La passoire

Etrange et poétique, tels sont les qualificatifs qui s’imposent à la lecture de cet album de Clarisse Lochmann. Etrange, parce que le récit à la première personne dessine le paysage d’un rêve. L’effort que fait la jeune narratrice pour capter le sentiment fugace des lignes et des personnages de son rêve la conduit à se démultiplier. Elle trace dans les masses colorées des espaces, configure des montagnes, des village et des immeubles, elle se déplace d’un coin à l’autre pour tenir ensemble les éléments qui lui échappent et on assiste à la création d’un monde.

Dans cette agitation exubérante surgissent, de façon saugrenue, des personnages, une baleine bondissant hors du lac ou, par espièglerie, la maîtresse en maillot de bain. Après un envol vers le cosmos pour accrocher la Lune et les étoiles dans le bleu sombre et transparent du ciel, l'enfant redescend sur Terre dans une atmosphère de fête, celle des lumières accrochées qui tanguent jusqu’au glissement et l’effacement. Le rêve s’achève. Et la passoire, que vient-elle faire ici ? La dernière image donne la clé…

Le lecteur voyage avec délice dans cet album. L’association de la transparence des couleurs, de la superposition approximative des traits et des couleurs, des aplats et de la fluidité créent une hésitation à propos de ce qui est vu et interprété, et nous engage à jouer, rêver, imaginer, encore et encore…