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Sarbacane fait des bulles !

Catherine Gentile
6 novembre 2007


Les éditions Sarbacane ont été créées en 2003 par Frédéric Lavabre et Emmanuelle Beulque, qui la dirigent toujours aujourd’hui avec un dynamisme, une créativité et un enthousiasme certains.


Maison d’édition indépendante, Sarbacane a su en peu de temps, s’imposer dans un paysage éditorial très chargé, parfois brouillé, en privilégiant les albums de qualité, qui font la part belle à la création, à l’inventivité, rassemblant de nombreux auteurs et illustrateurs connus et reconnus.

Puis Sarbacane s’est aventuré sur un autre terrain, celui des écritures urbaines, avec la très intéressante collection eXprim’, qui s’adresse aux grands adolescents. Elle met en scène des adolescents en rupture ou en recherche et elle fait entendre des voix singulières, écorchées, sur des rythmes d’écriture proches parfois de l’oralité.

Ne pas rater les titres de cette collection : Je sais que je ne suis pas seul, d’Alexis Broca – Les mots, ça m’est égal, de Mélanie Cuvellier – La vie rêvée de Mademoiselle S., de Samira El Ayachi – Chevalier B., de Martine Pouchain – Adieu la chair, de Julia Kino – Treizième avenir, de Sébastien Joanniez – La fille du papillon, de Anne Mulas – Sarcelles-Dakar, de Insa Sané).

Et puis en octobre, Sarbacane se lance aussi dans les planches avec une offre nouvelle en bande dessinée. Gwen de Bonneval est aux commandes.

Les premiers albums de BD :

Les albums publiés par Sarbacane s’adressent à tous les publics, et pas seulement aux enfants. Ils réunissent des auteurs aux univers forts et personnels, dont certains sont encore peu connus, alors que d’autres ont participé à d’autres aventures éditoriales et sont publiés chez de « grands » éditeurs de bande dessinée : Anouk Ricard, Hugo Piette, Marion Montaigne, Karine Bernardou, Sasha Homer, Michaël Sterckeman, Trap, Stphane Oiry, Frantz Duchazau, Hervé Tanquerelle ou Catherine Meurisse.

Pas question non plus de privilégier la quantité –et pourtant dans ce domaine, la quantité d’albums publiés en France est pléthorique !, au détriment de la qualité. Chaque album aura un format et une pagination particulière, selon sa spécificité. Une dizaine de titres sont prévus par an au maximum.

Les trois premiers titres sont à présent disponibles. Les voici :

Panique organique, de Marion Montaigne

Anna et Froga, tome 1 : Tu veux un chwingue ?, de Anouk Ricard

Poncho et Semelle, tome 1 : Joyeux western, de Hugo Piette


L’éditeur :
Gwen de Bonneval est loin d’être un débutant sur les planches ! Il est scénariste et dessinateur de bande dessinée, compte à son actif d’excellents albums, entraînant les lecteurs dans des univers très éclectiques, souvent décalés et caustiques, parfois très tendres aussi.

Puis en septembre 2004, il se lance dans l’aventure de Capsule cosmique, un mensuel de bandes dessinées destiné aux enfants et édité par Milan, qui tranche résolument avec ce qui ce que l’on propose habituellement aux enfants dans ce domaine, tant sur le plan graphique que dans le contenu. Capsule cosmique voyage très loin des univers que proposent par exemple les éditions Bayard avec Okapi, ou bien encore Dupuis avec le bon vieux Spirou. Gwen en est le rédacteur en chef et sa Capsule cosmique embarque des auteurs talentueux, qui développent les univers de l’absurde, du décalé, de l’humour souvent caustique et créent toutes sortes de personnages délirants, parfois animaliers :Tête Noire le catcheur, l’oiseau-adolescent Pipit, Eddy Milvieux, Anna et Froga ou bien encore Plic et Ploc. Ils sont pour la plupart issus de ce que l’on appelle la bande dessinée indépendante, comme l’Association, ou d’éditeurs jeunesse indépendants aux catalogues innovants aussi, les éditions du Rouergue par exemple. Ils ont développé des œuvres originales et créatives et sont édités parallèlement à présent  par des grands éditeurs de bande dessinée : Appollo, Jacques Azan, Mathieu Bonhomme, Pauline Chevalier, Jean-Luc Coudray, Frantz Duchazeau, Jean-Yves Duhoo, Jérôme Duveau, Nicolas Hubesch, Lisa Mandel, Colonel Moutarde, Stéphane Oiry, José Parrondo, Anouk Ricard, Riad Sattouf, Stanislas, Mickaël Sterkman, Hervé Tanquerelle, Jean-Michel Thiriet, Trap.

