Enfantillages : peintures de pouëts et autres amusettes
L'avis de Ricochet
Sur la couverture jaune, un éléphant en caoutchouc me fait de l’œil. L’aura de l’auteur-illustrateur Antonin Louchard est si forte qu’au moment d’évoquer cet ouvrage singulier, il me vient quelques frissons… Je connais son trait, son humour un peu railleur. Sa puissance d’évocation.
Et lorsque j’ouvre enfin ce catalogue, je plonge dans une autre dimension ! À partir d’une collection disparate d’objets hétéroclites, comme Hervé Di Rosa au musée international des Arts modestes, Antonin Louchard imagine des regroupements, recompose des ensembles, qu’il organise et met en scène dans cet album émouvant et drôle. Enfantillage peut-être que cette manie de récolter ainsi les jouets, figurines, évocatrices d’un autrefois bien révolu, l’époque des indiens et des cow-boys des westerns de série B, celle des poupons baigneurs en celluloïd, des poupées de collections costumées. Antonin Louchard y mêle aussi quelques figurines saintes, tout un bestiaire aux grands yeux surpris d’être sous la lumière, de ceux qui font pouët pouët même sans le vouloir, quelques soldats de plomb ou bobby égaré… Mais chaleureux souvenirs d'amusettes : petits objets dont on s’amuse, enfant, pendant de longs moments.
Dans ces vitrines recomposées, les figurines sont reproduites, peintes par l’artiste, à la gouache, plus vraies que nature, les reflets et les marques d’usure confondent l’œil de l’observateur tant le réalisme des postures, la brillance des couleurs évoquent leurs modèles. Poète-amuseur, Antonin Louchard les regroupe sous des titres de comptines : Babillages, Chahutages, Pouponnages… Papillonnages, qui font comme un long ruban de formule magique, un peu incantatoire, bien nécessaire pour entrer dans l’univers recréé par l’artiste. Grâce à ses enfantillages, le spectateur profite de l’occasion incroyable de replonger dans sa propre enfance, ou dans l’imagerie de l’enfance, tout simplement. Comme la mémoire, les assemblages recréent de la cohérence dans le magma, la grande pâte grumeleuse des souvenirs ou celle des symboles, que l’artiste disperse sur la palette des pages.
La peinture et la couleur prennent la main sur l’idée de départ et, sur des fonds colorés, Antonin Louchard imagine un décor fantasque, chamarré, brodé de signes et de symboles, pastilles, taches, entrelacs de traits, et d’une silhouette, toujours la même reproduite à l’envi, vide ou pleine, superposées entre elles et avec les reproductions de jouets, comme un surtitrage codé dont le secret reste l’apanage de l’artiste, même si chacun est libre de se faire une idée. Une grammaire intime, dont il établit les règles ou l’absence de règles, mais qui résille l’espace des pages, bousculant l’ordre et les souvenirs, sacro-saint Autrefois ramené à la joyeuse pagaille d’un jeu d’enfant, ces amusettes où l’imagination fait feu de tout bois.
Un ouvrage qu’on ne se lasse pas de feuilleter, découvrant toujours un nouveau détail, un nouveau motif, un personnage différent, un éclat dans le regard, une écaille sur le costume, passés inaperçus dans la profusion de couleurs et de signes rassemblés là, par l’artiste, le peintre Antonin Louchard pour notre grand plaisir, et notre grande joie. Merveilleux.
Présentation par l'éditeur
Un ours en peluche, Bécassine, un canard en plastique, un hippopotame, une majorette, Batman, un mouton rouge, des cow-boys et des Indiens... Antonin Louchard a fait descendre de leurs étagères des centaines de bibelots, de figurines et de jouets dénichés dans des vide-greniers pour les reproduire en peinture et leur redonner vie.