Boris Vian et moi

Elsa, étudiante en littérature à Paris, est chargée de ranger et référencer la bibliothèque de Boris Vian. Cette proximité avec le fantôme (qu’elle voit réellement) du poète la perturbe beaucoup, et la fait avancer dans sa relation avec Louis, un amour-connivence littéraire – ils ont les prénoms de Louis Aragon et Elsa Triolet - qui s’effiloche…
Abus de mots vieillis et littéraires, rappels de quand elle était « plus jeune » (p. 46), poèmes célèbres, citations de textes confidentiels de Vian, rapports forts (certes amusants) aux parents trotskystes : la narratrice Elsa est une adolescente volontiers lyrique, un peu agaçante. Certes, on peut penser à une construction de l’auteur et prendre cette manière de raconter au second degré. Car l’histoire tire son épingle du jeu : sous un récit linéaire du quotidien, il s’agit d’une réflexion aboutie, plutôt complexe, sur la vie et la littérature, la réalité et les illusions. A ce titre, la fin est très intéressante : l’héroïne décide d’aller en hôpital psychiatrique de son plein gré (n’est-ce pas un peu trop, quand même… ?), et écrit une nouvelle, « La Chute ». Ce morceau de bravoure, agencement de passages dispersés dans le corps du roman et repris textuellement, joue sur le doute subtil quant à l’être aimé dont il est question, sans résolution si ce n’est celle de continuer à vivre (si possible les pieds sur terre). La collection Exprim’, découvreuse de nouveaux talents, ne faillit pas à sa réputation pour un premier roman qui parlera aux jeunes – en section littéraire toutefois -, et on se demande si, et vers où Lou Delachair évoluera…