Ensemble

Écrit par l’artiste anglais Luke Adam Hawker pendant le confinement, Ensemble raconte l’histoire d’une tempête qui subitement chamboule le quotidien d’un vieux monsieur et ce moment où tout bascule ; quand « les choses les plus normales semblent presque étranges, et les choses les plus étranges semblent presque normales ». Dans ce roman graphique – qui au passage ne s’adresse pas spécifiquement aux enfants – Luke Adam Hawker évoque ainsi sa traversée de l’épidémie (le mot n’est cependant jamais cité) qu’il compare à l’arrivée d’une tornade, et s’interroge : que se passe-t-il quand le moteur de la vie s’arrête ?

Sous un ciel plombé, le vieux monsieur erre seul avec son chien dans une ville désertée, sur le quai d’une station de métro fantôme, là où hier encore, une foule compacte ondulait comme un vaste fleuve à la dérive. Désormais, chacun est retranché dans son chez soi, face à ses peurs et ses questionnements, et est tenu de réinventer sa vie et sa relation aux autres. On imagine donc Luke Adam Hawker, carnet de croquis en main, observer jour après jour derrière les vitres de son logement londonien, les effets bénéfiques de cet isolement forcé, quand l’imprévu redonne du pouvoir à l’imagination.

Accompagnées d’un texte simple, presque minimaliste de Marianne Laidlaw, les illustrations en noir et blanc à l'encre forment un travail artistique impressionnant où l’on retrouve le goût de Luke Adam Hawker pour les décors urbains ciselés. Depuis sa fenêtre, l'artiste promène sur la ville un regard à la fois touchant, poétique, drôle même parfois avec ce caddie et son plein de courses vertigineux qui éveillera sûrement quelques souvenirs. A la fin de l’ouvrage, les gratte-ciels ont laissé place à une forêt de troncs immenses, un enfant court vers son grand-père, la foule anonyme des débuts s’est disloquée en petits groupes bavardant joyeusement. Le message est limpide : grain de sable dans les rouages, la pandémie nous a offert une occasion unique de renouer avec l’essentiel, le fameux « monde d’après ».  Certes, la conclusion bienheureuse d’un humanisme retrouvé et partagé ne convainc pas franchement le lecteur mais à tout le moins, le livre agira comme une piqûre de rappel chaque fois que le « monde d’avant » menace à nouveau de nous rattraper.