Excursion guidée: comprendre la littérature de jeunesse
Un compte-rendu de l’ouvrage Comprendre la littérature de jeunesse: le livre du MOOC de l’Université de Liège, de Valérie Centi, Vincianne D’Anna, Daniel Delbrassine, Björn-Olav Dozo, Paris: L'École des loisirs (Pastel – l’École des lettres), 2022.
Un compte-rendu de l’ouvrage Comprendre la littérature de jeunesse: le livre du MOOC de l’Université de Liège, de Valérie Centi, Vincianne D’Anna, Daniel Delbrassine, Björn-Olav Dozo, Paris: L'École des loisirs (Pastel – l’École des lettres), 2022.
C’était il y a cinq ans déjà… Une naissance, celle de Il était une fois la littérature de jeunesse, titre d’un MOOC (Massive Online Open Course), une formation en ligne ouverte à tous, dispensée par quatre enseignants de l’Université de Liège et de la Haute école Charlemagne en Belgique.
Fort du succès rencontré, ce MOOC est devenu un livre intitulé Comprendre la littérature de jeunesse, un véritable ouvrage de référence sur le sujet, abordant la littérature de jeunesse sous toutes ses facettes. Celui-ci est abondamment illustré, bénéficie d’une maquette offrant une belle lisibilité et suit la progression proposée au sein du MOOC.
La préface est signée par Michel Defourny, lequel participe à la défense et à l’illustration de la littérature de jeunesse. «Derrière les termes de "littérature de jeunesse" se cache un continent aux frontières incertaines, un lieu d’hybridation ou de métissage, difficile à cerner.» L’expert y évoque des moments-clés et cite moult créateurs·rice·s. Il fait un constat: «Alors qu’elle était étudiée de longue date aux États-Unis, en Angleterre, en Allemagne, en Suède, la littérature pour la jeunesse a été ignorée par le monde universitaire francophone». La version papier du MOOC liégeois vient combler un vrai manque et permettra de «se frayer des chemins pour parcourir les espaces de ce vaste continent».
Cet ouvrage de 224 pages est divisé en six parties, chacune se terminant par un quiz:
- Le parcours du livre
- L’album
- Le roman pour adolescent
- Des auteurs et des éditeurs
- Le numérique et le livre de jeunesse
- Les fictions hors du livre
Dans le premier chapitre sont abordées les questions de définition de la littérature de jeunesse, la loi française du 16 juillet 1949 permettant de disposer d’un critère légal pour tracer les contours de la littérature de jeunesse, le contexte particulier avec la dévalorisation de cette littérature, de ses auteurs et la course à la légitimité, la réception, la censure et l’autocensure avec la responsabilité des prescripteurs, de chaque acteur de la chaîne du livre et un cas célèbre de censure: la traduction française de Fifi Brindacier.
Le deuxième chapitre aidera le lecteur à comprendre comment fonctionne un album, et le rapport texte-image. Il abordera ensuite l’album selon différentes perspectives: cinéma, peinture, théâtre, art, design… et offrira aussi quelques pistes pour l’analyse. Il s’arrêtera ensuite sur les albums pour les tout-petits et les albums pour les adolescents.
Le roman pour adolescents est abordé dans le troisième chapitre qui poursuit l’objectif d’observer les influences internationales et comprendre l’évolution récente, avec la découverte de quelques précurseurs jusqu’aux années 1995-1998, moment charnière. Le lecteur aura aussi l’occasion de découvrir la structure d’un roman d’initiation, avant de plonger dans une réflexion sur la différence entre romans pour la jeunesse et romans pour adultes.
Le quatrième chapitre intitulé «Des auteurs et des éditeurs» est d’abord consacré aux observations sur le milieu éditorial et aux définitions de la littérature de jeunesse. La parole est donnée à quelques acteurs du secteur: Chantal Cession, Nathalie Brisac, Jean-Philippe Arrou-Vignod, Laurence Faron, Christelle Dabos. Auteurs, éditeurs, libraire, comment perçoivent-ils cette littérature dont ils sont les acteurs principaux? Quels rôles jouent-ils? Qu’est-ce que la littérature de jeunesse pour eux?
Suit ensuite un focus sur trois maisons d’édition: L'École des loisirs, Talents Hauts et Gallimard Jeunesse, par le biais d’un dialogue avec les acteurs de celles-ci.
Ce quatrième chapitre se termine par un parcours d’auteurs où la parole est donnée à des auteurs et autrices particulièrement appréciés par les responsables du MOOC, à savoir: Jean-Philippe Arrou-Vignod, Christelle Dabos, Marie-Aude Murail, Clémentine Beauvais et Grégoire Solotareff.