Bien que d’une indéniable qualité, Capsule Cosmique arrêtera de paraître en 2006, faute d’un nombre de lecteurs suffisants.

Certaines des histoires à suivre publiées dans le mensuel ont été éditées en albums et sont toujours disponibles : Chico Mandarine, de Jacques Azam, Eddy Milvieux, de Lisa Mandel, Grenadine et Mentalo, du Colonel Moutarde, L’ïle du professeur Mémé, de Lisa Mandel et de Julien Hippolyte, Pipit Farlouse, de Riad Sattouf, Plic et Ploc, de José Parrondo, Tête Noire, de Hervé Tanquerelle, Vladimir sur les toits, de Gwen de Bonneval et Nicolas Hubesch, et le Voyage d’Esteban, de Mathieu Bonhomme.

Biographie

Gwénaël de Bonneval est né le 9 janvier 1973 à Nantes.

Il se construit très jeune un imaginaire, lit avant de savoir lire et puise ses futures influences dans Pepito et Krazy Kat. Il commence à dessiner sans s'en rendre compte, comme tous les enfants et il découvre qu’il se débrouille pas mal du tout.

De 1983 à 1991, il est en exil dans une école privée de Lyon. À 18 ans, muni d'un Bac littéraire, il revient à Paris et commence à caser des dessins dans la presse enfantine. En 1993, pour faire plaisir à son père, il fait "sérieux" en montant une boite de communication avec deux copains. Puis il se retrouve à travailler comme maquettiste. Il en est malheureux et il s'en va pour suivre son intuition première.

Là, les choses s'éclairent car il faut toujours suivre son intuition ! Démarchant tout seul, il dessine pour Spirou, Disney et pour différentes sociétés de communication. Il se fait la main mais il se sent frustré : il a envie de raconter des histoires. En 1998, il entre à l'atelier de la place des Vosges. Simultanément il rencontre Fabien Vehlmann. La collaboration est fructueuse car dit-il « Samedi et Dimanche, c'est un truc débordant qu'il faut tenir. On discute, on arrive à se recadrer, on se marre bien, et c'est assez idyllique, notre manière de travailler. »

A la fin de l’année 2001, Gwen quitte l'atelier des Vosges. En mai 2002, il s'installe dans un nouvel atelier, avec, entre autres, son ami Matthieu Bonhomme. Il écrit dans les bistrots et dessine chez lui, menant de front sa série en solo Basile Bonjour et les aventures de Samedi et Dimanche, le premier travail dont il a été fier.

En 2004, il lance la Capsule cosmique chez Milan dont il est le Rédacteur en chef. Il poursuit parallèlement son œuvre d’auteurs, avec Gilgamesh en collaboration avec Frantz Duchazeau, publiée chez Dargaud dans la collection Poisson Pilote, puis Messire Guillaume, ave Matthieu Bonhomme, chez Dupuis.

Bibliographie

Chez Dargaud :

Série « Samedi et Dimanche », scénario de Fabien Velhmann (collection Poisson Pilote)

Ou bien quand deux lézards, Samedi et Dimanche, réfléchissent au sens de la vie et se posent toutes sortes de questions existentielles …

Tome 1 : Le paradis aux cailloux, 2001

Tome 2 : Cœurs de palmier, 2002

Tome 3 : Le profil du pingouin, 2003

Tome 4 : L’Odyssée aux allumettes, 2006


Série « Gilgamesh », dessin de Frantz Duchazeau (collection Poisson Pilote)

L’épopée du roi Gilgamech, très ancienne légende mésopotamienne datant du XVème siècle avant JC.

