L'eau, source de vie: plongée dans le grand bain de la littérature jeunesse en suivant les flots de quelques suggestions de lecture
À l'occasion de la Journée mondiale de l'eau, célébrée chaque année le 22 mars, Ricochet a pris soin de sélectionner différents types d'ouvrages qui ont trait à l'eau, son cycle et ses occupants sous-marins, mais surtout qui naviguent entre peines et joies, peurs et espoirs, et qui poussent in fine lecteurs et lectrices à se mouiller pour sa cause.
À l'occasion de la Journée mondiale de l'eau, célébrée chaque année le 22 mars, Ricochet a pris soin de sélectionner différents types d'ouvrages qui ont trait à l'eau, son cycle et ses occupants sous-marins, mais surtout qui naviguent entre peines et joies, peurs et espoirs, et qui poussent in fine lecteurs et lectrices à se mouiller pour sa cause.
À l'eau-be de la vie
1. Au bain!: mon imagier des animaux, d'Olivia Sage, La Martinière Jeunesse, 2018
Imagier, dès 1 an
L’heure du bain, ce n’est pas que pour les enfants! Dans cet album, place aux animaux! Comme les autres titres de la collection, ce livre tout en carton et de petite dimension permet d’être facilement manipulé par les plus petites mains. Les yeux peuvent alors se concentrer sur ce que les doubles pages offrent à voir: de sublimes photographies d’animaux, en train de barboter, de nager ou de se laver. Grâce aux textes, on apprend aussi que les macaques aiment se prélasser ou que l’éléphant se fabrique sa proche douche. Les loutres nagent davantage le dos crawlé et les grenouilles profitent de la baignade pour pondre leurs œufs. Certaines photographies sont prises sur le vif et la photographie gagne en action: c’est par exemple le cas du grizzly, saisi en plein bond pour attraper son repas.
D’une page à l’autre, les climats se suivent et ne se ressemblent pas: en effet, l’album fait aussi découvrir le monde en passant du glacial hiver du renard polaire aux hippopotames qui sont contraints de se protéger du soleil. Le suspense est également présent avec les bébés tortues qui doivent rejoindre la mer ou bien encore avec les yeux du caïman qui guettent leur proie. De grande qualité, les images sont chaque fois source d’émerveillement: de quoi ravir petits et grands! (DM)
2. Le monde autour de moi (T. 3). L'eau, de Cécile Roumiguière et Marion Duval, Seuil Jeunesse, 2021
Album, dès 1 an
Avec son petit format carré, ses bords arrondis et ses pages solides en carton, l’album L’eau est indéniablement destiné aux très jeunes enfants. Il s’inscrit dans la série «Le monde autour de moi» (les autres titres sont Le ciel, Le feu et La terre) qui invite les tout-petits à observer et explorer le vaste univers qui s’offre à eux.
Grâce à la variété des situations et à la riche palette de couleurs utilisée, le texte et les images rendent sensible le caractère éminemment pluriel de l’eau et passent en revue ses différents états: l’eau peut être chaude ou froide, calme ou très agitée et se parer d’une multitude de teintes.
Derrière sa simplicité apparente, ce livre est construit avec beaucoup de soin et de réflexion, notamment à travers des jeux d’opposition et de parallélisme. Ainsi, sur chaque double-page, l’image de gauche se concentre sur l’enfant alors que celle de droite représente le plus souvent un paysage, offrant, par effet de «dézoom», une ouverture sur le monde, ses beautés et ses mystères. Grâce à différents types de cadrage et prises de vue (portrait en pied, très gros plan, plongée…), l’illustratrice dépeint, à tour de rôle, le proche et le lointain, l’intérieur et l’extérieur ou encore l’«avant» et l’«après».
Placées au bas de la page, les phrases de Cécile Roumiguière entrent en relation avec les illustrations, souvent par effet de chiasme (le texte sous la première image correspond à la deuxième situation et inversement), ce qui permet de faire dialoguer les deux pages, au-delà de la pliure centrale, et de bâtir un pont entre l’enfant et son environnement qu’elle découvre peu à peu.
Se confronter à l’inconnu est synonyme de joies et d’émerveillement, mais aussi de peine et de chagrin. L’héroïne en fait l’expérience, à la toute fin de l’album. Mais, heureusement, elle n’est pas laissée à elle-même: sa maman la rejoint et lui apporte du réconfort. Une bien jolie manière de clore cette histoire, tout en tendresse!
En bref, cet ouvrage exemplifie ce que l’on peut faire de très bien en matière de livre à destination des bébés ou des tout jeunes enfants. Les images sont belles, douces et colorées. Le texte bref, simple mais poétique, se prête bien à une lecture à voix haute. Pour autant le tout n’est pas simpliste: il existe une réelle recherche au niveau de la structure, de l’esthétisme et des symboles. (DT)
3. Une toute petite goutte de pluie, de Galia Tapiero et Marion Brand, Kilowatt, 2022
Album, dès 3 ans
Après Un tout petit grain de sable (2022), l'autrice Galia Tapiero et l'illustratrice Marion Brand renouvellent leur collaboration pour proposer aux lecteurs un autre voyage extraordinaire, celui d'une petite goutte de pluie. Suivant le même principe que pour le précédent ouvrage, l'autrice nous montre d'où viennent les gouttes d'eau, comment elles naissent, voyagent et se transforment pour devenir pluie, ainsi que les bienfaits que celle-ci apporte. Loin d'être purement documentaire, ce livre comporte également un aspect poétique et une réflexion sur le cycle de la vie, l'importance de toutes les choses qui nous entourent et comment elles dépendent les unes des autres.
