique qui permet de ne pas édulcorer ou " cuculiser " (pour reprendre l'expression de Gombrowicz) le monde où ces enfants sont amenés à grandir. Techniquement, nous partons d'un récit, une histoire à partir de laquelle nous élaborons un découpage, un peu comme pour un film. Il y a d'abord un story-board qui nous permet de choisir ou de construire les décors, de choisir les visages, les personnages et les objets qui vont entrer dans le livre. Dans tous les cas, le travail avec le photographe est déterminant. C'est son regard de créateur que nous voulons restituer dans le livre. Dans " Disparue ", l'album réalisé avec Béatrice UTRILLA, il y a des images qu'elle pourrait exposer dans les galeries ou les musées où d'habitude elle montre son travail. Parce que l'art d'aujourd'hui appartient aux enfants et qu'il leur parle, souvent, sans tricher ni mentir.
Pour la collection " Vivant !! ", la démarche est différente puisque nous partons du travail d'une troupe de théâtre, sur des spectacles qui viennent du théâtre de rue ou du théâtre jeunesse. La nef des fous est d'abord un spectacle de l'Oboubambulle, une troupe d'irréductibles bâtisseurs d'atmosphère dont la poésie est proche du théâtre forain, c'est-à-dire excessive et fascinante pour les enfants.
Ricochet : Vos titres s'adressent à des enfants à partir de 5 ans, quel est le rapport de l'enfant à la photographie ? Pensez-vous que les plus jeunes y sont sensibles ?
Tieri BRIET : Il y a une idée fausse qui circule dans le petit monde de l'édition jeunesse. On l'a rencontrée plus d'une fois. Cette idée vient de Françoise DOLTO, de l'époque où elle animait une émission très écoutée à la radio. Un jour, à propos du magnifique album de Sarah MOON, Françoise DOLTO a déclaré un peu vite que la photo ne parlait pas aux enfants. Même les plus grands esprits ont le droit de dire des bêtises. Cette idée a été reçue 5 sur 5 par nombre de spécialistes de l'enfance qui aujourd'hui la répandent sans plus la questionner. Nous, à " Où sont les enfants ? ", nous avons tenté d'interroger cette idée reçue. Elle est à peu près vide de sens, aussi aveugle que ridicule. Une coquille creuse qu'il s'agit donc d'atomiser. Et l'entendre à nouveau rabâchée a le pouvoir de nous mettre en colère. Alors soyons clairs : les enfants adorent la photo dès lors qu'elle raconte. Et vous connaissez beaucoup de photos qui ne racontent rien ? Une photo qui ne raconte rien, c'est le constat d'une imagination déficiente, un handicap lourd du regardeur. Ce n'est pas le cas des enfants, donc nous voilà rassurés et joyeux.
Il faut aussi saluer, ici, le fabuleux travail d'Elisabeth LORTIC autour de la photo et des livres d'enfants. Son travail au sein de " la revue des livres pour enfants ", de " La joie par les livres " et des " Trois Ourses " est non seulement passionnant, mais d'une érudition et d'une intelligence jubilatoire et espiègle.
S'il y a un point commun entre nous quatre, c'est bien l'avidité avec laquelle nous pouvons lire tout ce que publie Elisabeth LORTIC, et puis nous en nourrir. L'utopie " Où sont les enfants ? " doit certainement beaucoup à son travail tout en éclats, fulgurances et chemin de traverses.
Ricochet : Venons-en à vos productions. Les ouvrages d' " Où sont les enfants ? " vont s'insérer au sein de cinq collections : " Chahu-Bohu ", " Enfances d'Avant ", " Là-bas c'est loin... ", " Vivant !! " et " Comme si ". Pouvez-vous nous détailler les grands axes des trois dernières ?
"Où sont les enfants ?" : "Comme si", ce sont des livres qui prennent le jeu de l'enfant au pied de la lettre. Comme parents, parrains ou travailleurs de l'enfance, nous regardons jouer les enfants. Leurs jeux emportent. Le monde qu'ils inventent à partir d'un caillou, d'un bout de corde ou d'une mésange morte, c'est un accès direct aux vraies puissances de l'imaginaire. On veut restituer ça : alors on fait comme si la mésange morte était un grand condor qui apprenait à voler à l'enfant. Et l'enfant vole, il voit sa ville endormie à minuit, il voit les animaux secrets qui émergent sous les bâches des camions, il vérifie que l'herbe est bien rouge, que le ciel orange s'enflamme tous les matins et que l'urine du vieux tigre endormi a bien ce goût d'orgeat encore tiède.
