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Quels livres proposer aux adolescents ?
Compte-Rendu de la Journée interprofessionnelle de l'ORCCA et le CRL de Champagne-Ardenne

Charlotte Javaux
28 septembre 2006


"Quels romans proposer aux 10-15 ans ?" La question n'est pas neuve et de nombreuses formations s'y consacrent actuellement. Et c’est tout naturellement ce thème qui a été abordé ce 26 septembre lors de la troisième rencontre interprofessionnelle organisée par l'Orcca et le Centre régional du Livre de Champagne-Ardenne, dans le cadre de ses actions en faveur du jeune public. A travers cette rencontre qui se déroulait au Centre de conférences Gabriel Rigot à Châlons-en-Champagne, les organisateurs entendaient offrir des repères et des éléments de réponses quant aux choix des publications romanesques destinées aux lecteurs de 10 à 15 ans.




Et si on comparait ?

De prime abord, Daniel Delbrassine, enseignant, formateur et collaborateur belge à la revue Lectures est venu présenter quelques résultats de sa thèse intitulée " Le roman contemporain adressé aux adolescents". De manière analytique et suivant une méthode comparative, ce chercheur a mis en lumière les différences existantes entre la littérature de jeunesse et la littérature pour les adultes. Sa recherche a porté sur un corpus de 66 titres écrits par 20 auteurs dans les dernières années du XXème siècle. Deux cas de figure ont retenu son attention: les auteurs " mixtes" écrivant à la fois des romans pour la jeunesse et d'autres adressés aux adultes et le cas des auteurs qui réécrivent une œuvre initialement destinée aux adultes. En utilisant de multiples critères de comparaison (la lisibilité, la voix narrative, les modes d'énonciation,…), l'auteur a permis de dresser les contours du roman adressé à la jeunesse. Et au terme de son exposé, le public aura pu constater que ces romans destinés à la jeunesse ont bien des caractéristiques formelles et thématiques propres qui répondent à des préoccupations de l'auteur pour ce public.





S'en suivit une rencontre avec trois auteurs jeunesse animée par Jean-Baptiste Coursaud, traducteur en langues scandinaves, spécialiste de la littérature de jeunesse et éditeur des éditions Gaia. De manière détendue et sous forme de conversation libre, l'animateur a donné la parole aux auteurs et nous a donné à découvrir leur démarche d'auteur pour les adolescents. Malika Ferdjoukh, Shaïne Cassim et Jean-Paul Nozière ont pu ainsi s'exprimer sur leurs méthodes de travail, la genèse de leurs histoires, le processus de création et le choix des héros et des personnages qui parfois échappent aux auteurs eux-mêmes.

Une offre large et variée

L'après-midi fut consacrée à la découverte des collections pour adolescents. Une quinzaine d'éditeurs pour la jeunesse comme Gallimard jeunesse, Actes sud, Albin Michel jeunesse, Casterman, Grasset jeunesse, Bayard jeunesse, mais aussi les éditions Belem ou J'ai lu, ont exposé leur offre destinés aux lecteurs entre 10 et 14 ans qui -ce fut rappelé au début de la journée- ont un rapport complexe à la lecture.





Cette découverte s'est approfondie par une table-ronde toujours menée par Jean-Baptiste Coursaud autour de la production de quatre maisons d'édition. Tour à tour, Jérôme Lambert pour l'Ecole des Loisirs, Françoise Mateu pour le Seuil jeunesse, Sandrine Mini pour les éditions Syros et Elisabeth Sebaoun pour Bayard jeunesse ont pointé du doigt les spécificités.


A l'Ecole des Loisirs, la collection "Médium" offre un large choix de romans écrits principalement par des auteurs français. Défendant une politique d'auteurs et offrant des romans miroirs, leurs récits s'ancrent bien souvent dans le réalisme social sans s'y réduire. « L'identité de la collection se construit surtout par les auteurs », a rappelé Jérôme Lambert.


Chez Syros, quatre collections se partagent cette tranche d'âge. Ces collections où figurent de nombreux auteurs français se scindent en deux pôles. Les collections « Souris noir » et « Rat noir » font honneur au polar, marque de fabrique des éditions Syros. Si la maison d'édition est aussi connue pour aborder des sujets poignants amarrés aux réalités sociales, les collections « Tempo » et « Les Uns les Autres », ne s'y limitent pas («  nos héros ne sont pas que des personnes qui vivent que des malheurs » rappelle l'éditrice) puisqu’elles s'ouvrent à tous les genres et à tous les âges : la première collection cible les lecteurs à partir de 10 ans, la seconde vise les (grands) adolescents.


Françoise Mateu s'est centrée sur la collection de fiction de la maison sans nom, bâtie sur de nombreuses traductions et sur une grande diversité des styles et des auteurs. Cette ouverture à l'étranger offre un dépaysement et des univers que les auteurs français ne pourraient pas recréer. « On achète ce qu'on ne pourrait pas faire », a-t-elle rappeler. C’est ainsi que des auteurs étrangers tels que Katherine Hannigan, Francine Prose, Laura Gallego Garcia, Klaus Hagerup, trouvent place dans les ouvrages de cette collection dont les prix sont eux aussi très variables.


Comme au Seuil, les éditions Bayard privilégient aussi l'achat de droits et l'ouverture à tous les genres à travers les collections « Millézime » et  « Estampille ». On y découvrira des romans aux tons variés et ouverts à tous les styles où se côtoient des auteurs tels que Anne-Laure Bondoux, John Lekich, Jana Novotny Hunter, Margaret Bechard, Claude Merle, Jean Ferris…





Alors, tout est rose pour ces éditeurs ? Pas vraiment puisque le débat a aussi porté sur les difficultés de ces collections. Pour Françoise Mateu, dans une production inflationniste, c'est de plus en plus difficile de se différencier. Quant à Sandrine Mini, elle a rappelé la difficulté de faire vivre ses collections face notamment à l'engouement pour la fantasy et le fantastique. Et même si on entend que la fiction se porte très bien actuellement, ce n'est bien souvent que l'arbre qui cache la forêt : certaines collections connaissent vraiment des difficultés. Il est évident que la fantasy compte énormément pour le jeune lecteur mais n’est-il pas opportun -voire très important- de lui proposer, ou garantir, la plus grande diversité possible ? C’est pourquoi il est aussi indispensable, au sein de collections s'ouvrant à des genres différents, de pouvoir défendre la production titre par titre. Et cette offre-là existe et c'est bien ce que nous a démontré cette journée.