Cet album est conçu pour être lu par de très jeunes lecteurs: son format est réduit, ainsi il peut facilement être tenu et manipulé par les plus petits. L'illustratrice Marion Brand puise son inspiration dans les techniques d'impression comme la sérigraphie ou la gravure: les couleurs utilisées, vives et colorées, sont volontairement réduites au nombre de trois (bleu foncé, bleu clair, jaune), sans compter le jeu avec le blanc de la page. Elle utilise également des aplats de couleurs pour ses motifs, dont les formes sont simples et ressemblent presque parfois à des pictogrammes, ce qui permet ainsi aux enfants d'identifier facilement les différents éléments qui composent les illustrations. Marion Brand joue aussi avec les cadrages et les points de vue, avec tantôt des visions panoramiques, tantôt des focalisations pour mettre en évidence l'élément central du récit, la ou plutôt les gouttes de pluie, qui sont progressivement agrandies au fil des pages pour finalement occuper l'ensemble de la double page.
Une belle collaboration pour ce joli petit album parfait pour une première découverte du cycle de l'eau. (CF)
4. Tout un monde sous l'eau, de Kate Messner et Christopher Silas Neal, Gründ, 2017
Album, dès 4 ans
À l’occasion d’une balade en canoë sur un étang, une mère et son fils nous font découvrir tout un univers végétal, animal, aquatique jusqu’alors insoupçonné de l’enfant. À la question de son fils «Qu’y a-t-il là-dessous?», la maman répond par une description à la fois très précise et poétique. En présentant de manière spontanée ce monde visible et invisible si foisonnant, qui évolue sur et sous l’étang, elle fait l’éloge de la Nature. Tout y est pensé, réfléchi: la mort de certaines espèces animales permet le renouvellement d’autres; le sable tapissant le fond de l’étang est le matériau privilégié par le trichoptère pour se construire un abri; l’élan se régale lui des nénuphars. Rien n’est effectivement laissé au hasard dans ce microcosme!
Cette escapade livresque, en mots et en images, dans la faune et la flore d’un étang, en même temps qu’elle apporte de nombreuses informations documentaires, fait appel à l’imaginaire de l’enfant. La question initiale de l’enfant tout à la fois empreinte de naïveté, de curiosité (et peut-être de peur) fait en effet place à des illustrations qui s’étendent le plus souvent sur des doubles-pages, afin de donner le premier rôle aux plantes et aux animaux. L’on découvre ainsi avec des yeux ébahis tout un écosystème au fonctionnement très rôdé et à l’architecture très élaborée: c’est l’occasion pour l’auteure et l’illustrateur de cet album de faire découvrir aux jeunes lecteurs des animaux au nom très évocateur comme «la carouge à épaulettes» ou le «balbuzard». La lecture de cet album très riche en images et en informations peut d’ailleurs être prolongée par quelques pages documentaires dans lesquelles l’auteure met en exergue certains animaux impliqués dans l’histoire. (HD)
5. La mer sous mes pieds, de Charlotte Guillain et Jo Empson, Belles balades, 2022
Leporello, dès 8 ans
Dans ce très bel album en accordéon, le lecteur plonge à la découverte des trésors de la faune marine et part explorer les différentes zones aquatiques des océans, divisées par les scientifiques selon leur luminosité. Des bulles de textes – comme dans les BD et à l’image de bulles d’eau – commentent et précisent les spécificités des espèces marines rencontrées.
En commençant par la zone littorale, le lecteur-plongeur débute son exploration par la rencontre d’animaux connus, comme la loutre ou les méduses, avant de croiser des poissons lanternes ou encore des calmars vampires une fois la zone crépusculaire atteinte. En cherchant toujours plus de profondeur, la zone de minuit propose au jeune lecteur-explorateur de se confronter à des poissons moins rassurants, voire même carrément terrifiants, à l’instar de la baudroie ou du grandgousier-pélican. N’en déplaise à l’inquiétude du lecteur, la zone des fosses marines est habitée de créatures particulièrement spéciales et mystérieuses, souvent dépourvues d’une ossature solide. Ayant fait preuve de courage et touché le fond, le lecteur-plongeur est prêt à entamer sa remontée: chaque zone est à nouveau traversée et de nouvelles espèces sont à découvrir, jusqu’à la surface. Cet aller-retour immersif s’accompagne çà et là d’appareillages technologiques, des sous-marins en passant par les oléoducs et les robots abyssaux. Ce faisant, la présence – scientifique, certes – de l’homme infuse en arrière-plan l’aventure marine du lecteur-plongeur.
Le texte concis, mais précis, de Charlotte Guillain attise la curiosité du lecteur et les très belles illustrations, détaillées et colorées, de Jo Empson agrémentent parfaitement la lecture. Le format en accordéon permet de vivre une aventure sous-marine extraordinaire, puisque les pages se déploient jusqu’à illustrer, par la longueur des pages assemblées, la profondeur du voyage sous-marin.
Dans la lignée d’un ensemble de livres en accordéon qui s’attachent à nous faire découvrir les mystères cachés dans le monde qui nous entoure, ce leporello documentaire s’achève sur une note primordiale: préservons nos océans! (MR)
6. Fleuves, d'Aurélia Coulaty et Matteo Berton, Amaterra, 2016
Documentaire, dès 9 ans
Un magnifique documentaire, original et de grande qualité, sur un thème peu exploité en littérature jeunesse: les fleuves à travers le monde. Mékong, Nil, Gange, Amazone, Yukon, Mississippi, Saint-Laurent, Yangtse, Danube, Niger, Rhin, Volga, Colorado, Loire, Euphrate, Murray. Seize fleuves mythiques se racontent à la première personne et s’adressent au lecteur: «Aventurier, si tu savais comme mes rives ont changé depuis que j’ai rencontré les hommes et leur goût du commerce!»