Tome 1 : Le Tyran, 2004

Tome 2 : Le Sage, 2006


Chez Delcourt :

Série « Basile Bonjour »

Une histoire pour enfants, qui raconte de manière très tendre, la vie quotidienne d’un jeune garçon, Basile, avec ses petits riens, ses grandes émotions, la famille, les filles, les copains, l’école …

Tome 1 : Caroline, 2000

Tome 2 : La Fièvre verte, 2001

Tome 3 : Radio nouba, 2003


Monsieur Forme (Jeunesse), 2003


Chez Dupuis :

Série « Messire Guillaume », dessin de Matthieu Bonhomme (collection Repérages)

Tome 1 : Les contrées lointaines, 2005

Tome 2 : Le Pays de vérité, 2007


Chez Milan

Série « Vladimir », dessin de Nicolas Hubesch (collection Capsule cosmique)

Tome 1 : Sur les toits, 2006


Interview de Frédéric Lavabre et de Gwen de Bonneval



CG à FL - Sarbacane lance une collection de bandes dessinées. Est-ce parce que la BD a actuellement le vent en poupe, qu'il y a de plus en plus de passerelles entre l'illustration et la bande dessinée, ou bien parce que Gwen de Bonneval a su vous convaincre ?
FL - Nous ne lançons pas une collection, mais il s'agit vraiment de la création d'un "pôle BD" au sein des éditions Sarbacane, d'un nouveau secteur : jeunesse, tout public, adulte... Sans restriction de genre ni d'âge.

Que la BD ait le vent en poupe ne me préoccupe pas. Je développe un catalogue BD aujourd'hui parce que ce support me plaît. Si j'étais attiré par les Sciences Humaines, j'aurais sans doute développé un catalogue jeunesse avec les éditions Eres.

Il existe en effet des passerelles entre album jeunesse et BD. L’album illustré et la BD Jeunesse s’adressent au même lectorat, à une même catégorie d’âge, celle des 4-12 ans.

Il existe pourtant une différence : l’album illustré s’adresse à un lectorat assez jeune, il est difficile, avec lui, de cibler un lectorat de plus de 10 ans, alors que la BD connaît moins de limite d’âge, elle est plus véritablement  « trans-générationnelle ».

La BD (jeunesse et tout public) et l’album illustré sont tous les deux le lieu de convergence de deux arts, celui de l’image et celui de l’écrit et ils semblent s’adresser à un même public. Ils apparaissent donc très proches, et pourtant malgré ces points communs, ils n’en sont pas moins de « faux frères jumeaux ».

Sans conteste, le processus de création opère de façon très différente entre la BD et l’album illustré.

-    Tout d’abord au niveau de l’image et de son découpage (le dessinateur de BD est un auteur à part entière).

-    Et donc également au niveau du processus narratif au sens plus large.

-    En découlent donc deux modes de lecture très différents.

-    Le statut sacralisé de l’album pousse les parents à lui prêter un rôle plus pédagogique.

Mais les barrières entre les deux sont en passe d’être repoussées. De plus en plus d’albums se rapprochent visuellement de la BD et réciproquement. Ce qui donne naissance à des ouvrages que l’on pourrait qualifier « d’hybrides » qui ne sont pas faciles à faire rentrer dans une « case ».

D'où le problème du public et même des prescripteurs (parents, enseignants, libraires, bibliothécaires) à définir parfois le « genre d’un album » (bd ou album jeunesse)

Il y a donc une nécessité de créer un pont entre les deux secteurs qui finalement visent le même lectorat et peuvent avoir les mêmes portées pédagogiques ou artistiques. On constate un léger mouvement dans ce sens là de la part des professionnels (par exemple la présence aujourd’hui de pages de bande dessinée jeunesse dans les manuels scolaires de français, etc…)

CG à FL - N'avez-vous pas peur de "brouiller" votre image en lançant cette collection, d'être peu visible dans un secteur très encombré déjà, où les sorties d'albums sont pléthoriques ?
FL - Même pas peur ! Plaisanterie mise à part, non je ne crois pas que nous brouillons notre image. Ce que nous faisons en BD avec Gwen est très proche dans l'esprit de ce que nous réalisons avec Emmanuelle depuis 5 ans en album jeunesse ou avec Tibo sur le roman 15-25 ans. Avec toujours le même souci du fond (qualité des textes, de la narration), comme de la forme (travail de l'image, soin apporté à la réalisation de la maquette et à la fabrication imprimée).

