Une place pour moi

En position repliée, yeux, pieds et poings fermés, un tout-petit dort, paisible. Cette ouverture prélude à l’exploration du monde par l’enfant.

À hauteur d’yeux et de contacts, il identifie les ventres qui le soutiennent avec un parti-pris humoristique : le ventre rond de Pépé qui écoute les Beatles, celui de Papa qui cuisine ou de Maman sur son ordinateur. Il y a une volonté de représenter les corps comme ils sont, musclés ou pas, rondouillets ou menus. Cet enfant a le sens du détail, il observe son nombril, celui de ses parents et, à l’abri entre eux deux, arrive d’un coup une révélation que l’on n’attendait pas, une rupture, violente, puissante. Les ventres ronds des mamans figurent l’origine du monde mais moi, dit-il, « je n’ai pas grandi dans le ventre de maman ».

Le récit à la première personne prend tout son sens et son poids ici et les images de ventre aussi, puisque la vie pour ce tout-petit « commence » dehors. C’est là qu’il doit trouver sa place. La parole rapportée des parents qui expliquent la situation singulière est pleine de délicatesse : exposer sans juger; trouver la bonne place et la bonne distance. Une illustration aux couleurs pastel, dans une ambiance calme et chaleureuse, facilite l’émergence de cette vérité dérangeante. Les dernières images, de pleine nature, en panorama ouvert, sonnent comme une acceptation du vaste monde, saisi à pleines mains, les yeux grands ouverts. 

Un album puissant parce qu’il décrit une trajectoire, un itinéraire qui peut être tellement douloureux. Un livre sensible sur l’adoption pour échanger avec petits et grands.