Entre forêt, désert, ville et montagne, on découvre à travers l’histoire de ces fleuves celle des hommes qui les ont parcourus, traversés, redoutés et aimés. On découvre leurs croyances, leurs traditions, leurs religions et leurs espoirs. On entend le cri des Indiens, le chant du blues et la complainte des esclaves. On sent l’odeur des épices, de l’essence, du tabac et des cadavres…
Soutenues par un grand format à l’italienne, les illustrations panoramiques au graphisme singulier mettent en avant, pour chaque fleuve, une palette restreinte de couleurs pourtant très vives. Le tout donne un aspect un peu «carte postale» du plus bel effet. Le texte n’est pas en reste. D’une plume affutée, riche et colorée, l’auteure entraîne le lecteur dans un voyage envoûtant et parfumé à travers le monde et l’Histoire de l’humanité. En fin d’ouvrage, une carte du monde retrace les fleuves en question et un glossaire explique les termes difficiles.
Ce projet est soutenu par Jean-Paul Bravard, grand géographe français, spécialiste des fleuves et responsable d'un vaste programme européen d'amélioration de leur état. Il a supervisé les textes de l'auteure et écrit la préface. (NW)
7. L'eau: vitale et dangereuse, de Mathias Plüss et Regina Hügli, OSL, 2021
Documentaire, dès 9 ans
L’eau, documentaire de l’OSL (Œuvre Suisse des Lectures pour la Jeunesse) pour des élèves de cycle 2, est une combinaison de plusieurs discours. Celui poétique, porté par les belles photos de Regina Hügli pour les intertitres (Qu’est-ce que l’eau? D’où vient l'eau? L’eau devient-elle un danger pour nous?, etc.), oriente la réflexion sur des questions ainsi très bien identifiées.
Une infographie très convaincante apporte des éléments de réponse (dommage que celle-ci, au vrai rôle d’illustration, soit anonyme!). Elle permet de visualiser les consommations domestiques ou les températures d’un lac en été et en hiver. De plus, voir les petits poissons en surface à l’été et au fond en hiver, amuse et intéresse.
Enfin, troisième façon de traiter le sujet, le long texte de Mathias Plüss détaille et complète les deux premières manières d’aborder les problèmes, en particulier ceux de l’épuration, de la production d’électricité, des pénuries d’eau; des sujets complexes.
Ces trois «entrées», tout à fait représentatives des moyens actuels du documentaire écrit, offrent aux jeunes lecteurs différents accès à la connaissance. On est un peu impressionné par la densité du texte, mais il peut renvoyer à l’infographie et réciproquement. Quant à la photographie, c’est elle qui rend le plus sensible au sous-titre, l’eau «vitale et dangereuse» dans le chatoiement ondoyant de la lumière.
Un documentaire un peu austère dans sa mise en pages, mais riche d’informations et d’accès divers à la lecture, ce qui est très appréciable au regard des capacités très variables des destinataires. (DB)
Immersion en eaux profondes: au gré des peurs et des difficultés
8. Jabari plonge, de Gaia Cornwall, D'Eux, 2021
Album, dès 3 ans
Aujourd’hui, à la piscine, Jabari est bien décidé à sauter du haut du plongeoir! Mais, arrivé au bas de l’échelle, le jeune garçon se met à hésiter. Sous de faux, mais amusants, prétextes, il repousse à plusieurs reprises l’instant fatidique. «Il faut que je pense au saut spécial que je vais faire», explique-t-il aux autres enfants lorsqu’il leur cède sa place dans la file d’attente. Et à son papa, il dira: «J’ai oublié de faire mes étirements», avant de se contorsionner dans tous les sens. Le papa, autre figure importante de cet album, accueille ces tergiversations avec patience. Loin de la tourner en ridicule, il valide la peur de Jabari et lui donne les clés pour la dépasser. Selon lui, le vrai courage ne réside pas dans l’absence de peur, mais plutôt dans la faculté de voir au-delà, en direction de la curiosité et du plaisir que l’on peut éprouver à plonger vers l’inconnu.
Voilà un album bienveillant, où les émotions du protagoniste sont prises en compte avec sérieux et non pas diminuées ou sous-estimées. À travers un texte simple et des illustrations pleines de vie et variées, comme les cadrages et les prises de vue, Gaia Cornwall met en scène une famille noire dans un épisode de la vie de tous les jours. Ici, la «diversité» n’est ni pointée du doigt, ni problématisée; elle est simplement représentée. Et c’est tant mieux! Quant au «plouf» dans la piscine (qui, vous l’aurez sans doute deviné, aura finalement lieu), il symbolise bien les défis qui rythment le quotidien des enfants et les aident à grandir.
Une lecture rafraîchissante! (DT)
9. Je ne suis pas une pieuvre, d'Eoin McLaughlin et Marc Boutavant, Nathan, 2022
Album, dès 4 ans
Tel Magritte, notre héros l’affirme: il n’est pas une pieuvre. Non, non, inutile d’insister! Ce ne sont pas quelques bras supplémentaires et une couleur légèrement bleutée qui font de lui une pieuvre. Et ce n’est pas du tout car Sacha a peur de l’eau qu’il affirme ne pas être une pieuvre.