Le premier album de la collection, " Changez tout ! ", raconte l'histoire d'un petit garçon qui, après avoir entendu la chanson de Michel JONASZ à la radio, décide de tout changer dans sa vie. C'est donc un livre très politique. Il est urgent, aujourd'hui, de donner le droit de vote aux enfants. Sans quoi ils seraient bien capables d'imaginer une vraie révolution...C'est le sujet de " Changez tout ! "
" Vivant !! " est une collection qui veut tenter de capter l'énorme énergie qu'on trouve souvent dans le théâtre de rue, le nouveau cirque et tout un pan très créatif du théâtre jeunesse. Beaucoup de ces spectacles proposent une poésie visuelle dont nous voulons faire la matière de ces livres. Les troupes qui travaillent à leur conception interviennent régulièrement dans les écoles, ils sont confrontés à l'enfance, à la vie sans saveur qu'on impose aux enfants. Et ils se battent pour amener jusqu'à eux une intensité dont un livre doit pouvoir devenir le réceptacle. C'est donc une tentative pour amener, dans la solitude du lecteur enfant, une furie et un émerveillement qui d'habitude s'effacent à la fin d'un spectacle.
" Là-bas c'est loin " est une collection qui s'imposait à nos yeux, ne serait-ce que pour combler un manque symptomatique de l'édition jeunesse en France. Là-dessus nous rejoignons encore le travail au long cours d'Elisabeth LORTIC. Dans nombre de pays, aux Etats-Unis comme en Ukraine, au Chili comme en Espagne, des photographes-plasticiens ont inventé des livres photo pour enfants. Ces livres sont parfois édités par des musées, d'autres fois par les artistes eux-mêmes, à des tirages confidentiels le plus souvent. Ces livres sont quelquefois des météores à haute densité visionnaire, inventés le plus souvent pour des enfants très proches de l'artiste, à la manière de Lewis CAROLL. Malheureusement, ces livres ne sont pas accessibles à la plupart des enfants, du moins en France. Notre volonté est donc de mettre ces livres à portée de leur regard. Car si la photographie apprend l'intensité du regard, il est grand temps de mettre en circulation des images qui prennent le contrepied de l'indigence télévisuelle. Nous exigeons donc, ici et maintenant, la libre circulation des merveilles.
Ricochet : Comment procédez-vous pour la création d'un album de la collection " Chahu Bohu " qui rassemble des livres d'artistes contemporains ? Est-ce l'image, le texte qui prime ?
"Où sont les enfants ?" : Jusqu'à présent, les 5 albums conçus au sein de cette collection sont tous partis d'un récit, un premier texte que nous proposons à un photographe et à partir duquel, il y aura toute une série de réécritures. La rencontre d'un auteur et d'un photographe plasticien est souvent intense. Le coup de foudre en constitue l'un des traumas. Nous jouons donc le rôle de la marieuse ou de l'agence matrimoniale, ce qui stimule nos tendances à jouer les apprentis sorciers de l'alchimie humaine. Après " Disparue " et " Petite brouette de survie ", nous avons en projet un texte de Sandrine Bourguignon (" Je hais les histoires de sorcières "), un autre de Stéphane Servant (" 8h32 "), et enfin, un texte arrivé de la Réunion par les grands satellites du vieux web, " Histoire à dormir debout ", un récit beau et puissant de Maryvette Balcou.
Mais nous imaginons bien, un jour, recevoir un projet conçu de A à Z par un(e) photographe qui écrirait une histoire avec son drôle de langage. À moins, pourquoi pas, que ce ne soit l'inverse : un auteur qui décide de photographier ce que ses mots peuvent raconter.
Ricochet : Combien de titres entendez-vous sortir cette année ? À quel tirage ?
"Où sont les enfants ?" : Nous avons huit albums en préparation pour 2005. Notre ambition est de publier entre huit et dix albums par an, surtout pas davantage. Quant aux tirages, ils se situent entre 3000 et 5000 exemplaires. Le soutien de notre imprimeur, France Quercy à Cahors, est donc capital.
Ricochet : Avez-vous d'autres projets en préparation ? Êtes vous à la recherche de créateurs pour vos futurs projets ?
"Où sont les enfants ?" : Les projets ne manquent pas. La difficulté se joue ailleurs, sur la viabilité économique à long terme. Quant aux créateurs, nous lisons tous les textes qui nous arrivent, nous voulons constituer une équipe d'auteurs, un travail sur plusieurs albums. Nous recherchons donc des auteurs écrivant pour la photo, dans cette différence-là. Quant aux photographes, c'est notre passion. Nous essayons de voir les expos, de quitter le vieux Causse du Quercy pour Barcelone, Paris ou Londres. On a besoin de faire le plein d'images, d'en ramener et d'entamer le dialogue avec d'autres photographes que la narration intéresse. Et puis nous avons l'ambition folle des utopistes écarquillés, comme de faire un jour un album avec Bernard Faucon, Duane Michals ou Sarah Moon, mais aussi avec Valérie Rouzeau, Eugène Savitzkaya ou Toni Morisson.
