Le jour où je suis mort, et les suivants

Lenny, Saphir, Biscotte et Esteban. Quatre ados détruits par le viol, indicible, inavouable, inimaginable. Et pourtant. Dans ce roman coup de poing, Sandrine Beau déroule le fil de ces enfances ravagées par la folie d’un homme pervers, habile au point d’être insoupçonnable, si insoupçonnable que sa victime peut même lui être livrée par des parents complètement abusés.

Construit autour du témoignage d’Esteban, inspiré par Sébastien Boueilh, le fondateur de l’association Colosse aux pieds d’argile qui aide les enfants à se libérer de ces abus, le roman décortique sans fausse pudeur les scénarios variés mis en place par les prédateurs pour piéger les enfants, ici des garçons, et leurs parents. Même si, depuis quelques années, la parole se libère, la lecture de ce roman est absolument douloureuse et déchirante. Sandrine Beau a choisi d’alterner les modes narratifs : une approche sensible qui facilite l’empathie comme le recours au discours intérieur, mais aussi la distanciation de la narration externe. Chaque récit progresse peu à peu, et si l’autrice déroule implacablement les étapes du martyre, elle en alterne les épisodes et allège ainsi quelque peu l’émotion, l’effroi. Car le lecteur souffre avec l’enfant, se révolte avec lui, se désespère de savoir quand, comment tout cela va-t-il enfin s’achever, et il faut aussi du courage pour aller jusqu’au bout des récits.

Pour son jeune lectorat, Sandrine Beau choisit d’être positive, grâce à l’action de Sébastien Boueilh : les trois garçons de son roman rencontreront Esteban avant de commencer leur vie d’adulte. Mais le simple fait que l’autrice choisisse de les scolariser dans le même lycée nous rappelle à quel point ce crime est répandu et méconnu. Faire connaître cet ouvrage, et avec lui le travail des quelques associations qui viennent en aide aux enfants, permettra de rappeler que l’enfance, et l’adolescence, doivent être accompagnées, qu’un enfant qui change peut non seulement être en proie aux affres de l’adolescence, mais aussi être victime d’une agression bien plus grave, destructrice, comme le montrent chaque jour les différentes affaires qui se révèlent au grand jour. Indispensable.