S’adressant directement au jeune lecteur, notre protagoniste Sacha a un discours qui interpelle immédiatement. Bien sûr, tout lecteur voudra savoir pourquoi ce personnage affirme ne pas être une pieuvre. Voir un héros se tromper, mentir ou faire semblant d’être dans l’erreur, est bien sûr très amusant. Les situations montrant Sacha dans la vie quotidienne ou dans ses tentatives d’immersion sont intensément drôles. Mais l’album permet aussi de s’interroger profondément sur les apparences, sur les compétences que l’on peut ne pas détenir même si elles semblent «faciles» et sur les peurs, rationnelles ou non, que chacun peut ressentir dans certaines situations. Le dénouement délivre un message rassurant et l’ensemble de l’histoire conserve tout du long le charme de l’humour et un climat serein bien que la peur soit un sujet central. Celui qui n’est pas une pieuvre réussira ainsi très certainement à convaincre celui qui n’est pas encore son lecteur… de le devenir! (DM)
10. Je parle comme une rivière, de Jordan Scott et Sydney Smith, Didier jeunesse, 2021
Album, dès 5 ans
«Ma bouche ne marche pas. Elle est pleine à craquer des mots que je ne peux pas prononcer». Caché au fond de la classe, un garçon craint de s'exprimer devant ses camarades. Sa façon de parler, (il bute sur chaque mot), ressemble à une course d'obstacles au quotidien. C'est lors d'une balade au bord d'une rivière avec son père, qui lui dit «Tu vois comme l'eau bouge, c'est comme ça que tu parles», que le héros de cet album parvient à poser un autre regard sur son handicap, de passer du statut de victime à celui d’acteur: «La rivière bégaie. Comme moi.»
Écrit par Jordan Scott, un Canadien spécialiste de la poétique du bégaiement, ce récit bouleverse par la noirceur, la pudeur et la véracité qu’il dégage. Puis, au fil des pages, le récit s'éclaire au contact de la nature, notamment de l'eau. C'est le déclic qui amène ce garçon, jusque-là en difficulté, vers quelque chose de plus doux, de plus acceptable. Comme un chemin pour arriver petit à petit vers l'acceptation d'être soi.
Extrait de la postface de l’auteur: «Le bégaiement est terriblement beau. Parfois, je voudrais parler sans m'inquiéter, parler avec grâce et finesse. Mais ce ne serait pas moi. Je parle comme une rivière». Les illustrations de Sydney Smith accompagnent avec force et douceur cette histoire de vie. On s’y plonge pour en ressortir grandi. Une pépite. (EP)
11. Là-bas, de Rebecca Young et Matt Ottley, L'École des loisirs, 2022
Album, dès 5 ans
«Dans son sac, il avait un livre, une gourde et une couverture. Dans une vieille tasse, il emportait une poignée de terre de l'endroit où il avait tant joué».
Seul sur sa barque en bois au milieu de la grande bleue, un jeune garçon scrute l'horizon à la recherche d'une terre d'accueil. Il tient dans sa main une tasse, comme un précieux talisman le rattachant à ses racines. Ses journées sont rythmées par le roulis des vagues, calmes ou énervées. Il les affronte sans sourciller. Une note d'espoir pointe son nez sous la forme d'une jeune pousse émergeant de sa tasse. Comme si la vie se rappelait à lui et l'incitait à poursuivre sa route jusqu'à trouver un paradis où il fait bon vivre.
Un album sur l'exil qui laisse une grande liberté d'interprétation car rien n'est dit mais tout est suggéré dans un texte concis aux mots soigneusement choisis. Véritables tableaux impressionnistes, les illustrations nous emportent dans un monde où ciel et terre finissent par se confondre dans un horizon tour à tour sombre et lumineux. Un récit métaphorique ouvert, petite perle dans le monde riche et sans cesse renouvelé de l'album jeunesse. (EP)
12. L'île sous la mer: histoires naturelles, de Xavier-Laurent Petit et Amandine Delaunay, L'École des loisirs, 2021
Roman, dès 9 ans
L’histoire se déroule en 1917 sur la petite île de Holland Island, au large de Washington. Marco, le protagoniste et narrateur du roman, y vit avec son grand frère Tom et leur maman. Moqué et harcelé par ses camarades d’école, le jeune homme, qui souffre d’un trouble du langage, n’a pas beaucoup d’amis, si bien qu’il passe une bonne partie de son temps en compagnie des oiseaux, dont il connaît les noms, les cris et avec qui il entretient même des conversations.
La passion de Marco lui vient de son oncle Charlie, un gardien de phare misanthrope et solitaire. Ils font ensemble «l’école des oiseaux»: à travers leurs jumelles, ils observent les aigrettes, les courlis et autres balbuzards; ils s’amusent également à imiter leurs chants tout en s’imaginant qu’ils sont, eux aussi, capables de voler. Il n’y a pas à dire, ces enseignements conviennent bien mieux à Marco que ceux de l’école normale, auxquels il assiste à contrecœur.
En parallèle de la petite histoire de Marco, surgit la grande Histoire et deux événements majeurs vont bouleverser le quotidien des insulaires. Tout d’abord, la Première Guerre mondiale. L’armée américaine mobilise les jeunes hommes de l’île, dont le frère de notre héros: ils sont envoyés en France pour combattre les Allemands. À travers les lettres de Tom, les jeunes lecteur·rice·s découvriront les conditions de vie extrêmes des soldats dans les tranchées, mais aussi la violence et la mort omniprésentes. Certaines familles de l’île perdront un fils ou un frère sur le champ de bataille.
Le deuxième fait historique avéré (mais quelque peu romancé pour ce livre) est l’érosion de Holland Island qui, avec le temps, s’enfonce toujours plus dans l’eau et est menacée de disparition. Très attachés à leur île, les habitants vont tout mettre en œuvre pour la sauver. Y parviendront-ils? Vous le découvrirez en lisant le roman.
