La fille qui a décoché la flèche

Quelle fierté dans cette aventure !

Une petite fille qui vit à l’orée d’une forêt, joue à tirer à l’arc, «un arc tout bricolé», mais tout à coup, la flèche s’envole. Sans réfléchir, l’enfant la suit ; une voix qui chuchote l’enjoint à la prudence, «ne va pas plus loin». Mais la petite refuse de l’écouter, elle doit retrouver sa flèche, qui sait ? Peut-être a-t-elle blessé un cœur ?

Le très beau texte d’Anne Terral est rythmé par les formules répétées, les doutes susurrés, les réponses assurées, et les étapes d’une après-midi aventureuse pour cette petite fille décidée et confiante. Un texte qui s’interprète et s’écoute attentivement tant il est captivant. Son message est clair: la peur ne doit pas empêcher d’avancer, surtout les fillettes. Plus de peureuses, de craintives, de timorées… Le sous-genre devrait disparaître aussi grâce à cet album. Sans vanter la témérité, Anne Terral « en-courage » ses lectrices: qu’elles se lancent, avec audace, afin de vivre pleinement, conscientes des risques et des pièges, comme «la fille qui baisse la tête et la relève au bon moment».

Pour l’accompagner, l’illustration de Sande Thommen dévoile l’univers de l’enfant, toute entourée par la nature: de grandes doubles-pages colorées dans un camaïeu de verts, qui contrastent avec des gris et des bruns, pour le jardin immense, le champ jaune et la clairière, et puis le couvert des grands arbres, quelques rochers à escalader, et derrière, la lumière qui baisse peu à peu, l’obscurité faisant naître le doute, pour un instant seulement.

Dans cet environnement végétal, l’artiste fait chatoyer les reflets en fines ondes vert clair et vert foncé, jaune vif et brun très clair. Iel souligne d’un trait noir précis les éléments permanents du décor immobile autour de la silhouette de l’enfant qui s’élance, court, bondit, comme une petite étoile, sans regarder en arrière. Car «ma tête n’a pas fait ce mouvement-là. Mes cheveux m’en ont empêchée. Ou bien le vent. Peut-être aussi mon corps penché en avant» dit le texte. Et le lecteur suit la petite forme blanche harmonieuse et déliée, jusqu’à ce que, sur le chemin du retour, elle commence à se colorer : «je rirai bien avec mes parents (…) Ils diront que j’ai changé, forcément.»

Une magnifique histoire dans une très inspirante interprétation, pour des enfants avisé.es et courageux.ses.