Nous publions une dizaine d'albums BD par an. Chaque titre sera choisi, travaillé, suivi, accompagné après sa publication... et je ne crois pas que, face aux mastodontes de l'édition qui sortent des centaines de titres par an chacun, ce soit notre modeste production qui embouteille le marché ...

Il ne s'agissait pas de "faire" de la BD pour aller occuper un marché soi-disant porteur commercialement. 

Au début de nos discussions avec Gwen d'ailleurs, on avait envisagé la possibilité de ne "pas aboutir". Du coup, on a travaillé sereinement, sans souci du résultat. On a pris notre temps. Ce qui nous a donné une grande liberté dans nos échanges sans rien mettre de côté, sans à priori.

La question de la visibilité en magasin est un autre problème. A nous de convaincre les libraires BD de la qualité de nos ouvrages pour qu'ils nous soutiennent et nous mettent en avant de façon significative (conseil aux lecteurs, vitrines, tables, etc).

Je ne demande aucun passe-droit. La légitimité, ça se construit, titre après titre. Inversement, j'aimerais qu'il n'y ait pas de procès d'intention non plus, chacun a le droit de développer ce qu'il veut (BD, roman, guides de voyage... peu importe), ce qui compte c'est ce que l'on fait et la manière dont on le fait, dont on le porte.

Après, au lecteur de choisir, c'est lui qui a toujours le dernier mot.

CG à FL - Comment avez-vous travaillé avec Gwen pour préparer la collection ? Aviez-vous une idée précise de ce que vous vouliez faire ? Ou bien est-ce lui qui vous a fait des propositions ?
FL - l s'est agi en premier lieu d'une rencontre. Une rencontre entre un éditeur de livre jeunesse, et un auteur/dessinateur BD, ce dernier sortant, qui plus est, d'une expérience passionnante de création d'une revue BD jeunesse dont il était le rédacteur en chef (Capsule Cosmique). On s'est croisé par hasard, puis au fil des discussions, il est apparu qu'il y avait "quelque chose" qui nous réunissait et peut-être un projet, avec du sens, à développer.

Il fallait aussi que mes autres éditeurs et toute l'équipe de Sarbacane puissent adhérer. Quoique l'on publie, il faut qu'il existe des liens, que chacun puisse se retrouver dans le travail de l'autre, dans sa philosophie.

Le catalogue de Sarbacane (albums, roman, BD) est incarné par chacun, individuellement et par tous.

 
CG à GDB - Comment avez-vous travaillé avec Frédéric pour préparer la collection ? Aviez-vous une idée précise de ce que vous vouliez faire ? Ou bien est-ce lui qui vous a fait des propositions ?
GDB - J’ai rencontré Frédéric au moment de l’arrêt du magazine Capsule cosmique dont j’étais le rédacteur en chef... Nous nous sommes rencontrés et avons eu envie de travailler ensemble parce que nous avions des points communs et des savoirs faire complémentaires. Sarbacane n’étant pas un organe de presse, Il ne s’agit pas de refaire Capsule cosmique. L’esprit de Capsule est  en grande partie là, mais il y se développe sur un autre support, chez un éditeur qui a sa propre identité. J’ai reconnu dans le soin apporté au livre et dans la créativité de Sarbacane ce que nous faisions en presse avec Capsule. Voici donc une aventure qui prolonge naturellement celle de Capsule, sans la répéter.

CG - Que diriez-vous, chacun, en quelques mots pour définir votre ligne éditoriale ?
FL - On est assez vite tombé sur l'envie de faire ensemble des BD qui ne prenaient pas le jeune lecteur pour un idiot.

On a voulu sortir des standards du "genre" : nombre de pages toujours le même, format, essentiellement de l'humour/gag...

On a travaillé près de un an et demi ensemble avant de sortir nos premiers albums cet automne. On ne s'est pas donc pas pressé, on a pris de temps de la réflexion.

Echanges, croisement des idées, chacun a œuvré sans interdit, dans le souci de faire vivre le projet global, puis chaque livre. Continuer à ce que notre catalogue BD soit un lieu de création et un laboratoire d'idées pour toute une génération repérée et soutenue par Gwen.
GDB – C’est bien sûr très subjectif - et bon nombre d’éditeurs peuvent apporter cette réponse- mais c’est la qualité qui prime. Nos choix sont aussi le reflet de nos goûts ... Évidemment, nous sommes plus en phase avec la jeune génération d’auteurs, celle que nous avons soutenue dans Capsule. Mais ce serait restrictif et absurde de penser que nous aimons uniquement ce qui est nouveau ! Globalement, nous voulons publier des auteurs à fortes personnalités. Concilier l’artistique et le populaire, en bande dessinée, c’est possible et souhaitable.

