Dans ma poche

La main sur l’épaule de celui qui le précède, garçons et filles se suivent. Ils sont dessinés, brodés plutôt au fil bleu, sages comme les ribambelles des nappes décorées auxquels ils font penser. Un détail intrigue : ces enfants portent, appliquée sur leurs tabliers, une poche en tissu délicatement colorée qui tranche avec la tonalité gris blanc de la couverture. Cette poche est le théâtre caché d’acteurs que nous découvrons au fil des pages, trésor intérieur de chacun de ces enfants muets avec qui nous dialoguons.

Ribambelle de la couverture, guirlande des personnages découverts au fur et à mesure, texte et images entretiennent le plaisir du jeu. Une question ouvre chaque scène : « Qu’y a-t-il dans la poche de Jean aujourd’hui ? ». De la poche de Jean, une belle poche en tissu rayé, émergent deux pointes brodées bleues, dans le même fil que celui des personnages de la couverture. Lorsqu’on tourne la page, l’intérieur de la poche apparaît et un lapin nous regarde. « Dans sa poche, ça sautille. », dit le commentaire, en décalage avec le regard rêveur du lapin. Le texte de la page suivante poursuit : « Ça sautille aussi dans la poche de Lilly ? ». De la belle poche brodée de fleurs émergent les mêmes pointes brodées bleues. La page tournée, arrive la réponse : « Non dans sa poche, ça pépite ». Effectivement, un oiseau, le bec grand ouvert semble crier.

Le jeu se poursuit ainsi, question et réponse s’appuient l’une sur l’autre, les poches masquent un objet dont on ne voit que les extrémités bleues, découvertes page suivante avec un commentaire qui relance la question jusqu’à la fin où tous les objets masqués, oiseau, ciseaux, toits, fleurs s’animent en tableau final joyeux.

La simplicité des moyens, ce long fil brodé, la vivacité des textes eux-mêmes tissés, le jeu de cache-cache composent un album d’une très grande force poétique. Sous la placidité des personnages de couverture, le feu couve conformément à l’intention de l’auteure : « Dans [ma] poche semble être le plus simple de mes livres, parce qu'il a l'air d'un jeu sur la forme. Mon intention était de créer quelque chose d'anti-système pour montrer que les enfants ont droit au secret, à leurs cachettes secrètes, et que chacun d'eux est un individu différent qui a besoin de sa bulle intime, de sa «poche». (Lire l’interview d’Iwona Chmielewska sur le site Internet des librairies Sorcières).

Objectif atteint, un livre magique.