Au temps de Jules Ferry
L'avis de Ricochet
D’abord éditée au Sorbier la collection La vie des enfants, s’adresse aux lecteurs dès 9 ans, et est aujourd’hui publiée par la Martinière Jeunesse.
Dominique Brisson, auteur de Au temps de Jules Ferry, diplômée de l’INTD est, entre autres, scénariste et auteur de livres documentaires pour jeunesse. La première de couverture de la nouvelle édition (2007) est modernisée, par l’ajout d’un ovale de couleur qui encadre le titre et qui accroche le regard. L’illustration La classe enfantine, donne d’emblée une idée de l’époque étudiée. Le format permet une lecture et une prise en main agréables, la qualité du papier glacé, de la couverture cartonnée, des couleurs et de la police, la nature des illustrations (photographies sépia, noir/blanc, peintures etc.), rendent l’objet attrayant et plongent l’enfant dans l’univers pittoresque de l’époque avec plus de 50 images d’époque.
Après un aperçu de l’école primaire avant 1870, on découvre pas à pas l’aménagement délicat des principes républicains. La mutation du système s’accélère avec les lois de Jules Ferry (gratuité, obligation, laïcité). Sont décrites la construction des maisons d’école, la vie en classe et l’utilisation du matériel pédagogique, l’Ecole Normale etc. Les valeurs citoyennes sont fondamentales et le désir de réussir croît : l’apprentissage en classe et le travail manuel assurent un futur emploi. On comprend les tensions fortes entre le Clergé et l’Etat et les débats pour l’instauration des valeurs républicaines rythmant la vie des Français, non sans confusion.
Le principe de la collection est de terminer les chapitres par le récit de la vie quotidienne d'enfants de l’époque. Les origines sociales différenciaient le droit à l’enseignement. La dernière leçon de français d’Henri, l’expérience de Jacques à l’école gratuite, l’interdiction du crucifix dans la classe de Jeanne, le certif’ de Cécile, sont autant de portraits qui incitent l’enfant à réfléchir sur sa propre situation par l’identification aux personnages. L’adulte peut s’interroger sur la place actuelle de la laïcité qui pose encore problème. « (…) En rendant les idées décrites bien plus concrètes et plus vivantes » ces récits pallient à l’écriture parfois académique des parties théoriques.
L’abondance des données et la “discontinuité ” de certains événements peuvent perturber la lecture ; cela tient à la difficulté de cerner les enjeux de la période et au souci du détail de l’auteur. Ce documentaire s’adresse aux enfants bons lecteurs, même si les différentes entrées du sommaire sont un gage d’accessibilité et que les légendes expliquent judicieusement les termes difficiles (« précepteur » par ex.). Le « butinage » est possible grâce aux différents types de lectures du livre : les parties théoriques peuvent être lues indépendamment des portraits, des illustrations et des légendes ; cela rend la lecture plus dynamique en permettant à l’enfant de cheminer à son rythme.
Notons qu’il n’y a aucune référence aux écoles maternelles (1882), qui font pourtant partie du primaire et que la logique de système en « réseaux » aurait pu être envisagée, afin de compléter l’explication sur la différence de qualité de l’enseignement entre « riches » et « pauvres ». Mais le fait de traiter le thème de la vie des écoliers sous l’angle de l’époque « Jules Ferry », en fait un ouvrage original et donne des informations peu exploitées sur le sujet.
Ce documentaire historique, de qualité dans sa matérialité et dans son contenu, reflète l’ambition clairement affichée en quatrième de couverture : « faire connaître aux enfants d’aujourd’hui la vie des enfants d’hier (…) Comment vivaient-ils ? Allaient-ils à l’école ? (…) Quels étaient leurs jeux ? (…)». Même si Dominique Brisson n’est pas historienne, elle se définit comme « une "vulgarisatrice", au sens noble du terme, c'est-à-dire [comme] quelqu'un dont le savoir n'est pas de savoir, mais de revisiter les savoirs pour les faire partager... ». Pari gagné avec cet ouvrage où l’expérience de l’auteur dans le domaine documentaire, alliée à la présence de visuels d’époque, concourt à faire de l’ouvrage un titre de référence.
Université du Maine, promotion 2007-2008.