Camille Romanetto: «Plus qu’un rêve d’enfant, je crois que le dessin et l’écriture sont juste une façon d’être au monde.»
Camille Romanetto est autrice et illustratrice jeunesse. Elle a grandi en Polynésie française. Après avoir voyagé, et à l’occasion de la naissance de son enfant, elle décide de poser ses valises en Bretagne, où elle se consacre au dessin et à l’écriture. Son premier livre solo, Une sieste, paru en janvier 2023 aux éditions Little Urban, est un puits de douceur dans lequel on voudrait bien, nous aussi, poser nos valises. Elle publie cet automne un magnifique nouvel album, Les Follets (Little Urban), qui se déguste par chapitre, 14 en tout, dans une ambiance unique aux teintes nordiques.
Camille Romanetto est autrice et illustratrice jeunesse. Elle a grandi en Polynésie française. Après avoir voyagé, et à l’occasion de la naissance de son enfant, elle décide de poser ses valises en Bretagne, où elle se consacre au dessin et à l’écriture. Son premier livre solo, Une sieste, paru en janvier 2023 aux éditions Little Urban, est un puits de douceur dans lequel on voudrait bien, nous aussi, poser nos valises. Elle publie cet automne un magnifique nouvel album, Les Follets (Little Urban), qui se déguste par chapitre, 14 en tout, dans une ambiance unique aux teintes nordiques.
Nathalie Wyss: Le dessin et l’écriture, un rêve d’enfant?
Camille Romanetto: Plus qu’un rêve d’enfant, je crois que le dessin et l’écriture sont juste une façon d’être au monde. Même si c’est vrai que petite je voulais être «dessinatrice». Je dessinais parce que je m’ennuyais. J’étais une enfant anxieuse et effacée, le dessin m’ancrait, me donnait corps, je crois. En grandissant c’est devenu une nécessité. Au collège, au lycée, c’était aussi une manière d’interagir avec mes camarades.
Ma mère aimait l’art, et a certainement aiguisé mon regard. Mais je dois aussi beaucoup à ma tante qui m’a offert mon premier carnet de croquis, je devais avoir huit ans. Puis une boite de peinture à l’huile à mes quinze ans. Deux grandes révélations!
J’ai fait des études de Lettres, car le dessin, la peinture, ont longtemps été des pratiques très (trop) intimes, et il m’a fallu beaucoup, beaucoup de temps avant de me décider à les montrer!
Pouvez-vous nous décrire vos techniques d’illustration?
Je suis un peu old school, j’aime l’encre qui tache, l’aquarelle qui bave, et le papier qui crisse.
Pour Les Follets, les traits ont été dessinés à la plume. Mais, attention, je n’utilise pas n’importe quelles plumes! Mon grand-père m’avait donné une petite boite de ses vieilles plumes d’écolier, et il se trouve que ce sont les seules qui trouvent grâce à mes yeux – ce qui est problématique, car les plumes s’usent... Retrouverai-je ces même vieilles plumes lorsque la boite sera vide?!
Ça a du sens pour moi, d’avoir utilisé ce matériel-là, pour un livre qui parle un peu des grands-parents, et beaucoup des miens…
Comment est née votre collaboration avec les éditions Little Urban?
J’ai ouvert un compte Instagram pour la première fois en 2020, pendant le premier confinement, et ce geste simple aura entrainé une avalanche de belles rencontres et d’opportunités professionnelles. Moi qui avais toujours dénigré les réseaux sociaux, j’ai un peu changé d’avis (même si je m’en tiens toujours assez éloignée)!
Une sieste est votre premier ouvrage pour lequel vous avez à la fois écrit le texte et réalisé les illustrations. Comment avez-vous vécu cette expérience et est-ce devenu une évidence pour vos prochains livres?
À vrai dire, je ne me suis jamais imaginée faire des livres autrement que toute seule! J’ai besoin de cette liberté-là. La plupart du temps, les images et le texte arrivent en même temps dans ma tête, un peu comme si je regardais un film. Il m’est donc plus naturel de travailler le livre sans séparer le texte de l’image.
Cela dit, cette année j’ai décidé de tenter l’expérience d’illustrer un texte magnifique d’une autrice que j’aime beaucoup, et je suis très enthousiaste et curieuse de voir où cela va nous mener (mais je crois effectivement que cela restera assez exceptionnel)!
Comment est né votre dernier album, Les Follets? Quelles ont été vos inspirations? Et surtout, avez-vous déjà rencontré les follets, les adorables petits lutins qui peuplent cette histoire?