CG à FL - Comment voulez-vous vous démarquer de ce qui se fait en bande dessinée pour la jeunesse ? Quelles sont vos exigences ? Parce que vous êtes quelqu'un d'exigeant. On le voit bien dans la qualité et la variété de votre catalogue .d'albums illustrés et de romans pour ados.
FL - Merci ! Oui nous sommes, Gwen et nous très exigeants. De toute façon, pour exister face à des "géants de l'édition" il n'y a pas d'autre passage que celui-là. Ca tombe bien, c'est ce qu'on a envie de faire, des livres de qualité. Mais attention, exigence, ça ne veut pas dire élitisme. Nous, on veut porter vers le plus grand nombre des ouvrages de qualité, qui ont du sens, mais dans lesquels le lecteur trouve sa place, ne se sent pas exclu.

CG à FL - Pensez-vous que votre expérience en matière d'édition d'albums illustrés puisse vous servir dans ce domaine de la bande dessinée ?
FL - La bande dessinée comme l’album illustré sont deux secteurs extrêmement créatifs.

Il y a eu une évolution des deux secteurs depuis 15 ans : technique, artistique et commerciale (nouveaux éditeurs, explosion des marchés, etc…).

Pourtant, il semble qu’il y ait un parent pauvre : la BD dite jeunesse.  

Si on prend l’album illustré et la BD jeunesse, on s’aperçoit qu’il existe un décalage entre les deux. Alors que l’un se développe intellectuellement et graphiquement et est suivi par les prescripteurs et le lectorat, l’autre n’évolue que timidement malgré quelques tentatives.

J'imagine que l'expérience et la compétence de Gwen en tant qu'auteur et créateur de Capsule Cosmique et ma propre expérience d'éditeur jeunesse se complètent et peuvent permettre une approche différente sur ce secteur.

Et puis, on n’est pas les seuls à ouvrir des axes de réflexions nouveaux, et plus on sera, mieux le secteur se portera.

CG à GDB - Avec Capsule cosmique, vous aviez réussi à former une véritable famille d'auteurs. Est-ce que cette "famille" va vous suivre chez Sarbacane ?
GDB - Cette famille se construisait au fur et à mesure. Il n’y a pas eu les 10 mêmes dessinateurs dans chaque numéro du début à la fin ! Plein de nouveaux auteurs trouvaient leur place dans le magazine. C’est vivant ! Alors oui, certains nous suivent, d’autres sont partis sur d’autres projets suite à l’arrêt de Capsule, d’autres encore nous rejoignent sans avoir jamais publié dans Capsule.

CG à GDB - Vous êtes aussi un auteur de BD, scénariste et dessinateur. Est-ce que votre expérience d'éditeur nourrit votre propre travail ?
GDB - Oui. Je pense que mon activité d’éditeur m’apporte plus de recul sur mon propre travail. C’est une richesse mais il y a un risque que j’en prenne trop ... de recul. Il faut garder un équilibre ... Parce que mon activité d’auteur apporte aussi quelque chose à mon travail d’éditeur. Je me sens métisse ... Je comprends et vis deux faces d’un même métier. J’essaye de les rendre pour moi même, et pour les autres, les plus complémentaires possibles. La créativité étant leur socle commun.

CG - Etes-vous, vous mêmes, des lecteurs de bandes dessinées ? Et quels sont vos auteurs et vos univers préférés ?
FL - J'ai été un grand lecteur et collectionneur de BD enfant il y a maintenant ... très longtemps. Rien de très original, je suis un fan absolu d'Hergé, de Jean Giraud, mais je suis surtout un pur produit de la presse BD, avec Tintin et Pilote (enfant), puis de Métal Hurlant et À Suivre (ado). Publier de la BD, c'est un peu pour moi boucler la boucle et revenir à mes premières amours.

La rencontre avec Gwen et son parcours en presse de ce point de vue là ont été déterminants pour moi.

