Il était trop de fois

« Il était une fois… ». Pas de problème, le lecteur connaît cette entrée en matière. « Il était une fois un loup grand et méchant » : on commence à frémir, surtout que le petit chaperon rouge est dessiné dans un coin ! Et puis, l’auteure et l’illustrateur coupent court. Ils ont décidé de faire une histoire respectant la sensibilité des petits, la politesse et le bon goût. Donc, le loup devient un gentil caniche, et il ne mangera même pas de pigeon (trop sale), mais des navets (bons pour la santé). Mieux, il les partagera en une soupe collective avec les animaux de la ferme. Bref, c’est complètement délirant, un conte reflet d’un surmoi plus que d’un inconscient ! Heureusement, les personnages de cette histoire folle se rebellent, et on reprend à zéro : « Il était une fois un loup grand et méchant », etc.

Avec une auteure différente mais un même illustrateur, l’album s’inscrit dans la ligne humoristique du Meilleur livre pour apprendre à dessiner une vache. Le petit format étroit qui s’ouvre sur la longueur, le mélange pétant des couleurs noir, blanc et rose fluo contribuent encore à l’originalité de la chose, concentré de bonne humeur. Mais le lecteur est invité à aller plus loin en réfléchissant au processus de construction d’une fiction. L’arbitraire de l’auteur y est roi, et le second degré fortement apprécié ! Surtout que l’illustrateur rajoute une couche dans les images : alors que tout va bien dans le texte, le héros caniche exprime des émotions parallèles, pleure quand on lui enlève les bonbons, grimace devant le navet, regarde le lecteur d’une mine interrogative. Un vrai régal à rire.