Ce livre-là est le fruit de deux choses concomitantes. Comme souvent, l’histoire est d’abord née d’un dessin, d’une série de dessins plus précisément, que j’avais réalisés pour mon plaisir, et qui représentaient cette petite fille blonde entourée de follets, avec ces cadres très décorés… Dans le même temps, j’étais en recherche de livres à raconter à ma fille, mais de livres plus longs, où l’on pourrait retrouver chaque soir les mêmes personnages aimés (et sans méchante belle-mère qui boulotte les petits enfants, car ma fille avait alors 3-4 ans). Évidemment nous avons lu les Moomins, Le vent dans les saules et quelques autres, mais j’avais tout de même un peu de mal à trouver. Et comme j’étais très curieuse de savoir où mes dessins m’emmèneraient, j’ai décidé d’essayer de faire moi-même le livre qui nous manquait!
Je me suis rendu compte, lorsque j’ai terminé ce livre, qu’il était un genre d’agglomérat de tout ce que j’aime. Sans m’en apercevoir, j’y avais convoqué tous mes grands maîtres, suédois, russes, bretons et japonais, tous bien digérés et prêts à m’épauler dans cette lourde tâche!
Et pour répondre à votre question, évidemment que je connais les follets! Il y en a un qui habite chez nous, probablement entre les murs. Il vole un peu de chocolat parfois, ou une unique chaussette… et si on tend l’oreille on peut l’entendre jouer de la flute de temps en temps. Parfois, en forêt, nous réussissons à suivre un peu la trace des follets, mais ils ne se laissent jamais voir tout à fait.
Quels sont les livres qui ont bercé votre enfance?
J’avais assez peu de livres étant petite, mais que des bons. Je passais des heures à regarder les détails des images de Kazuo Iwamura ou Claude Ponti. C’est drôle, je me souviens que je n’aimais pas les livres que j’appelais «mal dessinés», comme les illustrations de Quentin Blake par exemple… alors qu’aujourd’hui je les adore!
Je crois que le livre de mon enfance qui s’est le plus imprimé sur ma rétine et dans mon cœur reste L’hiver de la famille Souris, de Kazuo Iwamura. Le foyer, la famille, la lenteur, le feu dans le poêle, les petites brioches aux fraises…
Qui sont les artistes qui vous ont donné envie de créer à votre tour?
Si je ne devais en citer qu’une seule, ce serait Tove Jansson. D’ailleurs je ne vais citer qu’elle.
Pourriez-vous partager avec nous quelques-uns de vos coups de cœur en littérature jeunesse?
Parmi les livres qui m’ont époustouflée ces derniers temps, il y a d’abord Nous les enfants de l’archipel, d’Astrid Lindgren illustré par Kitty Crowther. Non mais Astrid Lindgren et Kitty Crowther ensemble, que dire de plus? J’aime aussi énormément les livres de Claire Lebourg, Anne Brouillard ou Inga Moore.
Dans un autre registre, avec ma fille nous avons lu des milliards de fois sans nous lasser La fabuleuse vie secrète de Fred de Posy Simmonds, et Les chiens pirates de Clémentine Mélois et Rudy Spiessert!
Particulièrement soignés, vos livres parus aux éditions Little Urban sont de véritables livres objets. Cela vient-il de vous? Comment se passe la collaboration à l’élaboration de vos ouvrages?
Merci!
Quand j’ai un livre en tête… j’ai un livre en tête! Je veux tout choisir, tout voir! J’accorde énormément d’importance à l’expérience «sensorielle» de la lecture (je suis particulièrement contente de la douceur du papier des Follets!). J’ai une chance immense de travailler avec l’équipe de Little Urban, qui me laisse toujours une immense liberté (et qui me propose souvent de très bonnes idées aussi). Elle me dit ce qu’il est possible de faire ou non, et on choisit ensemble ce qu’il y a de mieux pour le livre. C’est un de mes moments préférés, choisir la texture de la couverture, où placer les dorures, toucher les différents papiers… En fait non, j’aime tous les moments, faire un livre est quelque chose d’extraordinaire.
Quels sont vos projets à venir?
Après Les Follets, qui a été un projet très long et prenant, j’avais envie de faire un livre pour les bébés! Et je vais me régaler!
Ensuite, il y aura ce livre en collaboration avec une autrice que j’aime, une nouvelle expérience…
Puis les trois cent soixante mille idées de livres que j’ai en tête!
Je n’ai qu’un credo: je préfère faire moins de livres, mais les faire mieux. Alors certes, je n’ai pas beaucoup de beurre dans mes épinards (en fait c’est à peine si j’ai des épinards parfois), mais tant pis. Il n’y aurait rien de pire pour moi que de me dépêcher de faire un livre.
Et pour la fin, qui se cache derrière Madenn, l’héroïne que l’on retrouve dans vos deux derniers livres?
Oh ça ce n’est pas un grand secret! Au commencement, le personnage de Madenn était très inspiré de ma fille, et de moi-même quand j’étais petite. Puis, petit à petit, Madenn s’est mise à avoir une existence propre, son propre caractère, ses propres manies. Je crois qu’à la fin Madenn est tout simplement devenu mon archétype de l’enfance. Je crois que je serais bien capable de ne dessiner qu’elle dans tous mes livres, l’enfant absolu… Nous verrons bien [rires]!