Rencontre avec Georges Grard : le petit éditeur qui n'a pas peur des gros

Georges Grard, son parcours :

Georges Grard a un parcours original et plutôt atypique : avant d'entrer dans le monde du livre il traverse de nombreuses professions. Il est footballeur promotionnel à l’AJA d’Auxerre pendant quelques années, puis exerce plusieurs métiers jusqu'au jour où il décide de passer le concours de l'école normale et devient instituteur. Cette découverte du monde de l'enfance et le travail avec ses élèves poussent Georges Grard dans l'édition. Il commence à écrire à l'âge de 35 ans.

G. Grard est aujourd'hui instituteur à mi-temps, écrivain, éditeur, journaliste et passionné par tout ce qu'il fait !


La naissance des éditions GRRR…ART :

Les éditions GRRR…ART sont nées d'une question d'un élève de Georges Grard " comment lutter contre le chômage ? ". Pour répondre à cette demande, G. Grard arrive en classe le lendemain en présentant son nouveau métier " blagagiste ". A partir de cette idée, l'instituteur crée avec les élèves de sa classe un alphabet des métiers farfelus : pour chaque lettre, la définition d'un métier farfelu est écrite et affichée.

Pef, venu rendre visite à la classe, est séduit par l'initiative et organise une rencontre chez Gallimard. Le directeur éditorial en place, Pierre Marchand, s'enthousiasme pour le projet mais lorsqu'il quitte Gallimard pour Hachette, son successeur ne donne pas suite.

Pef, convaincu de la réussite du livre, encourage alors Georges Grard à s'autoéditer.


C'est ainsi que G. Grard décide, en 1999, de se lancer et de monter une SARL avec son père Jean Grard. Le père, précisons-le, n'avait, tout comme le fils, aucun lien avec le monde de l'édition.

Il produit et édite son Alphabet des métiers farfelus avec pour objectif de rapprocher la Bd et la littérature de jeunesse - il travaille pour cela avec un auteur de bandes dessinées, Ludovic Joffrain.

Il sort 5000 exemplaires de ce premier ouvrage.


Trouver des points de vente, un démarchage difficile :

Après avoir conçu et autoproduit l'Alphabet des métiers farfelus, G. Grard se lance dans le difficile démarchage des librairies.

Après une série d'échecs, il se dirige vers une FNAC locale qui accepte de diffuser ses ouvrages. Mais cela ne suffit pas comme points de ventes.

G. Grard, pour trouver son public, fait alors beaucoup de presse - surtout locale et régionale - et se lance dans les interventions et animations - salons du livre, visites d'école...

En 6 mois il vend 2000 exemplaires en direct.


Un succès, c'est la possibilité d'éditer d'autres ouvrages :

La rencontre de Georges Grard avec Jean-Paul Rouland, est l'occasion de la publication d'un second album. Celui-ci lui demande en effet d'être l'éditeur de " son " livre : Dégustations zygophiles. L'almanach de la bonne humeur. Georges Grard croit en l'aventure " c'est le livre que j'aurais aimé écrire ! " et investit 150 000 F dans la fabrication : une fortune pour un si petit éditeur ! L'album est vendu 100 F en 1999.

Les deux compères écument FNAC, Rotary clubs et autres lieux, en organisant des séances de dédicaces.

En 6 mois, 3800 exemplaires sont écoulés.

Grâce à cette nouvelle trésorerie, Georges Grard peut se lancer dans d'autres projets : il écrit et publie ainsi une bande dessinée, Léo et Lu, les aventures d'une fratrie, inspirée de ses propres enfants. C'est un succès : 3 tomes sont parus, 40 000 exemplaires ont été vendus à ce jour et une réédition est prévue.

Malgré ces succès, le problème de la diffusion demeure : Georges Grard reprend contact avec des librairies mais malgré l'expérience acquise et sa motivation, c'est à nouveau un échec : les libraires ne veulent pas prendre de risques. Il travaille alors avec plusieurs diffuseurs/distributeurs mais c'est un métier très instable et notre éditeur y laisse quelques plumes.

C'est bien difficile d'être un petit éditeur, Georges Grard ne s'en cache pas, mais il parvient quand-même, malgré ces difficultés, à développer et à faire vivre les éditions GRRR…ART.

La maison d'édition, ses ouvrages:

Aujourd'hui les éditions GRRR…ART proposent en tout 18 ouvrages :

- 4 bandes dessinées : Léo et Lu (3 tomes) et "Touba"

- La collection " alphabets farfelus " (des inventions, des bêtes et des métiers)

- La collection " enfant-phare ": Géo et la planète rose, Le Kornimon, princesse et footballeur, Antoine et la poubelle et les Fables Bulleuses

- Deux collections pour adultes : " Enfants de chœur ", avec trois titres Je m'plaisante, Dégustations Zygophiles et Hommes de Lettres, et " Avant écran " avec également trois titres : Tu l'appelleras Sokotaï, M'dame et La louve et le renard.


