Le Centre André François expose 33 originaux de Mélanie Rutten. La France, la Belgique et la Suisse s’associent à cette fête

Le Centre André François propose, en ce début d’automne, une exposition accessible pendant les trois derniers mois de 2024, du 5 octobre au 28 décembre: «La poétique de l’ombre dans l’œuvre de Mélanie Rutten». Quelques activités complémentaires seront en outre proposées au public: une conférence le 28 novembre à 11 heures sur les carnets de croquis de l’illustratrice, empreints d’une esthétique proche de celle de Feodor Rojankovsky, comme des ateliers avec l’artiste. Le premier, en octobre, sera exclusivement réservé à une classe d’école primaire des environs, deux autres seront ouverts à un public plus large. Le 13 décembre (à 18 heures) et le 14 décembre (à 10 heures), les familles pourront donc partager des moments privilégiés avec la plasticienne. Ce même jour, à 14h30, vous êtes tous conviés au dévernissage, en présence de Mélanie Rutten et de moi-même.   

C’est en France qu’est né et s’est organisé ce projet, il fut réalisé avec une plasticienne (Mélanie Rutten) et une commissaire d’exposition (moi-même) belges et, aujourd’hui, le site suisse Ricochet se charge de le diffuser. Un bel exemple, parmi tant d’autres, des solidarités qui se tissent dans les milieux culturels, par-delà des nationalismes trop souvent réducteurs. 

Le Centre André François 
Situé à Margny-lès-Compiègne, créé en 2010 au sein de la médiathèque Jean Moulin, ce Centre s’est ouvert au public en février 2012. La Direction Générale des Affaires Culturelles de Picardie, le maire et son équipe municipale d’alors ont répondu à l’enthousiasme de Janine Kotwica, grande spécialiste du travail de l’extraordinaire André François, afin de garder la mémoire d’une œuvre originale, unique en son genre. Dirigée aujourd’hui par Léa Martin, en collaboration avec Élodie Coupelle, l’institution joue plusieurs rôles dans sa commune: préserver un patrimoine de livres de jeunesse de qualité, mieux faire connaître l’album conçu pour le jeune public, offrir aux classes des différents établissements scolaires de la région des activités culturelles variées sur les textes et les images. L’équipe en place gère ces missions avec un enthousiasme et une gentillesse qui ne semblent jamais leur faire défaut. 

L’exposition: «La poétique de l’ombre dans l’œuvre de Mélanie Rutten»
Le visiteur pourra traverser les forêts imaginaires de Mélanie Rutten, en suivant le chemin tracé par la trentaine d’originaux de l’artiste, issus de huit albums édités chez MeMo. Il aura aussi l’occasion de se pencher sur certains de ses carnets de croquis, véritables sources d’inspiration, essentiels pour comprendre la complexité de l’univers de l’artiste belge. Le public se verra alors plongé dans une véritable cosmogonie de papier. Les effets de lumière et d’ombre, audacieux, épousent en effet une narration poétique qui emmène les personnages, tout au long d’une aventure intime, réelle ou rêvée. La gestion de l’espace et des couleurs dans ces illustrations dévoilent subtilement des émotions qui parlent à tout un chacun, car elles traversent nos vies à un moment donné ou à un autre. La scénographie fut réalisée en équipe. Léa Martin, Mélanie Rutten et moi-même avons cherché à concevoir un voyage à la fois ludique et personnel, créant diverses niches où les enfants, comme les adultes, pourront se sentir à leur aise, plongés dans l’atmosphère particulière qui se dégage de l’ensemble des dessins sélectionnés, laissant à chacun l’occasion de s’approprier, à son rythme, les multiples chemins narratifs qui traversent les albums de l’artiste belge. 