L'une des particularités des éditions " Où sont les enfants ? " est d'avoir constitué un comité de lecture composé d'enfants de 5 à 11 ans. C'est donc à certains d'entre eux que nous avons posé ces questions :
Aude(7 ans), Loïc (11 ans), Leàn (10 ans), Elsa (6 ans), Terek (5 ans) et Théo (14 ans) ont répondu aux questions oralement, dans le plus grand désordre. Nous les avons enregistré et retranscrit leurs réponses en évitant les gros mots, les insultes et les onomatopées.
Ricochet : Quels titres avez vous lu ?
Les enfants : On a lu toutes les histoires qui deviendront un livre. Obligé puisque Anton et Tieri ne veulent pas publier un livre si on n'est pas d'accord. Notre avis a autant d'importance que le leur. C'est pour ça qu'on fait très attention à ce qu'on lit, et puis à ce qu'on dit sur les histoires.
Ricochet : Qu'est-ce qui vous a touché à travers ces histoires ?
Les enfants : On aime les histoires qui font peur, par exemple. Et aussi quand on est pas pris pour des idiots. Que les histoires ne racontent pas des fadaises, des trucs débiles.
Ricochet : Avec la photo, vous sentez-vous plus proche de la fiction ou du réel ?
Les enfants : Les photos, on trouve qu'elles font croire que les histoires pourraient arriver pour de vrai.
Ricochet : Quelles photos avez-vous retenues ? Pourquoi ?
Les enfants : Ce n'est pas nous qui choisissons les photos. C'est un peu compliqué. Des fois on nous demande notre avis au moment de choisir. Des fois on n'est pas d'accord et on discute, ça dure longtemps.
Ricochet : Les images vous ont-elles parlé, intrigué, interrogé ?
Les enfants : D'abord on voit les images en vrac. Tout est en désordre. Pour la "Nef des fous" il y avait plus de mille photos. C'était compliqué quand même. Ensuite, quand Michèle nous montre la maquette du livre sur l'écran de l'ordinateur, on ne comprend pas pourquoi ils ont fait tellement de photos.
Ce qui nous étonne souvent, c'est qu'à cause des habits et des lumières, on ne reconnaît pas celui qui est pris en photo. Aude, celle qui est dans "Disparue", on ne reconnaît même pas son visage quand elle a peur ou qu'elle pleure. C'est un peu bizarre. Même Aude ne se reconnaît pas. C'est rigolo.
Ricochet : Qu'avez-vous eu plaisir à découvrir à travers cet album ?
Les enfants : Comme on connaît d'abord les histoires, on aime bien découvrir les photos. Avant les photos, on regarde les dessins que fait Tieri, comme une petite bande dessinée, des croquis pour décider les décors et les personnages. Mais c'est très long. Ils ont mis presque un an à faire toutes les photos de "Disparue". Alors chaque fois on attend trop longtemps.
Ricochet : L'ouvrage vous a-t-il plu ? Pourquoi ?
Les enfants : "La nef des fous", on trouve que c'est un livre trop rigolo. On a vu le spectacle plusieurs fois, en répétition ou devant le public. C'est un spectacle qu'on aime bien, alors c'est marrant de voir les têtes de près, les grimaces des fous, on croit qu'ils sont tous fous pour de vrai.
Ricochet : Quels sont vos étonnements, vos critiques ?
Les enfants : On trouve qu'il n'y a pas assez de pages. Quand on a vu les photos, on a envie de les retrouver toutes dans le livre, de faire un très gros livre. Mais ils disent que c'est trop cher à faire. Dommage.
Ricochet : Qu'est-ce qui vous a fait voyager ? La photo ? Le texte ?
Les enfants : "Petite brouette de survie", c'est le voyage d'un petit garçon. Et quand on voit les photos, on sait qu'il a fait le voyage pour de vrai. Il a ramené son poisson à la mer. On sait que c'est vrai parce qu'ensuite il nous a tout raconté. Même que la mer était super glacée et que lui, torse nu en plus, il avait trop froid.
Nous on a envie de devenir les personnages des prochains livres. Comme ça on fait plein de trucs rigolos, même si ça prend toutes les vacances.