Gros plan sur quelques ouvrages :

G. Grard, pour la conception de ses ouvrages, travaille avec des amis pour les maquettes, la mise en forme. Pour ce qui est de l'impression il est en relation avec un imprimeur.



· Alphabet des métiers farfelus : cet album est à l'origine de la maison d'édition. En allant du " blagagiste ", au " légumologue " en passant par le " conducteur de lampadaire ", chaque enfant peut trouver dans ce livre le métier qui lui convient et une bonne touche d'humour !

Ce livre a donné ensuite lieu à deux autres alphabets : Les inventions farfelues et Les bêtes farfelues.



· Léo et Lu : pour ces bandes dessinées, G. Grard s'est inspiré de ses deux enfants : Léopold et Lucie. A travers ce duo frère et sœur G. Grard met en avant les interrogations des enfants, leurs préoccupations, leurs petits et gros problèmes, la relation frère et sœur… Dans cet ouvrage G. Grard et le dessinateur - Jak - prennent le parti pris d'observer ces deux enfants comme des personnes " communes ", qu'on pourrait croiser n'importe où, sans leur donner une dimension très drôle, critique ou moqueuse.

Aujourd'hui Léo et Lu, ce sont trois tomes : le premier mettant en avant seulement les enfants, le second intégrant les amis, le troisième faisant intervenir les grands parents et le prochain : les parents…



· Fables bulleuses : alors que G. Grard est considéré comme un auteur comique, farfelu, que l'on ne prend pas au sérieux, il décide d'écrire un recueil de fables allant contre cette " étiquette ". Fables bulleuses est un ouvrage mettant en avant des jeux littéraires, des poèmes…

C'est Pef qui préface cet ouvrage : c'est d'ailleurs comme il le souligne " sa première et dernière préface ".

· TOUBA : cette bande dessinée est en réalité " la mise en image " de Je m'plaisante. Cet ouvrage n'a pas connu le succès que G. Grard espérait. Par son " acharnement ", sa motivation, il lui donne finalement vie à travers la bande dessinée TOUBA avec, les illustrations de Jak.



Les éditions GRRR…ART aujourd'hui en quelques points :

· Aujourd'hui G. Grard vend 15000 ouvrages par an ce qui lui permet de nouveaux projets. Sa maison d'édition travaille maintenant avec une douzaine d'auteurs et illustrateurs, tous particulièrement motivés car, vu la réalité du métier, il faut vraiment être capable de " soutenir " son ouvrage pour le faire vivre.

La maison commence à être connue, des manuscrits arrivent régulièrement. Mais, comme le souligne G. Grard, malgré son souhait de faire découvrir des auteurs, il n'est pas toujours possible de prendre ce qu'on aime, il faut toujours avoir comme objectif de vendre ce qu'on édite (G. Grard a essayé de lancer une collection de romans policiers qu'il aimait beaucoup, mais il ne peut plus l'enrichir car les ventes sont trop faibles).



· G. Grard travaille aujourd'hui avec CED (diffuseur et distributeur des petits éditeurs), les relations restent cependant tendues car les distributeurs n'ont pas toujours un grand souci des auteurs. Il a comme point de vente la FNAC et travaille ponctuellement avec les grandes surfaces.

L'accès aux médias est difficile - sa tentative de collaboration avec une attachée de presse s'est soldée par un échec : des résultats dérisoires pour un investissement trop important. Il continue donc de promouvoir ses ouvrages sur le terrain.



· Le métier, même si G. Grard prend les choses avec beaucoup d'humour et de motivation reste difficile : les librairies ne veulent plus beaucoup prendre de risque et sont écrasées par les distributeurs, les médias ont tendance à ne traiter qu'avec les gros éditeurs, renforçant encore leur monopole et leur visibilité. Inutile en outre pour un petit éditeur de songer à faire de la publicité, trop inaccessible.



En 2005, G. Grard est toujours instituteur à mi-temps, tout en exerçant avec passion le métier d'éditeur.

Avec cet enthousiasme qui l'anime, il se lance aujourd'hui, en sus, dans d'autres aventures, comme l'écriture d'un one man show et la réalisation d'un court-métrage avec l'entraîneur de l'équipe de France. Signalons qu'il a déjà, dans le passé, réalisé un film, sur les conditions des enfants à l'étranger cette fois, et que le livre, publié en écho au film, a reçu un prix de l'UNICEF !