L’atmosphère qui se dégage de ce livre, proche du huis clos, est tout à fait particulière: qui dit île, dit microsociété, dans laquelle tout le monde se connaît. Malgré quelques rivalités, il y règne un fort esprit d’entraide. La relation que Marco entretien avec la nature, et en particulier avec les oiseaux, est touchante et incite les lecteurs et lectrices à s’interroger sur leur propre rapport au monde «sauvage». L’écriture de Xavier-Laurent Petit, légère et fluide, se déguste à chaque page; elle est accompagnée de magnifiques illustrations d’Amandine Delaunay.
Comme tous les textes de la série «histoires naturelles», L’île sous la mer se situe à la croisée de la fiction et du documentaire: l’ancrage historique permet de glaner quelques informations sur la Grande Guerre et sur le destin de Holland Island. À l’issue de leur lecture, les enfants curieux ont la possibilité d’explorer plus avant la thématique de la disparition des îles, puisqu’un QR code leur permet d’accéder à un documentaire audio qui présente la situation de la Mayotte, un archipel marqué par de graves perturbations géologiques. (DT)
13. Le plongeoir, d'Elsa Devernois, Talents Hauts, 2021
Nouvelles, dès 13 ans
Les très courtes histoires se suivent sans préavis, et on passe d’un personnage à l’autre avec un effet de rebond intrigant. Il est toujours question d’eau – piscine, étang ou mer – et de notion de consentement. La première jeune fille ne supportera pas d’être forcée de sauter du plongeoir, mais le fera volontiers à son rythme. Le garçon suivant sera sans aucun doute traumatisé de l’apprentissage express de la brasse que lui inflige son cousin plus âgé. La mère de la dernière scène sourira devant la bêtise de son fils face à sa copine pas contente qu’il l’oblige à se baigner dans le froid.
Par des longueurs (en crawl) détournées, Elsa Devernois fait subtilement saisir que pouvoir n’est pas vouloir. Court et percutant, à poursuivre utilement par une discussion sur le harcèlement. (SP)
14. Il était un petit navire, de Martine Pouchain, Thierry Magnier, 2022
Roman, dès 14 ans
Quatre bacheliers fraîchement diplômés partent à l’aventure sur le yacht du père de l’un d’entre eux, à savoir le plus riche, Jeff, celui qui mène la danse du haut de son arrogance. Léo est le gentil, épris de justice et de solidarité. Charlie le déluré, que l'on surprend toujours à trop boire et fumer. Du narrateur nous ne saurons pas le prénom, mais le long récit intérieur qu’il nous livre, laisse deviner son caractère réfléchi et perspicace. La fête prend des allures d’orgie, ce qui aurait pu rester anodin si le temps ne s’était pas mis à la tempête. Mal dirigé, le yacht coule. Les quatre garçons, rapidement trois, vont devoir survivre et se supporter.
Le roman ne fait pas cent pages, mais claque dans la cruauté de son histoire. Il est évidemment question de la peinture du Radeau de la Méduse (Géricault), et de toutes les questions philosophiques qui s’ensuivent par élargissement: mystère du pouvoir de l'un sur les autres, vie en société et rivalités, capacités de survie extrêmes jusqu’à l’animalité, etc. Les mots sont précis et bien choisis, les événements ne se répètent pas, la progression lente se ressent seulement lorsqu’elle arrive à son point inéluctable. Un bel ouvrage, qui devrait s’accommoder parfaitement d’une place dans les collèges et les lycées.
«S’ensuit une de ces nuits pétaradantes d’étoiles, de celles qui font rêver quand on a les deux pieds posés sur la terre ferme sans se rendre compte à quel point c’est bon d’avoir simplement un corps en état de marche, de quoi manger et un coin douillet où dormir» (p.61). (SP)
Eau les cœurs!
15. Le chant de mon papa, de Gianna Marino, Circonflexe, 2022
Album, dès 3 ans
Sous la formule enfantine du titre «le chant de mon papa» se cache un couple père-fils étonnant. La couverture nous le révèle, il s’agit de père baleine et de son baleineau; ils évoluent dans un univers vert d’eau.
Le petit interroge son père avec une certaine inquiétude. Comme tous les enfants, Petit Bleuet, insatiable curieux, veut savoir l’heure, le lieu de leur voyage et le jeune lecteur est intrigué par ce questionnement que nous lisons dans l’œil rond des cétacés énormes. Ils occupent la page. Il est question d’un voyage mystérieux. L’autrice-illustratrice varie les angles de vue, après le gros plan, un plan général montre l’effort du petit en difficulté. Les silhouettes striées des mammifères circulent dans un univers allégé par les bulles. Les variations bleu-vert suggèrent la surface de l’eau; à celles-ci vont succéder les couleurs sombres jusqu’à l’obscurité inquiétante du fond. La respiration et l’effort du baleineau, qui peine derrière son père, laissent place au sentiment de «magie» jusqu’à l’angoisse de la perte… Où est passé son père?
Cet album chante l’affection filiale, le soutien parental et il évoque les phases de ce lien entre accompagnement proche et accès à l’autonomie. Il propose, par l’identification possible, un parallèle assez troublant entre monde humain et règne animal, unis par une même évolution, une même initiation pour accéder au bonheur de l’espace infini. Ce voyage laborieux guidé par le chant des baleines montre l’effort nécessaire à la transmission et à l’épanouissement des jeunes.