Les revues spécialisées ont presque toutes aujourd'hui disparu, alors que ce sont des laboratoires nécessaires à l'éclosion de nouveaux talents et de nouveaux lecteurs. Revues dans lesquelles ils font leurs armes pour ensuite, dans un second temps, venir se frotter à l'album. Malheureusement avec la fin de Capsule, il n'existe plus de support permettant cela. Nous allons tacher d'ouvrir à la nouvelle génération notre catalogue, que ce soit pour eux un lieu de création et d'accompagnement.

GDB - Oui, je suis lecteur de bande dessinée. J’ai adoré l’école franco belge quand j’étais petit, Tintin, Spirou (j’adorais Johan et Pirlouit)... Les illustrés qu’on trouvait en presse (“Pépito” est mon premier souvenir de lecture). Puis j’ai découvert les auteurs de Pilote, de À suivre, les Humanoïdes associés, Futuropolis, Rackham, L’Association ... Mes auteurs préférés sont Peyo, Bottaro, Hergé, Goscinny, Fred, Herrman, Breccia, Munoz, Watterson, Tardi, Forest, David B, Pratt, Crumb, Burns .... J’en oublie évidemment plein !

CG - Que pensez-vous tous les deux de l'offre de bande dessinée aujourd'hui en France ?
FL - En France, grâce sans doute au prix unique du livre et au maillage exceptionnel des librairies, on a la chance, comme pour l'album jeunesse, d'avoir une offre je crois unique au monde. Elle est variée, créative, importante... Ceci dit, même si je ne suis pas un spécialiste, il m'apparaît que le gros de la production BD reste quand même assez standardisé et peut s'apparenter à ce que l'on observe au cinéma avec les blockbusters.

Attention donc à préserver une offre créative.
GDB - Il y a plus de choix qu’avant. Ca veut dire beaucoup de choses...

Il y a plus de  bonnes bd : quand je sors d’une librairie aujourd’hui, il y a quand même plus de chances que je sois ruiné qu’avant. Mais je ne parle pas uniquement de la production française. Je parle des bd auxquelles on a accès en France. J’inclue les bd américaines, japonaises, coréennes, etc.

Il y a plus de mauvaises bd : certains albums sont quasi interchangeables et n’apportent pas grand chose. C’est dommage parce qu’ils peuvent occulter le reste de la production ou créer des guerres de tranchées entre la bande dessinée dite “indépendante” et la bd dite “grand public”. Alors que de grands succès sont nés de véritables démarches d’auteurs, je ne vois rien d’incompatible là dedans. Reste le critère de qualité. À chacun de l’évaluer et prendre ses responsabilités.

CG - Comment allez-vous faire vivre ce secteur Bandes dessinées au sein de votre catalogue ? L'étoffer de manière significative ? Ou bien ne publier que quelques titres par an ?
FL - Comme je vous le disais plus haut, une dizaine de titres par an. De toute façon il nous est impossible d'en faire plus si on veut accompagner les auteurs dans leur travail, et ensuite le livre, commercialement, sur "le terrain" (librairies, salons, promo...).
GDB - On souhaite publier peu de livres - une dizaine - et les accompagner vraiment. Chaque livre sorti est important pour nous et revêt un véritable enjeu.

 
CG - Quels sont les projets qui vous enthousiasment le plus tous les deux dans ce domaine ?
FL - Comment choisir entre ses enfants ? Impossible, on les aime chacun, mais pour de différentes raisons.

J'aime la créativité et l'univers burlesque et poétique d'Anouk Ricard (Anna & Froga), l'humour d'Hugo Piette (Poncho et Semelle), la justesse de ton et de regard de Karine Bernadou (La femme toute nue)...

Il y a par exemple un livre atypique qui sort en mars, réalisé par Franz Duchazeau, Météor Slim (160 pages), qui nous porte particulièrement en ce moment. C'est l'histoire d'un vrai/faux bluesman des années 30 qui va rencontrer la plupart des grands bluesmen, bien réels eux, de cette époque là.

On va sortir à l'automne 2008 une version collector de ce titre avec un disque vinyl, que nous produisons, disque dans lequel Métor Slim est censé jouer ses propres compositions inédites... Donc un projet très riche, amusant à modéliser intellectuellement, etc.
GDB -  Hum... Vous préférez votre père ou votre mère?