Mémoires de la forêt (T. 1). Les souvenirs de Ferdinand Taupe

Comme le dit joliment Mickaël Brun-Arnaud en préambule de ce roman, « Au cœur de la forêt du village de Bellécorce et dans les collines alentour vivent des animaux doués de raison, de parole et d’humour, qui portent des vêtements cousus de leurs propres pattes et concoctent des pâtisseries à vous en retrousser les babines. »

Maître Archibald Renard est le libraire de Bellécorce. Chaque animal de la forêt qui le souhaite peut déposer dans sa librairie le livre qu’il a écrit, dans l’espoir qu’il soit acheté. Un jour, Archibald reçoit la visite de son ami Ferdinand Taupe, qui cherche désespérément à retrouver l’ouvrage qu’il a rédigé pour compiler ses mémoires. En effet, il est atteint de la maladie de l’Oublie-Tout, et son livre est son seul espoir de se rappeler ses souvenirs et découvrir ce qui est arrivé à son épouse Maude. Mais l’ouvrage vient d’être vendu à un mystérieux personnage. Qu’à cela ne tienne : aidés par des photographies que Ferdinand a retrouvées, les deux amis entreprennent un voyage pour retrouver sa trace à travers les différents lieux que Monsieur Taupe a visités avec sa femme bien des années plus tôt.

Ce roman magnifique décrit avec beaucoup de justesse la maladie d'Alzheimer et les émotions que peuvent ressentir les personnes qui en sont atteintes, ainsi que leurs proches. Il met aussi en lumière ce que ces derniers peuvent faire pour accompagner au mieux les malades dans leur quotidien. Cette approche très réaliste n’est pas due au hasard : l’auteur, avant de devenir libraire, a travaillé longtemps avec des patients atteints de troubles de la mémoire. Pour son premier roman, il voulait présenter un sujet difficile, mais avec un cadre bienveillant. Et la bienveillance est effectivement présente tout au long du récit, à travers des personnages attachants qui vont tout faire pour aider Ferdinand à retrouver ses souvenirs, à commencer par Archibald, qui sera pour lui un soutien sans faille, malgré quelques moments d’incompréhension face à la maladie de son ami.

Le style de ce roman est riche, les phrases sont bien tournées, avec une multitude d’expressions imagées en lien avec le monde de la forêt ainsi que des petites touches d’humour qui viennent alléger le propos parfois difficile, comme le nom de certains personnages ou encore certains titres de livres, qui sont comme des clins d’œil à des références littéraires bien connues : La carapace est pleine! Réflexions sur la charge mentale d’une tortue courageuse de Phinéas Tortue, le Dictionnaire amoureux de l’hibernation de Francis Ours ou encore les fameuses Mémoires d’Outre-Terre de Ferdinand Taupe. Le roman est également construit de façon à ménager un certain suspense, avec plusieurs chapitres consacrés à d’autres personnages, qui ont leur importance pour l’histoire et permettent de collecter divers éléments pour remettre en place les pièces du puzzle que constitue la vie de Ferdinand.

Les illustrations de Sanoe accompagnent à merveille le lecteur tout au long du roman, avec de superbes représentations de la forêt et des animaux qui la peuplent, ainsi que des ambiances chaleureuses des différents intérieurs. L’atmosphère est celle de la fin de l’été, avec parfois des planches d’un vert luxuriant, et parfois une nature qui prend les teintes chaudes de l’automne. L’illustratrice a également su rendre avec justesse différents passages plus dramatiques de l’histoire, traduisant parfaitement un certain sentiment d’angoisse que le lecteur peut ressentir à certains moments de l’intrigue. Ce dernier aura d’ailleurs du plaisir à feuilleter le carnet de croquis de Sanoe qui a été ajouté à la fin du roman et qui permet de voir les recherches effectuées ainsi que les différentes étapes de la réalisation des illustrations.

Un grand coup de cœur pour ce roman qui parle d’un sujet difficile avec beaucoup de sensibilité et de bienveillance. Il comporte une dimension intergénérationnelle qui en fait une lecture parfaite aussi bien pour les enfants dès 10 ans que pour les adultes.