Cet album initiatique possède un charme singulier, créé grâce à la «respiration» rendue sensible tant par l’illustration uniquement aquatique que par l’élan vital qui propulse le baleineau vers la lumière. (DB)
16. La folle expédition, de Gérald Guerlais, Gautier-Languereau, 2022
Album, dès 3 ans
Le jeune narrateur et sa sœur, prénommée Lily, ne passent pas les vacances escomptées chez leurs grands-parents: Papi et Mamie vivent sur un bateau, mais, cet été-là, ce dernier doit rester à quai pour des réparations. Encouragés – pour ne pas dire forcés – par leur Papi à laisser de côté les écrans et à profiter du beau temps, les deux enfants font ce qu’ils peuvent pour lutter contre l’ennui, jusqu’à ce que… Là! Une étrange bouteille flotte à la surface de la rivière! Ni une ni deux, Lily et son frère embarquent à la poursuite de cette mystérieuse bouteille. Intrépides, les deux aventuriers peuvent compter sur leurs amis pirates et leur embarcation au nom prometteur, le Titanic II. Emportée par le courant, la bouteille échappe à l’«équipe de choc», qui poursuit sa mission tant bien que mal. Alors que leur navire finit par prendre l’eau, l’apparition d’un dragon d’eau permet aux jeunes déterminés d’atteindre la mangrove, qu’ils doivent quitter aussitôt, tant les bêtes sauvages sont affamées à leur vue… Malgré les dangers, le narrateur et sa sœur parviennent à mettre la main sur la fameuse bouteille et découvrent le message secret qu’elle contient: Mamie a tracé une carte pour qu’ils retrouvent Papi!
Comme par enchantement, le texte et les illustrations de Gérald Guerlais absorbent le lecteur dans l’imagination des deux enfants. La traque de la bouteille au message secret est animée par la présence d’amis animaliers, d’un dragon d’eau ou de poissons féroces. Au fil de l’eau, les enfants ont laissé vaquer leur imagination avec un tel engouement que le narrateur conclut: «Finalement, ces vacances sont incroyables. Maintenant, on va jouer à ciel ouvert». Parfois, pour faire face à la frustration d’une situation et à l’ennui qui peut en découler, il est agréable de se laisser porter par le courant des événements! Un bel album, aux illustrations colorées et lumineuses, où souffle un air d’été et d’aventure et où l’eau alimente et transporte l’imagination d’une belle façon! (MR)
17. Le rêve de Jonas, de Marlies van der Wel, Kaléidoscope, 2021
Album, dès 5 ans
Lorsque Jonas, âgé de deux ans à peine, voit la mer pour la première fois, il en tombe amoureux. Depuis ce jour, son souhait le plus cher est de vivre sous l’eau, au milieu des créatures aquatiques. Pour y parvenir, notre personnage (dont le nom biblique évoque d’autres aventures maritimes) devra faire preuve d’ingéniosité et surtout s’armer de beaucoup de patience. Au fil des pages, les lecteurs et lectrices assistent aux tentatives de Jonas (qui ont lieu à divers moments de sa vie) pour «dompter» la mer, grâce à des constructions de bric et de broc réalisées à partir d’objets ramassés sur la plage. Il essuie de nombreux échecs; échecs dont il sait tirer les leçons pour s’améliorer.
À 8 ans, Jonas utilise un simple parapluie pour barque et un aquarium en guise de scaphandre. Un équipement qui va s’avérer bien trop rudimentaire pour partir à la conquête des fonds marins. Jonas peut mieux faire…
À 18 ans, il affronte la mer à bord d’un tonneau, équipé d’un tuba qui se déploie hors de l’eau pour lui permette de respirer. C’est ingénieux, mais trop léger: une grosse vague et voilà que notre héros est entraîné en direction du rivage, où il s’échoue tristement. Loupé!
À 30 ans, Jonas opte pour une invention plus audacieuse: une sorte de fusée sous-marine qui, malheureusement, finira dans les mailles d’un grand filet de pêche. Encore loupé!
À 80 ans, Jonas arrive enfin à ses fins grâce à une gigantesque construction pisciforme. Sa détermination a payé: il peut rejoindre l’océan et y couler des jours heureux.
L’intérêt de cet album réside non seulement dans ses qualités esthétiques, mais également dans les messages forts qu’il délivre. Tout d’abord, il invite les enfants à croire en leur rêves et à ne jamais y renoncer. Le livre est un hymne tant à la persévérance qu’à la créativité. Il montre que l’on peut toujours apprendre de ses erreurs et qu’il n’y a pas d’âge pour accomplir de grandes choses.
En filigrane, l’illustration cache un autre message, écologique cette fois-ci. À chaque début de «chapitre» (correspondant à un âge différent de Jonas) Marlies van der Wel nous donne à voir la même image d’un littoral qui, avec le temps, se réduit comme peau de chagrin. D’ailleurs, à la fin de l’album, l’eau engloutit jusqu’aux habitations situées en haut des buttes. De même, les techniques de pêche deviennent de plus en plus industrielles à mesure que les années passent. Au début, deux hommes avec des cannes à pêche sont représentés sur l’image. Ils sont ensuite remplacés par une petite embarcation, elle-même substituée par un plus grand bateau de pêche aux allures fort peu écologiques.
La montée des eaux, la pêche intensive, les déchets marins et la pollution plastique (Jonas réalise ses constructions à partir des objets que la mer rejette): des thématiques importantes, amenées ici avec beaucoup de subtilité. Une réussite!