La conférence de Monique Malfait-Dohet: «L’esprit du Père Castor plane-t-il sur les carnets de croquis de Mélanie Rutten?»
L’œuvre de Mélanie Rutten ne se révèle pas que dans ses albums, elle se déploie aussi dans ses carnets de croquis qui élargissent sa palette. Certains d’entre eux permettent de découvrir un authentique «Roman des bêtes», proche de celui dessiné par Feodor Rojankovsky, de 1934 à 1939. La plasticienne a en effet en commun avec l’illustrateur russe une maîtrise étonnante du dessin animalier et de l’espace visuel de la page. Nous verrons à quel point l’esprit de la collection des albums du Père Castor a gardé toute sa modernité, malgré les quelques quatre-vingt dix ans qui nous séparent des premières créations éditoriales de Paul Faucher. Héritière de cette esthétique moderniste, Mélanie Rutten développe pourtant un style qui lui est propre et qui renouvelle notre perception de la nature.

Les ateliers: «Fabuler en automne»
Mélanie Rutten a aussi imaginé des ateliers publics de créations solidaires. Un premier se déroulera le 11 octobre toute la journée, avec une classe d’école primaire à partir d’observations à l’extérieur sur les éléments naturels qui caractérisent l’automne. Ensuite, une réalisation individuelle d’un petit journal nature permettra aux jeunes de vivre une expérience d’écriture éco-poétique, loin de tout consumérisme.

Les 13 et 14 décembre, elle répète l’expérience, mais cette fois pour un public familial: «Observer, dessiner, écrire, peindre et raconter ce que l’automne souffle entre les feuilles de nos carnets. Avec crayons, pinceaux et encres végétales» (Mélanie Rutten). Une occasion de mettre en pratique, avec du brou de noix, du fusain et quelques encres végétales, toute la poésie plastique, comme textuelle, de l’artiste. 

Le catalogue rédigé et conçu par Monique Malfait-Dohet, mis en pages de Léa Martin
Le Centre André François imprime à cette occasion un document de 50 pages pour accompagner l’exposition. Ce recueil reprend les originaux présentés, des images extraites des carnets de croquis de l’artiste et cinq articles sur le travail de Mélanie Rutten. Ils mettent l’accent à la fois sur l’originalité de ses approches, sur le dialogue qui s’instaure avec les éditions MeMo, sur son sens aigu de la narration, sur la richesse de ses croquis naturalistes imprégnés de l’esprit du Père Castor, sur son utilisation de l’ombre et de la lumière, ainsi que sur la singularité de son écriture poétique. La municipalité assume généreusement une partie importante des coûts de ces impressions et partage avec l’artiste, comme avec la Fondation Battieuw-Schmidt, ceux de tirages supplémentaires afin de diffuser au mieux cette monographie. 

Le support pour les enfants
Un document adressé au jeune public suggère des activités ludiques à réaliser seul ou en équipes. À chaque fois, il est demandé au jeune visiteur d’observer les œuvres exposées pour tenter de mieux cerner le rapport qui unit le texte et l’image dans ses récits, en partant d’un original (sans texte) pour retrouver dans les albums (accessibles à divers endroits de l’exposition) leur cohérence narrative et comprendre le rôle des personnages, comme celui des décors et des thèmes abordés dans les différents ouvrages. 

Nous espérons que cette exposition répondra aux attentes d’un très large public et qu’elle sera vue par de nombreuses personnes, issues de différents horizons. Les originaux, comme les livres, ouvrent en effet à de multiples lectures et rappellent l’importance de l’imaginaire dans la construction de nos identités multiples, bien loin des conceptions étroites et simplistes d’une appartenance culturelle unique. 

Pour aller plus loin...
Site Internet du Centre André François
Site Internet de Mélanie Rutten
Site Internet des éditions MeMo

Monique Malfait-Dohet présidente et conseillère scientifique du Fonds de l’image et du texte pour la jeunesse (Fondation Battieuw-Schmidt). Elle est commissaire de l'exposition «La poétique de l'ombre dans l'œuvre de Mélanie Rutten».