Bimbi

Avec Bimbi ( « i bambini ») d’Albertine, nous avons le sentiment de pénétrer un très grand carnet de notes et croquis, une réserve de personnages qu’on a vus ou verra ultérieurement. Un peu par effraction, un peu par sympathie, l’illustratrice nous laisse regarder par-dessus son épaule les scènes qu’elle épingle. L’étrangeté vient de l’absence de contexte, nul paysage, nul dialogue et pourtant le dessin éveille de multiples situations connues : le château de sable qu’on construit avec l’enfant ; l’insecte écrasé par un petit garçon ; les chuchotements entre amies ; les grimaces… Sans ordre ni classement, sans jugement ni angélisme, les dessins flottent dans l’espace de la page. Les scènes sont peu souriantes et même parfois brutales, des enfants se bousculent, se fâchent, se moquent ; un petit garçon soulève la jupe d’une fille ; les adultes immenses dominent les enfants, les grondent. Uniquement en gris et blanc, au crayon sans donner le sentiment d’esquisse, le trait fin des personnages, les ombres, les rares décors dégagent une vision austère du monde de l’enfance. Pourtant la proximité des situations, leur familiarité les rendent fascinantes et laissent interrogatifs, mi-attendris, mi inquiets par le miroir qui nous est ainsi tendu. Un album « hors norme », comme le dit l’éditeur.