Tomi Ungerer
Tomi Ungerer, artiste universel et humaniste satirique
Attendez-vous à l'inattendu - Tomi Ungerer semble toujours être là où on ne l'attend pas. On pourrait dire que Ungerer est d'abord connu comme un grand illustrateur, parfois comme un écrivain et un sculpteur, plus rarement comme humaniste engagé. Mais Ungerer se passionne pour la vie, celle de son prochain, celle du monde également ; et il revendique, pour la paix tout d'abord, la fraternité entre les peuples ou les enfants malades ensuite. Tomi Ungerer, en grand passionné, a plus d'une corde à son arc. Au grès du temps, des pays ou des saisons, des rencontres aussi, il peut devenir botaniste, minéralogiste, charpentier, fermier, dessinateur, graphiste ou collectionneur attentif. Comme lui, son père exerçait plusieurs métiers, fabricant d'horloges astronomiques pour l'Etat-civil, mais aussi ingénieur, artiste et historien. Et Tomi Ungerer sait que le présent est là, si vivace et si lointain, si réaliste qu'il nous rempli de
Tomi Ungerer, artiste universel et humaniste satirique
Attendez-vous à l'inattendu - Tomi Ungerer semble toujours être là où on ne l'attend pas. On pourrait dire que Ungerer est d'abord connu comme un grand illustrateur, parfois comme un écrivain et un sculpteur, plus rarement comme humaniste engagé. Mais Ungerer se passionne pour la vie, celle de son prochain, celle du monde également ; et il revendique, pour la paix tout d'abord, la fraternité entre les peuples ou les enfants malades ensuite. Tomi Ungerer, en grand passionné, a plus d'une corde à son arc. Au grès du temps, des pays ou des saisons, des rencontres aussi, il peut devenir botaniste, minéralogiste, charpentier, fermier, dessinateur, graphiste ou collectionneur attentif. Comme lui, son père exerçait plusieurs métiers, fabricant d'horloges astronomiques pour l'Etat-civil, mais aussi ingénieur, artiste et historien. Et Tomi Ungerer sait que le présent est là, si vivace et si lointain, si réaliste qu'il nous rempli de colère mais si beau également qu'à coup sûr on ne peut que le partager. Avec Tomi Ungerer, homme fragile, dessinateur angoissé, personnage passionné, on frôle de près tous les sentiments de la vie, on partage l'enfer du passé et l'on se prend à rêver d'un possible futur.
Il est vrai que la parcours de Jean Thomas, dit Tomi, Ungerer, semble écrit par un romancier aventurier. Né le 28 novembre 1931 à Strasbourg, dans une famille d'horlogers, son enfance est soudain bouleversée par la mort de son père, en 1935. Les difficultés matérielles qu'entraîne ce décès obligent la famille à quitter Strasbourg pour un petit village, Logelbach, situé à proximité de Colmar. Les environs de Colmar, et ses paysages paisibles et calmes, seront un des éléments de base d'une partie importante de l'oeuvre d'Ungerer.
L'autre événement marquant de son enfance est celui de l'occupation de l'Alsace par les Allemands. Il en fera toujours référence, comme pour mieux pointer les dégâts que peuvent entraîner les conflits, mais surtout pour en dénoncer l'absurdité des hommes. En 1940, la maison et l'usine familiale sont réquisitionnées par l'armée. Pendant la guerre, Tomi Ungerer, à l'Oberschule Mathias Grünewald de Colmar, est soumis à la germanisation de l'enseignement. De cet endoctrinement nazi, Tomi Ungerer en gardera un souvenir impérissable. Ungerer, tant dans ses livres pour enfants que dans les ouvrages à destination des adultes évoquera sans cesse cette période de sa vie, entre insouciance de la jeunesse et douleur de la guerre. Pendant l'hiver 1944-45, Tomi vit l'épisode dramatique de la « Poche de Colmar ». Ses dessins de l'époque témoignent de cette période de guerre. Mais sa mère, qui le couve énormément, tente de lui éviter toute confrontation.