À noter encore que cet album a été adapté à partir d’un très beau court-métrage d’animation qui peut être regardé en ligne. (DT)
18. L'expédition, de Stéphane Servant et Audrey Spiry, Thierry Magnier, 2022
Album, dès 6 ans
Attirée depuis toute petite par l'horizon, l'héroïne de ce sublime album construit «sa coquille de noix» pour prendre le large et concrétiser ainsi son rêve d’enfant: «Le jour où j'ai largué les amarres, ils [ses parents] m'ont donné le courage, la force et le sourire, la meilleure des armes, la plus brillante des épées». Voile déployée et cheveux au vent, cette corsaire des mers affronte l'océan démonté et peuplé de redoutables monstres marins. «Pour conserver ma liberté, souvent, j'ai bataillé avec mon courage, ma force et mon sourire, pour seule épée». Sans jamais se retourner ni abdiquer cette femme, accompagnée maintenant d'un enfant, poursuit son rêve jusqu'au jour où elle se pose sur un lopin de terre et réalise l'importance du voyage accompli, un trésor pour sa vie.
La plume sensible et poétique de Stéphane Servant retrace le parcours original et inédit d'une femme globe-trotteuse à l'écoute de son cœur. Ce dernier bat au rythme de la mer tantôt calme ou déchaînée, au rythme de cette quête intérieure qui pourrait se résumer par cette citation de Lao Tseu: «Le but n'est pas le but, c'est la voie». Les illustrations lumineuses, vivantes, tout en mouvements et très colorées d'Audrey Spiry donnent un relief particulier à ce récit aux allures d'un précieux carnet de voyage qui fait pousser des ailes. Un cadeau à lire à tous les enfants pour qu’ils se sentent libres, par la suite, de mener leur barque comme bon leur semble. (EP)
19. Un rocher au milieu de l'océan, d'Alessandro Montagnana, Saltimbanque, 2023
Album, dès 6 ans
Mila le petit phoque vaque à ses occupations. Fervente d’aventure, elle est ravie de découvrir un rocher, qui s’apparente à une «île de pirates» ou encore à une «grotte secrète recelant des trésors incroyables». Heureuse sur son rocher, Mila vit sa petite vie, jusqu’à ce que sa tranquillité soit perturbée par… une fiente de mouette! Pile sur sa tête! C’est ainsi que, dans de grands éclats de rire, Mila fait la connaissance de Charlie. Le lecteur devient témoin de leur complicité et des moments heureux qu’ils partagent, jusqu’à ce que Charlie doive rentrer à la maison. La séparation est rude, mais pas autant que la tempête qui pointe sur le rocher de Mila… Contre vents et marées, Charlie s’efforce de retourner aider son amie et leurs retrouvailles signent la force de leur relation.
Au-delà du texte enjoué d’Alessandro Montagnana, les illustrations de l’auteur-illustrateur italien honorent l’immensité et la beauté de l’océan, de même que l’effroi saisissant qu’il peut dégager lorsque la tempête s’invite. Cet album célèbre l’amitié et ses liens solides, renforcés par la traversée d’événements inattendus. À l’image de l’eau, les relations ne sont pas linéaires, ni immuables: il est important de préserver l’amitié, en affrontant les difficultés, dont on ne ressort que grandi. Un bel album qui se lit avec plaisir et soif d’aventures amicales! (MR)
20. Mon cœur en apnée, de Rachael Lucas, Albin Michel Jeunesse, 2018
Roman, dès 13 ans
Holly fait partie des adolescentes malheureuses, sans ami (ou presque). Obligée de veiller sur sa mère dépressive, elle doit tout gérer, régler et grandir dans une maison envahie par des piles de revues et de choses inutiles, entassées ici et là, pendant que sa mère se perd dans son monde de rêves fracassés, un mug de thé à la main. Le seul plaisir de Holly, c'est de nager à la piscine. Toute l'énergie qu'elle y dépense la sauve du désespoir, lui offre une impression de sécurité.
Cette même piscine est aussi le lieu de détente d'un autre adolescent, Ed, arrivé depuis peu dans le secteur en raison de problèmes familiaux.
Evidemment, ces deux-là sont faits pour se rencontrer. Démarre alors une histoire d'amitié entre eux malgré leurs différences. C'est à travers le regard de Holly, la narratrice, que l'on suit pas à pas, brasse après brasse, l'évolution de cette amitié en parallèle des situations familiales qui bougent également d'un côté comme de l'autre. La mère de Holly, qui s'est fracturée la jambe, vit cette situation comme un électrochoc qui la remet d'aplomb grâce au soutien d'une voisine bienveillante très efficace. Même si tout semble s'arranger un peu trop facilement dans ce roman, on y croise des personnages qui ont de la présence et du caractère. On finit par s'y attacher et se laisser porter par cette aventure empreinte d'espoir. (PP)
Notre planète bleue coule...
21. Je t'aime, Bleue, de Barroux, Kaléidoscope, 2022
Album, dès 3 ans
Jonas, le gentil gardien de phare, se promène tranquillement sur la mer dans son petit bateau rouge en écoutant le doux clapotis des vagues, quand soudain une tempête se lève et le fait chavirer. Heureusement, Bleue, la baleine qui passait par là, le sauve miraculeusement de la noyade. Mais le lendemain, Bleue a disparu au fond de la mer, victime d’une indigestion de… sacs plastiques qu’elle a pris pour des méduses. Et cette fois c’est Jonas qui vient à son secours en la débarrassant de ce mauvais poids sur l’estomac à l’aide d’un grand filet de pêche accroché à son bateau.
