Binti la bavarde

La petite Binti, qualifiée de « bavarde », et tout aussi curieuse, entraîne dans son questionnement le lecteur qui parcourt avec elle l’île de Mayotte et perçoit grâce à elle quelques aspects de la vie locale. Cette petite héroïne, vive et familière, est bien attachante. Sa quête – quel métier faire plus tard ? – est proche des interrogations que tous les enfants se posent et très naturellement, elle cherche des réponses auprès de ses proches. Faire le métier de son père, de sa mère, soit ceux que l’on connaît parce qu’ils sont couramment pratiqués, est une démarche habituelle. C’est pourquoi elle nous emmène à la pêche avec son père, à la boulangerie avec sa mère, à l’artisanat avec sa grand-mère, dans le commerce avec ses tantes et cousines. Sur le modèle efficace du conte-randonnée, le récit de Véronique Massenot est vivement emmené grâce à l’espièglerie de Binti, qui n’arrête pas de bouger et devient donc indésirable dans chacune des situations qu’elle découvre.

Dans cet itinéraire joyeux, l’illustration est un appui sérieux au projet de l’album. Puisqu’il s’agit de faire connaître les particularités de ces îles lointaines, Sébastien Chébret apporte au lecteur les indications visuelles qui complètent heureusement le texte. La végétation est luxuriante de palmiers, de baobabs, et fourmille de makis, protégés par la mer et les montagnes. Chaque milieu présenté est traité par des images dynamiques : le premier jour des vacances, les enfants jouent avec des roues, ils passent devant des murs décorés ; à la pêche nous pouvons voir les pirogues à balancier, les filets des femmes ; l’agitation de Binti sur le bateau permet de voir le fond marin ; abritées par un arbre, sur la place, les femmes brodent, et au loin, discrète mais présente, on voit une mosquée. L’illustrateur déploie le propos du texte et la vue du magasin de tissus en donne un superbe exemple. Très organisé et foisonnant, ce magasin ne peut pas accepter la maladresse de Binti. La conclusion de l’histoire, optimiste, nous rassure sur le sort de Binti ; elle va trouver sa place dans la société, en dehors de ce qui est programmé traditionnellement. Un petit dossier final d’une double page pose le contexte de l’élaboration de l’album.

Au bon sens du terme, il s’agit d’un album didactique, bien construit quant au récit et à l’illustration. Sans doute, il ignore la complexité de la situation mahoraise et ses difficultés importantes, mais des personnages attachants, des situations vraisemblables et proches montrent aussi bien l’universalité de certaines questions, – comment trouver sa place dans la société ? –, que des particularités sociales, géographiques, et culturelles, mises en lumière avec empathie.