La première collection jeunesse voit le jour au sein des éditions Didier en 1988 sous l'impulsion d'une équipe de pédagogues (chercheurs au Crédif) s'intéressant à l'apprentissage du français auprès des étrangers. Il s'agit des Petits Lascars, six recueils de comptines et d’histoires accompagnées de cassettes audio qui séduisent aussitôt les professionnels de la petite enfance et le grand public par la qualité de la sélection et le naturel de l'interprétation. Leur succès ne s'est pas démenti depuis lors.
Leurs collections sont les suivantes :
Buissonnière, albums de fictions documentaires autour de la nature (aujourd'hui épuisés),
Les Petits Cousins, recueils de comptines en deux langues avec cassette, restent fidèles à la vocation éducative des éditions Didier.
C’est en 1994 que Didier Jeunesse prend vraiment son essor. Le premier titre de la collection Pirouette, Une Souris Verte, illustré par Charlotte Mollet qui signait là son premier album, est salué par les libraires dès parution (Prix Sorcières 1994).
La comptine, ce réservoir infini d'images, devient une source toujours plus riche d'inspiration pour les illustrateurs. Charlotte Mollet, Martine Bourre, Stefany Devaux, Christophe Alline et bien d'autres y trouvent un espace ouvert à leur imaginaire et une grande liberté tant au niveau du texte que des techniques utilisées dans l'illustration.
Les éditions Didier Jeunesse propose également La Lettre de Didier Jeunesse, autour d'un thème en relation avec les publications de la maison.
Une grande exigence sur le plan artistique :
Il nous semble primordial de renouveler les approches et d'encourager de nombreux jeunes illustrateurs comme Benoit Perroud, Denis Cauquetoux, Delphine Grenier, Cécile Hudrisier, Elodie Nouhen, Elea Pok, Mandana Sadat… Nombreux sont en effet les jeunes auteurs-illustrateurs qui ont publié leur premier livre chez Didier jeunesse : Christophe Alline, Éric Battut, Anne Isabelle Le Touzé, Charlotte Mollet, Hélène Micou, Andrée Prigent, Roberto Prual-Réavis, etc.
Un rapport musical et poétique au texte
Nous avons tendance à privilégier les livres d'auteurs-illustrateurs. De leur démarche naît nécessairement un rapport original entre le texte et l'image.
Notre intérêt pour la tradition orale nous pousse également à rechercher un rythme, une musique des mots ainsi qu'une certaine "épaisseur" du propos, qui peut perdurer de génération en génération.
Des images et des comptines
Il y a tant d’images cachées derrière une belle comptine. Il en est, je crois bien, pour la plupart de celles qui ont traversé les générations. La langue s’y polit en même temps qu’elle s’y condense à l’extrême. Parce qu’il est question de l’initiation aux mots et à leur musique. C’est d’abord à la musique des mots qu’est sensible un tout-petit. Peu à peu le sens vient jouer avec les sons, avec les espaces et les silences, aussi. De façon anarchique pour qui le voit de l’extérieur, pas forcément logique, avec tous les emmêlements, les chemins, les possibles.
Comment alors donner à voir les comptines ? Quels sont les choix artistiques des illustrateurs ? Comment visiter ces textes sans les enfermer dans de stéréotypes, sans les figer ?
Dans la collection " Pirouette ", qui est celle qui laisse le plus d’espace et de liberté aux images, l’illustrateur s’appuie sur la trame épaisse de la mémoire collective ainsi que sur la sienne propre. Les références culturelles circulent, ainsi le facteur emprunté à Jacques Tati par Charlotte Mollet, pour son Pirouette, cacahouète, la vague de Hokusai dans Bateau sur l’eau ou bien encore la Dame Tartine de Stéfany Devaux, digne d’un orient kitsch à souhait, évoquant l’univers des Mille et une nuit, des contes ou des dessins animés.
L’illustrateur, s’il reste fidèle à l’esprit, à la gestuelle et à la musicalité de la comptine, peut oser un récit parallèle, qui multipliera les aller-retours du connu vers l’inconnu. Il donnera à voir autrement ce qu’on connaît déjà et fera découvrir ce qu’on ne connaît pas. À tel point parfois que ces frontières s’estomperont et parviendront à épaissir encore la mémoire collective d’une nouvelle strate, à donner un autre relief à des morceaux que l’on " ne voyait plus " à force de les avoir trop vus.
Ainsi, dans L’était une petite poule grise, Stefany Devaux renouvelle notre approche des couleurs alors que la valorisation outrancière des couleurs primaires dans le discours éducatif, dans les jouets, aussi bien que dans les livres n’est pas toujours d’une grande richesse ! Elle nous montre des beige, brun, gris, blanc, noir, roux, une palette peu commune, à laquelle nous invite d’ailleurs la berceuse traditionnelle. De façon très subtile, elle met en valeur les teintes les unes par rapport aux autres, le beige y côtoie le gris anthracite et le noir l’orange. Grâce à son utilisation des papiers artisanaux, riches en fibres et en matières, les nuances paraissent infinies. Ainsi le blanc n’est " blanc " que par son contraste avec le vert sapin. Dans un autre contexte, il serait bien plutôt gris. Nos mots sont bien pauvres, et les pinceaux de l’illustratrice nous entraînent bien plus loin... C’est là une véritable éducation du regard qu’elle nous propose.
L’enrichissement peut aussi se jouer à l’intérieur du scénario quand les images nous livrent d’autres clés, d’autres lectures possibles. Les livres de Martine Bourre recèlent ainsi d’infinis parcours. Deux d’entre eux, Le petit chat gris et Le grand cerf, sont même construits en boucle, le livre ne se referme jamais, comme la comptine que sans cesse l’on répète.
Les choix plastiques, le recours aux matières, aux collages, aux volumes, disent aussi la pluri-sensorialité des comptines. Toujours on est dans un rapport complet au corps, à son corps et au corps de l’autre. C’est la qualité de l’échange entre l’adulte et l’enfant qui prime, qui est l’enjeu premier de chacun de ces livres.
Michèle Moreau
Extrait de l'ouvrage 1,2,3, comptines, collection Mille et un bébés, Erès