Auteur-illustrateur reconnu, Barroux détourne ici l’histoire biblique de Jonas pour l’adapter à un enjeu d’actualité. Avec un texte court et des mots simples, l’album parle de la mer et de sa fragilité mais aussi d’amitié et de solidarité face à l’adversité. Côté illustrations, Barroux est fidèle à son style bd: les dessins au trait noir et doucement colorés gardent un côté enfantin et ne manquent pas d’humour, sur un sujet pourtant grave, notamment dans le contraste entre la grosse baleine – qui n’est pas bleue du tout d’ailleurs – et le petit bonhomme au chapeau jaune en forme de bouée. La fin se termine par un mot de Barroux qui souhaite attirer l’attention du lecteur sur un combat emblématique: «Sauvons nos océans, sauvons nos baleines». Un bien vaste programme pour les tout-petits, mais tout au moins verront-ils peut-être d’un autre œil, après cette lecture, la déferlante de déchets plastiques qui empoisonne plus que jamais notre quotidien. (AD)
22. Enal et le peuple de l'eau, de Laurence Pérouème et Pascale Maupou Boutry, Cipango, 2018
Album, dès 6 ans
Enal est issu du Peuple de l’eau, qui vit «là-bas, tout là-bas, au beau milieu de l’Océan». Le Peuple de l’eau vit depuis la nuit des temps en totale harmonie avec la faune et la flore. La preuve, le meilleur ami du jeune garçon prénommé Kelapa est un requin!
Mais un jour, parce que des pêcheurs ont bravé les lois du Peuple en utilisant des explosifs qui ont abîmé les fonds marins et décimé des poissons, Naga, l’esprit des mers, provoque une tempête pour se venger. Afin d’apaiser le courroux de ce dieu, le jeune garçon est missionné auprès de lui afin d’apporter une statuette magique en guise d’offrande. Pour sauver son peuple, Enal est prêt à tout et c’est avec courage et détermination qu’il s’enfonce dans l’océan afin d’implorer la clémence de l’esprit des mers.
Ce voyage au cœur de l’océan et de cette légende est l’occasion pour les auteures de l’album de faire réfléchir les jeunes lecteurs sur divers enjeux environnementaux actuels et de les sensibiliser à l’écologie. La Terre appartient à tous, aux êtres humains, aux animaux bien sûr, mais également aux différentes espèces végétales qui peuplent les paysages terrestres et la mer. Il nous faut donc la traiter avec respect et intelligence, ce qu’a d’ailleurs toujours fait le peuple indonésien des Bajau (auxquels les auteures de ce livre rendent hommage) surnommés les «nomades de la mer», capables de descendre en apnée jusqu'à 70 mètres de profondeur avec comme uniques équipements des poids et un masque de bois!
C’est un magnifique texte engagé qu’a écrit Laurence Pérouème et qu’illustre Pascale Maupou Boutry en usant, dans les mots comme dans les illustrations, de poésie, de douceur et d’inventivité. (HD)
23. Les mystères de l'eau, de Blaise Hofmann et Rémi Farnos, La Joie de Lire, 2018
Roman, dès 10 ans
Une collégienne vivant au bord du lac Léman se résout à réaliser un exposé scolaire sur l’eau. Elle part à la recherche d’informations dans son environnement proche et de fil en aiguille, au hasard de ses découvertes et de ses rencontres, l’anodin et le commun se transmuent en grands mystères.
La lassitude et la nonchalance d’une adolescente vaincues par la découverte et la connaissance, c’est non le moindre des miracles réalisé par cet élément (quasi?) insaisissable: l’EAU.
Naïa (dont l’origine étymologique signifie «flot», «fluide») va tenter de remonter le courant du savoir, encouragée à cela par le discours de Prix Nobel de chimie local, récompensé pour ses recherches sur la vitrification de l’eau. Elle va tenter, du haut de ses douze ans, de saisir la complexité des liens unissant l’eau, la vie, les hommes et leur milieu, à travers différentes démarches. En effet, tout au long de son enquête, Naïa observera le milieu naturel, s’entretiendra avec des universitaires, s’abandonnera à ses pensées, se renseignera par le biais des médias, etc. Les modes du discours sont, eux aussi, multiples: narration classique, illustrations, dialogues, bande dessinée, encadré théorique, autant de procédés qui facilitent la lecture et permettent la vulgarisation scientifique.
Dans ce roman documentaire, Blaise Hoffmann joue avec les thématiques, les mots, les sons et les idées, et c’est un bel hommage à son sujet. Au fil des pages, Naïa s’interroge, Naïa évolue, tout comme son point de vue, et ses interlocuteurs philosophes, théologiens, psychologues, biologistes, géographes, écologistes et chimistes parviennent à l’éclairer en enrichissant son propos de leur science, de leur manière spécifique de l’appréhender.
Ce livre est serti d’informations précieuses et nécessaires, il dresse un premier état des lieux pertinent de la situation planétaire (accès à l’eau, droit, répartition, gaspillage). L’on (re)découvre la puissance de vie inouïe de cet élément, sa pureté, son rôle essentiel, on le redéfinit comme lien entre les éléments vivants, structure de base de nos corps solides, condition nécessaire à la vie. Et on l’approche également dans ce livre de façon plus abstraite et symbolique. Ce livre édité en partenariat avec l’Université de Lausanne a bien des mérites, dont celui de satisfaire petits et grands. (DeB)
À vous de plonger! Comment agir pour la préservation de l'eau? Quelles sont les actions à adopter au quotidien? Rendez-vous sur : www.un.org/water-day et www.unwater.org/bethechange
Les rédacteurs: Delphine Bernard (DeB), Danielle Bertrand (DB), Hélène Dargagnon (HD), Ariane Duclert (AD), Christine Fontana (CF), Déborah Mirabel (DM), Emmanuelle Pelot (EP), Sophie Pilaire (SP), Pascale Pineau (PP), Manon Reber (MR), Damien Tornincasa (DT), Nathalie Wyss (NW).