Tomi Ungerer redevient français en 1945, mais il est bien difficile de se réadapter en cours d'études à une discipline différente, et surtout à une autre langue officielle après quatre années de domination allemande. Constamment puni pour avoir parlé Alsacien, il est qualifié de « pervers et subversif » par son proviseur. Il se fera renvoyer de l'école avant de passer son baccalauréat. De toute cette période, Ungerer a gardé un sens aigu contre toute les intolérances.
Au sortir de la guerre, débute pour Ungerer une série d'années à la fois insouciantes et difficiles Tomi décide, après son échec à la deuxième partie du baccalauréat, de partir en stop au Cap-Nord, en Laponie. Il relatera ses expériences de voyages dans ses Carnets qu'il fait le plus souvent à vélo. En 1952, pour échapper de nouveau à la guerre, il s'engage dans le corps des Méharistes en Algérie. Supportant mal la discipline militaire, il tombe gravement malade et est démobilisé l'année suivante (Ungerer évoque cette période souvent avec humour et tristesse ; il raconte que pour que les appelés marchent au pas, il chantait en plein désert des chants nazis...). De retour à Strasbourg, il s'inscrit aux Arts Décoratifs d'où il est renvoyé, quelques temps après pour indiscipline. Sans bacho, il travaille un temps comme étalagiste puis comme dessinateur publicitaire pour des entreprises locales. C'est durant cette période qu'il est attiré par la vie culturelle et artistique américaine, découvrant par exemple le dessinateur Saul Steinberg. Il effectue durant la même période de nombreux voyages à travers l'Europe, puis décide en 1956 de partir pour les Etats-Unis, avec 60 dollars (et une « cantine de dessins et de manuscrits »).
L'arrivée à New-York se passe mal. A peine débarqué, il tombe de nouveau malade et les infirmiers de l'hôpital l'engagent à retourner en Europe. Désenchanté, Ungerer ne retrouve pas ce pays d'accueil dont il rêvait tant. Mais Tomi Ungerer persiste et signe et c'est à New-York qu'il fait deux essentielles pour la suite de vie ; celle tout d'abord de Nancy White, qu'il épouse en septembre 1956 et celle d'Ursula Nordström, éditeur chez Harper et Row, qui lui donnera sa première chance de publication : il conçoit alors la maquette de ses premiers livres pour enfants tout en travaillant pour la presse et la publicité. En 1957, son premier livre pour enfants, The Mellops go flying, paraît chez Harper and Row et raconte l'histoire d'une famille de petits cochons. Dès sa parution, l'ouvrage connaît le succès et obtient le célèbre prix du Spring Book Festival. Parallèlement, Ungerer réalise sa première campagne publicitaire pour les machines Burroughs, dessine également pour les revues Esquire, Life, Holiday, Harpers, The New York Times ainsi que pour la télévision.
De 1958 à 1962, il poursuit son travail d'illustrateur jeunesse, complète la série des Mellops et réalise d'autres aventures enfantines, comme Crictor, Adélaïde, Emile, Les trois brigands, Rufus, ainsi que des livres satiriques comme Horrible et The Underground Sketchbook. Ses livres pour adultes lui assurent également la réputation d'un des plus importants dessinateurs satirique et humoristique de notre temps. En Europe, il entame une collaboration avec une maison d'édition suisse Diogenes Verlag, qui éditera la majorité de ses livres pour la jeunesse, mais également ses ouvrages pour adultes, satires de la société, comme dans Fornicon (où il critique la sexualité mécanisée), Babylon (sur la mort, préfacé par Friedrich Durenmatt), Schwarbuch (le livre noir, sur la guerre) ou The Party (paru en 1966, dans lequel il exprime sa haine de la société new-yorkaise). L'Allemagne reconnaît le talent de Ungerger, en 1962, l'année de la naissance de sa fille Phoebé, une première grande exposition est organisée à Berlin. Simultanément, il dessine des affiches contre la guerre du Vietnam et contre la ségrégation raciale. Rapidement, il sera mis à l'index, fiché comme « communiste » (il sera d'ailleurs toujours suivi de près par les autorités américaines). Ses livres seront d'ailleurs interdits dans les bibliothèques subventionnées, les dessins de Ungerer étant jugés hautement politiques par l'administration américaine.
En 1970, Tomi Ungerer rompt avec New York, et part avec sa femme, Yvonne Wright, en Nouvelle Ecosse (Canada) où ils vivent dans une ferme isolée. Durant les années canadiennes (environ cinq ans), Ungerer renoue avec ses racines alsaciennes ; il publie Das Grosse Liederbuch, livre de chansons populaires allemandes, qui obtient un grand succès. Loin de la ville, Tomi veut « exorciser les démons de sa vie citadine » (leurs expériences sont décrites dans Heute hier, morgen fort (1983)).. Plusieurs expositions en France (en 1975, Ungerer fait une importante donation de son œuvre et de sa collection de jouets aux Musées de Strasbourg qui lui consacrent une exposition rétrospective) et en Allemagne lui sont également consacrées. Mais Ungerer ne range pourtant pas son crayon et publie America, un album charge contre les Etats-Unis.
Depuis 1976, les Ungerer s'installent en Irlande, où naîtront trois enfants (Aria, Lukas et Pascal). En 1981, une rétrospective très importante est organisée au Musée des arts décoratifs de Strasbourg, et en 1983, Tomi Ungerer obtient le titre de « Moraliste impitoyable » par le biais du prix Burckhart, décerné par la fondation Goethe de Bâle. En 1984, il est nommée commandeur de l'ordre des Arts et des Lettres.
A partir de 1985, Ungerer participe activement à la vie culturelle alsacienne : il sera chargé de mission à la commission interministérielle France-RFA. Mais Tomi Ungerer n'en oublie pas ses racines européennes et sa vision d'une société plus juste ; en 1986, après de fréquents séjours à Hambourg, il relate et dessine un reportage sur le milieu des prostituées dans Schutzen gel der Hölle. En 1990, il reçoit la Légion d'Honneur et crée, en 1991, la Culture Bank, à Strasbourg, pour favoriser les échanges culturels de toutes sortes.
Pour Tomi Ungerer, 1992 a été une année sombre : il perd sa sœur dans l'accident aérien du mont Sainte-Odile. Mais il n'en reste pas moins inactif : il participe à de nombreuses opérations humanitaires, en faveur de la Croix Rouge Française, contre le sida.
En 1994, paraissent un livre sur l'ensemble de son œuvre publicitaire, Affiches, et un recueil d'esquisses érotiques, Das Liederliches Liderbuch. En 1995, il publie un recueil de textes et de dessins sur les chats, Das Grosse Katzbuch, mais n'en n'oublie pas pour autant les enfants, avec plusieurs publications.
En 1997, paraît Flix, (son premier livre pour enfants depuis 1974) chez Diogenes Verlag à Zurich et à l’Ecole des Loisirs à Paris, puis Mon Alsace, aux Editions de la Nuée Bleue à Strasbourg, et Cats chez Roberts Rinehart Publishers aux Etats-Unis. Le Prix Hans Christian Adersen lui est décerné l'année suivante, puis le Prix Européen de la Culture en 1999, tandis que paraît Otto, autobiographie d'un ours en peluche.
Tomi Ungerer vit toujours en Irlande, tout en gardant des contacts très étroits avec l'Alsace et ses souvenirs d'enfance, celle égayée par Max et Moritz, Samivel et Benjamin Rabier. Celle aussi illuminée par le retable de Grünewald devant lequel le jeune Ungerer restait des heures durant à rêver. Car au goût le l'absurde et de la provocation, jusqu'à la cruauté, répond dans toute l'œuvre de Ungerer, la pudeur, la tendresse et le ravissement devant l'enfance.
Avec talent et générosité, Tomi Ungerer a jusqu'à ce jour publié plus de 130 ouvrages, près de 500 affiches, des milliers de dessins où transparaît sa verve contre la société de consommation, fustigeant les trop-nantis ou les imbéciles repus, émerveillé devant la naïveté du monde...Un talent multiforme qui désarme, mais qui rassure aussi les lecteurs que nous sommes...