Le numérique et la littérature de jeunesse fait l’objet du cinquième chapitre. Blogosphère et réseaux sociaux littéraires des lecteurs; YouTube et les booktubeurs; blogueurs et chroniqueurs; instagrameurs et le hastag Bookstagram; Tiktokeurs et le hashtag Booktok; Twitch sont passés en revue. Puis c’est au tour des éditeurs et de leur présence sur Internet; des éditeurs des sites / blogs de marque, avant un petit tour du côté des communautés d’auteurs et de lecteurs sur Internet (plateforme Wattpad; fanfictions).
Objet culturel protéiforme, le livre numérique est peu exploré par la recherche scientifique. Il a quand même fait l’objet d’une thèse de doctorat en 2017 à l’université de Barcelone qui partait d’un constat frappant: si la technologie est arrivée dans les foyers, elle est totalement absente des établissements scolaires. La littérature numérique n’a pas bénéficié d’un soutien suffisant pour lui permettre une médiation entre culture et fiction.
Certains redoutent encore l’usage des écrans. Le confinement et les longs mois d’école à la maison ont mis en lumière les aspects culturels du numérique, seul moyen de développer et de transmettre des activités d’apprentissage.
Ce chapitre trace un panorama des différents types de livres numériques, ayant existé ou continuant à exister. Ebooks ou livres numériques homothétiques, livres numériques interactifs, livres augmentés et applis dérivées du livre papier sont passés en revue. Suit le livre-audio, ses spécificités et ses productions.
Le chapitre se termine par l’accessibilité offerte par le numérique pour susciter le goût de la lecture auprès des publics empêchés (dyslexiques, malvoyants, autistes, etc.).
On notera que pour le lancement du MOOC, version 2022, ce module a été entièrement repensé par rapport aux précédentes éditions. En 5 ans, bon nombre de choses ont évolué dans ce domaine et le confinement a vivement accéléré le phénomène.
Des objets prometteurs autour des années 2015 sont rapidement devenus obsolètes et ont retrouvé une seconde jeunesse grâce à leur capacité d'adaptation pour les publics empêchés et à certains sites spécialisés qui font de la médiation numérique à destination des parents et enseignants. Le MOOC version 2022 offre aussi un petit panorama de ce qui a existé ou qui continue d'exister en termes de création numérique pour la jeunesse. Il n’hésite pas pour celles et ceux qui souhaitent en découvrir encore plus (notamment sur les communautés d'auteurs, les pages des éditeurs, etc.) à renvoyer à la lecture du chapitre correspondant dans l'ouvrage issu du MOOC Comprendre la littérature de jeunesse.
Le chapitre six aborde les fictions hors du livre. Les cinq premiers chapitres se sont focalisés sur la sphère de production restreinte. Dans celui-ci, la place est accordée à la sphère de large production. Comment l’approcher autrement que par l’économique?
Les histoires débordent des livres, sont adaptées en films, en dessins animés, en jeux vidéo ou, au contraire, aboutissent à un livre après être nées sur un autre support. L’époque est au transmédia, à la narration sur plusieurs médias. Comment les fictions transmédiatiques racontent-elles des histoires? Comment les éléments narratifs s’agencent-ils?
Fanny Barnabé développe le concept d’«univers fictionnel». Cette notion, contrairement à celle du récit, permet de prendre en compte dans l’analyse toutes les facettes de la narration, et non plus seulement celles qui construisent une histoire linéaire.
C’est aussi Fanny Barnabé qui évoquera le phénomène des fanfictions. Qu’est-ce qu’une fanfiction? Les origines de celles-ci? Avec un focus sur les moments-clés. Ce phénomène s’inscrit dans diverses problématiques actuelles et construit une culture participative, de braconnage culturel. Il fait naître un nouveau rapport à la narration.
Quant aux produits dérivés, jouet et figurines de jeux, ils sont passés en revue par Dick Tomasovic abordant l’univers Marvel. Il retrace l’histoire de ceux-ci depuis leur apparition à la fin des années 70. Le monde de l’enfant est saturé d’univers fictionnels. Naît alors une culture enfantine de masse. Avec le développement des bandes dessinées et des films d’animation, le merchandising prend une ampleur aux États-Unis au début du XXe siècle. Dès 1929, Disney créera une société pour gérer les licences. La firme se décline sur tous supports et médias et a ses propres réseaux de commerce. De nouvelles synergies se développent aussi autour de Star Wars. En décembre 2012, la société de George Lukas est acquise par la société Disney.
La nouvelle session du MOOC comprend un teaser annonçant une introduction à la culture vidéoludique, avec six modules thématiques.
Une nouvelle session en cours:
Après quatre sessions, cette formation en ligne sur la littérature de jeunesse est à nouveau en cours dans sa version 2022. Sept modules sont proposés. Le MOOC comprend un nouveau module sur le conte et une nouvelle version du module sur le numérique afin de découvrir toutes les facettes de cette littérature si riche et passionnante.
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*Isabelle Decuyper est attachée principale du Service général des Lettres et du Livre – Littérature de jeunesse, qui relève de l'Administration générale de la Culture du Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles.