Tous mes cailloux

Derrière une austère couverture grise, entre cahier de note et carnet de croquis, se dissimule une rêverie sur les cailloux, censément inertes. Objets de description, cernés par le langage de Françoise Lison-Leroy et par le dessin de Raphaël Decoster, ils prennent forme sous les yeux du lecteur.

L’autrice catégorise ses cailloux. Elle énumère : « ceux de la rivière », les « cailloux casse-cou » ou les « cailloux musiciens ». En les nommant, elle les met sous la lumière des mots qui sonnent, vibrent et font image : « cailloux polissons » riment avec « partitions » et « cailloux costauds » sont associés à « oursins jumeaux ». Au gré de sa rêverie, la poétesse guide le lecteur vers un questionnement personnel : « A toi de faire ricocher / Tant de cailloux singuliers ». On y retrouve le goût de la nature et celui du partage, déjà présents dans ses autres ouvrages.

Singulière, la représentation plastique de Raphaël Decoster l’est. Il sculpte littéralement le minéral, les volumes massifs des cailloux, par de fines lignes de stylo bille roses, bleues, et violettes. Dans un rapport d’autonomie avec l’écriture poétique, il offre un équivalent dynamique en courbes, rondeurs, et hachures, du plus dense au presque léger, par la superposition de calques et cela évoque des coquillages autant que des cailloux, mais aussi de douces pierres polies par le geste autant que par la houle. Images tendres ou rudes, elles tissent avec les mots des réseaux de significations, d’émotions où les adultes comme les enfants peuvent s’échapper. Un livre poème original, un livre d’artistes.