La colline

Dans ce bel album coloré et poétique, distingué lors de la dernière Foire de Bologne, Liuna Virardi comme Jacques Prévert dans son poème Chanson des escargots qui vont à l'enterrement, entraîne ses lecteurs à la suite d’un escargot qui en s’éveillant un matin, sent la brise d’automne lui chatouiller le cou : il ouvre les yeux, et trouve que le paysage a bien changé.

Il y en a des choses à découvrir sur cette colline ! Que voit-on lorsque l’on admire un panorama ? Lorsqu’on examine une fleur de tout près ? Le récit à la première personne facilite l’identification, et la projection du lecteur dans l’observation de la nature ainsi que le fait l’escargot sous le pinceau de l’artiste, tout au long de sa déambulation.

Dans sa balade, l’escargot progresse, sans hâte. Quand la plasticienne rapproche le regard du lecteur à la hauteur de celui de l’escargot, le détail du monde apparaît sous ses yeux: chaque élément est comme vu à la loupe, chaque forme est parcellaire, chaque couleur est d’une intensité qui sature la vision, et le geste du pinceau fait lui aussi trace sur le papier, pour laisser percevoir l’humidité de l’herbe. Comme l’escargot laisse l’empreinte claire de son cheminement, les formes des buissons, des fleurs, des rochers, juxtaposent sur le vert profond leurs propres couleurs sillonnées de traces variées comme autant de possibles chemins, qui animent le paysage de papier autant que peut l’être la nature elle-même. Appelant le doigt à suivre les traces, à caresser les contours des formes, pour sentir au plus près, ressentir, le voyage de l’escargot.

Les éléments se déchaînent, après tout, c’est bien l’automne, le ciel se couvre, il pleut, il grêle et l’artiste éloigne le regard du lecteur en agrandissant le cadre; à nouveau, l’escargot n’est plus le vecteur, il faut le repérer sous les feuilles, sur la tige, pour percevoir à quelle échelle réelle il vit sa vie d’escargot. Mais soudain sa coquille noire, ou ses yeux télescopiques, remplissent la double page: à nouveau la vision s’adapte et Liuna Virardi mobilise tout son art pour varier les propositions. Quel talent ! Et quelle douceur aussi dans cette pérégrination poétique qui charme le lecteur, et l’apaise. Cette magnifique promenade au fil des pages de La colline a toutes les qualités d’une balade dans la campagne un après-midi d’automne.