À la faveur de l'été
L'avis de Ricochet
Sur la couverture de cet album au titre qui sonne comme une promesse, un petit conquérant se dresse sur un promontoire, seul de dos face au ciel d’été. L’ouvrage s’ouvre comme un écran de cinéma, sur quelques plans cadrés de noir de l’enfant qui s’échappe de l’ombre intérieure de sa maison, un chapeau d’osier sur la tête et un filet à papillon bien en main : « C’est parti ! »
Seul, c’est-à-dire libre pour la journée, l'enfant s'engouffre dans le monde vert dans une double-page éblouissante, d'où jaillissent les grenouilles et s'envolent les libellules dérangées par cette intrusion aveugle et violente. L’enfant est engagé dans une quête dont sa journée est le cadre temporel, mais c’est la nature tout entière qu’il va arpenter pour réussir. Comme le destinataire du poème de Paul Fort, « Le bonheur est dans le pré », l’enfant s’élance à corps perdu au fil de doubles-pages enchantées par la luminosité des couleurs de l’été déployées en corolle autour de lui par le peintre Kōshirō Hata : « Cours-y vite. Il va filer ».
Toutes les sensations, les émotions, passent par le pinceau de Kōshirō Hata pour accompagner la détermination de l'enfant qui court, à profiter pleinement de cette grande goulée de liberté, et du plaisir des sens, titillés à la fois par l’image et le texte dans cet ouvrage réjouissant et libérateur, finaliste du Prix Andersen 2021 dans la catégorie Meilleur album illustré.
Comme au cinéma encore, les points de vue impliquent le lecteur dans une lecture active : ils sont très rapprochés sur des univers très vastes comme cette vision du ciel d’été où tournoient les mouettes en gros plan au-dessus d’une mer étale, ou encore sur la double-page suivante où l’artiste déroule l’océan verdoyant des rizières. Les paysages somptueux de la campagne japonaise sont brossés par le pinceau vigoureux de l’artiste, maître d’un mouvement qui insuffle dans l’image le dynamisme suggéré par son texte, tout en phrases courtes et souvent exclamatives, traduisant la hâte et l’enthousiasme de son héros. Celui-ci semble ne rien voir autour de lui, focalisé sur son objectif, mais il réagit sous le pinceau comme un élément indissociable du milieu naturel, au même titre qu'une grenouille, un criquet, ou les éclaboussures de la rizière sous la cavalcade.
Les obstacles se multiplient, c'est une vraie course d’endurance, et l’artiste fait participer le lecteur tout à coup bloqué par la vache qui rumine en gros plan et masque l'enfant qui détale, puis focalisé en vue plongeante sur l’ascension des innombrables marches d’un temple, et finalement lui aussi à bout de souffle quand l’enfant arrive au sommet.
À l'orée de la forêt, l'enfant se pose, il souffle sur son genou écorché. Autour de lui, le lecteur entend le ruisseau qui chantonne. La canopée envahit le ciel bleu, tout devient vert. Il est arrivé.
Sous les arbres, il fait plus sombre, on ressent la fraîcheur qui tombe sur les épaules. L'enfant ne tarde pas à trouver celui qu'il est venu chercher : un grand lucane cornu, agrippé en haut d’un tronc. L'auteur aligne les cases, bien verticales, bien cernées, comme sur une ancienne bobine de film, pendant que le ciel s'assombrit et se charge d'un gris-bleu électrique. Et le retour se fait sous la pluie battante, toujours en courant. Dans la lumière du soir, sous le soleil réapparu, l’enfant sautille encore de joie : « Comme il est beau ! », ce grand scarabée...
Avec la présentation de son héros le plus souvent de dos ou de loin, Kōshirō Hata crée pour l’enfant lecteur une opportunité d’évasion imaginaire, son regard arrimé au dos de l’enfant qui l’emporte dans son équipée fantastique. Cette immersion dans une nature luxuriante, chauffée par le soleil d’été, ou fraîche et humide sous les grands arbres, l’intensité de l’aventure, permettent au jeune lecteur d’expérimenter la force de l’identification, celle qui permet de vivre grâce à la lecture d’innombrables autres vies que la sienne. Lorsque l’on comprend ça, on a peut-être bien trouvé le bonheur.
Présentation par l'éditeur
Lors d’une chaude, très chaude journée d'été japonaise, un petit garçon court dans sa campagne sous le ciel vaste, où le silence n’est interrompu que par le chant des cigales. Durant une journée, nous voici partis dans une aventure entre jeu et défi, où règnent effort, persévérance, émerveillement et, peut-être, les joies de l’accomplissement !
Ce petit garçon réussira-t-il à trouver tout seul son cher scarabée avant la tombée de la nuit ?